jeudi 31 décembre 2015

Message reçu

Je vais visionner cette video dès que j'aurai un moment (car elle dure un certain temps), découverte en ouvrant un mail et qui me semble très intéressante, (j'ai pris cinq minutes pour voir le début) :

https://www.youtube.com/watch?v=XdsAHMOX3IA&feature=youtu.be

J'ai eu le temps, heureux temps !, de m'émerveiller de ce court texte de Madame Bebe, ici : http://jubilatedeo.hautetfort.com/archive/2015/12/31/morceaux-choisis-412-pauline-bebe-5726019.html

mercredi 30 décembre 2015

Que recouvrent les mots....



Que recouvrent les mots "enfant-dieu" du poème mis en ligne le post précédent ?  Parce que toute personne, du bébé au vieillard,  se trouvant en dieu et dieu se trouvant en elle pour un croyant, "enfant-dieu" dans l'absolu est heureusement banal. Mais le poète a voulu faire allusion peut-être à la focalisation faite sur un enfant, dans une sorte de culte de la personne, au détriment des autres. Focalisation  destructrice.  Il aura voulu faire allusion à cela à mon sens.

mardi 29 décembre 2015

Le poème du jour : Animals d'Alfred Kreymborg

 Quel animal tu es
ou si tu es un animal,
je suis trop stupide pour le dire.
Certains moments
je pense que tu es issu de la terre,
de quelque froide pierre blanche du fin fond de la terre.
Ou l'idée m'effleure
et persiste dans un coin de ma tête
que tu as glissé d'un arbre
quand la terre a cessé de tourner,
que tu t'es amenée dans une coquille bleue
quand la mer a été fatiguée de valser.
Tu pourrais être une souris,
la dryade d'un pivert,
ou un pur rêve de poisson minuscule ;
tu pourrais être quelque chose tombé du ciel,
pas un enfant-dieu —
je ne te voudrais pas en cela —
non plus un nuage —
bien que j'aime les nuages.
Tu n'as rien d'un oiseau,
je peux le dire.
Si je pouvais te trouver quelque part
au dehors
 de moi, je pourrais dire —
mais dedans ?

Animals - Poem by Alfred Kreymborg

What animal you are
or whether you are
an animal, I
am too dumb to tell.
Some moments,
I feel you've come out of the earth,
out of some cool white stone
deep down in the earth.
Or there brushes past
and lurks in a corner
the thought
that you slipped from a tree
when the earth stopped spinning,
that a blue shell brought you
when the sea tired waltzing.
You might be a mouse,
the dryad of a woodpecker,
or a pure tiny fish dream;
you might be something dropped from the sky,
not a god-child-
I wouldn't have you that-
nor a cloud-
though I love clouds.
You're something not a bird,
I can tell.
If I could find you somewhere
outside
of me, I might tell-
but inside?

lundi 28 décembre 2015

Le texte de ce matin

J'ai lu un texte ce matin, de Claire d'Assise s'adressant à Agnès, sur Jubilate Deo ; ce texte parle de contemplation. Il en émane une quiétude immense. Moi qui disais dans le post précédent "parmi les autres et avec les autres" je réalise après cette lecture  que je m'adressais essentiellement aux jeunes, contre le recroquevillement. Mais j'imagine Claire écrivant les lignes que j'ai lues. Elle devait être, pour écrire ce qu'elle a écrit, dans son monde, en compagnie d'êtres transparents, pour de bon ceux-là, dans une solitude n'étant qu'apparente.  On sent une assurance dans ces lignes, elle ne doute pas, elle est en présence. C'est très beau.

Ici  : http://jubilatedeo.hautetfort.com/archive/2014/08/22/morceaux-choisis-118-claire-d-assise-5432494.html


dimanche 27 décembre 2015

Impression

Ce matin Patrick et moi avons vu un jeune homme tout seul à la gare d'eau, ce qui n'est pas rare, sauf que celui-ci avait l'air hésitant de quelqu'un qui se demande ce qu'il fait là. Il était black, peut-être nouvellement arrivé dans la ville. J'ai tenu à lui dire bonjour et il a marmonné un "bonjour" un peu timide et grognon en retour. Il semblait ne pas savoir quoi faire,  donnait l'impression de n'être pas  à l'aise. Enfin, comme beaucoup de monde le fait à la gare d'eau où nous nous trouvions, il s'est mis à courir, c'est un lieu en effet où la plupart des gens viennent pour s'adonner au jogging. "Mon bonjour l'aura mis plus à l'aise mine de rien et voilà, maintenant il court", j'ai dit ce genre de chose à mon ami qui m'a répondu que c'était possible. Il courait le petit père et, faisant plusieurs fois le tour de la gare d'eau, nous l'avons régulièrement rencontré encore et encore en l'espace d'une heure car il courait vite. Chaque fois qu'il nous croisait, je lui souriais ostensiblement, et je pense que sous ses paupières moitié baissées il voyait ce sourire. "Cours petit père, sois à l'aise."  pensai-je... m'était venu à l'esprit cette chose anodine à première vue : les jeunes s'agglutinent dans leurs quartiers, qui deviennent parfois des zones de non-droit raconte-t-on,  à force de ne pas oser se mettre à l'aise partout ailleurs. Figés dans un cocon et finissant par y macérer. Par impression de n'être pas à leur place partout ailleurs ?  D'où le mal être. À méditer. Enfin, celui-là, ce matin, s'est lancé et ça avait l'air de lui réussir de se défouler comme ça parmi les autres et avec les autres.   

Histoire ce matin

Visitant le site Livre Audio, je choisis de réviser l'histoire avec l'assassinat du duc d'Enghien.

Je n'ai jamais trouvé Bonaparte sympathique, parce qu'il a instauré un régime très autoritaire après que les gens qui avaient cru en la Révolution eurent espéré un régime plus démocratique. Révolution maladroite par ailleurs, faite de violence et de démesure....  celle de Ghandi  étant tellement  ardue à faire qu'elle semble réservée à un peuple de résistants hors norme, dotés de nerfs d'une solidité à toute épreuve.

Partout la violence, c'est pourquoi sans doute la politique dégoûte, ne réussissant pas à sortir du bourbier sanglant de cette violence.

Tu proverai si come sa de sale
Il pane altrui, e com' è duro calle
Lo scendere e'l salir per l'altrui scale.
E quel che piu ti gravera le spalle,
Sarà la compagnie malvagia e scempia,
Con la qual tu cadrai in questa valle ;
Che tutta ingrata, tutta matta ed empia
Si farà contra te.
..............................................
Di sua bestialitate il suo processo
Sarà la pruova : si ch'a te sia bello
Averti fatta parte, per te stesso.

" Tu sauras combien le pain d'autrui a le goût du sel, combien est dur le degré du monter et du descendre
de l'escalier d'autrui. Et ce qui pèsera encore davantage sur tes épaules, sera la compagnie mauvaise et hérétique avec laquelle tu tomberas et qui toute ingrate, toute folle, toute impie, se tournera contre toi.
" (...) De sa stupidité sa conduite fera preuve ; tant qu'à toi il sera beau de t'être fait un parti de toi−même. "


Bonaparte règle son compte au duc, c'est ici :

http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/chateaubriand-francois-rene-de-memoires-d%E2%80%99outre-tombe-deuxieme-partie-livre-16.html

 

samedi 26 décembre 2015

Le livre lu

J'ai terminé la lecture de Déodat et la transparence. Un bon livre ! Sur le plan philosophique il dit beaucoup de choses. Michel Zink rejoint quelque peu Cervantès dans sa perception du chevalier  vivant dans un conte. En quête d'aventures, du Graal notamment, quête étrangement fantasque, réservée à quelques chevaliers de haut lignage  selon les uns,  mais allez savoir avec le christianisme, un obscur peut prendre la place d'un légitime, si les chevaliers n'y prennent garde !

La question des enfants issus d'unions jugées illégitimes est abordée sous plusieurs angles. En découle celle du mépris, largement traitée dans cette histoire avec l'expérience de la transparence justement, où l'on se trouve dans l'au-delà du mépris.

Pourquoi le "bâtard" number one, fils illégitime d'un roi,  tient-il tant à la gloire, à cette quête du Graal ? Besoin de reconnaissance, d'amour pourrait-on dire, sinon d'amour, alors de considération. Or ici,  les "bâtards", tout fils de roi qu'ils fussent, ne sont rien dans le milieu où ils évoluent. Rien de rien, au point que personne ne les regarde, on les voit sans les voir, si bien qu'ils se vivent comme des êtres transparents.

Dans ce livre sublime, l'on découvre comment la situation  se retourne pour Déodat, grâce à une prise de conscience, et le privilège qu'il va tirer de sa transparence.

C'est le livre de la consolation par excellence, sublime.    

Le punch

Du punch à chasser les démons, avec Chuck Berry et Tina Turner :

https://www.youtube.com/watch?v=F1LZuQ9E4JQ

vendredi 25 décembre 2015

Enthousiasme + le message de Jean Paul en fin de post

Enthousiasme des enfants aujourd'hui, ouvrant leurs cadeaux ! C'est d'abord la fête des enfants Noël. Il faut dénicher chacun, où qu'il soit ... dans une tente boueuse de réfugiés, dans un appart pas aux normes, au fin fond d'un handicap. J'ai vu à la télé que ces démarches étaient sinon totalement accomplies, du moins les gens autorisés ont-ils fait le maximum. Car en Europe il vaut mieux avoir l'aval des autorités pour démarcher auprès des enfants... sinon c'est plus que risqué, si sincères soient  les intentions.

Et puis Noël, c'est la fête aussi de tous les enfants que nous avons été, avec qui chacun se doit d'être encore en lien, sinon de faire effort pour l'être, question de mémoire et d'humanité.

Mon cadeau de Noël, en plus d'une BD que je partage avec mon compagnon, c'est aussi le roman médiéval Déodat ou la transparence puisque je le découvre en cette période de Noël et qu'il m'enthousiasme. J'avais dit que je ne mettrais que deux extraits mais le livre est  riche en informations de toutes sortes sur le Moyen-Age, son concept philosophique concernant la foi l'est aussi, si bien que voici le troisième extrait. Trois extraits, pas plus, sinon il y aurait abus.

Avant la lecture de cet extrait, il faut savoir que Déodat a eu la surprise de rencontrer un vrai lion dans la forêt (de Brocéliande, sûrement),  le fauve est le serviteur du chevalier Yvain, fils de Roi. La première confrontation du lion et de Déodat est à lire, mais l'extrait aura  trait à la seconde, plus explicite quant à la condition de Déodat, qui est maintenant au service d'Yvain, fils de roi. Troisième et dernier extrait :

"Le sentier se perdait d'abord dans une coupe envahie de hautes ronces et d'alisiers nains, puis il pénétra à nouveau sous le couvert des arbres. C'étaient des sapins touffus. Le sous-bois était mort. Des aiguilles brunes, parfois la tache blanche d'un grand champignon mauvais, suintant son lait amer. Il faisait sombre comme si le jour avait baissé d'un coup. Frôlant silencieusement les troncs rougeâtres  qui parfois le cachaient, le lion semblait être redevenu sauvage. Il n'avait plus rien de la bête indifférente et bonasse qui somnolait entre les jambes du cheval. Quand Déodat l'approchait de trop près, il s'arrêtait net et grondait, puis regardait le chevalier, comme s'il quêtait l'autorisation d'attaquer. Sans tourner la tête, d'un geste ou d'un murmure, Yvain l'apaisait. Le sentier s'élargit, le cheval allongea le pas, disparut au tournant. Le lion, qui le précédait l'instant d'avant, surgit soudain devant Déodat, lui barra le passage, les yeux toujours à demi clos, mais à présent attentifs et brillants. Comme lors de leur première rencontre, Déodat se figea, retenant son souffle. Il aurait voulu appeler Yvain, mais il craignait de voir le lion bondir au son de sa voix. Le temps s'était arrêté dans le silence crépusculaire du sous-bois immobile. Une branche craqua et Yvain reparut.

— N'essaie pas de te glisser entre lui et moi. Marche à quelques pas derrière. Ne lui dispute pas sa place à côté de son maître.

Déodat se sentit mortifié, non pas tant d'avoir été surpris une fois de plus terrorisé par le lion que de devoir lui céder le pas et de se voir assigner une place inférieure à celle d'une bête dans le service du chevalier. N'était-ce pas pire encore que d'avoir été, à Camaalot, le serviteur des écuyers ? Il ne lui restait que la satisfaction d'avoir assez d'existence aux yeux du lion pour que celui-ci fût jaloux de lui. Il lui fallait bien se contenter de cette existence, puisque c'était la seule qui lui fût consentie.

Ils descendaient un pendant assez raide. Aux sapins avait succédé une hêtraie où les bruits de la forêt se faisaient à nouveau entendre : le chant d'un oiseau, la cascade d'un ruisseau. Mais il y faisait à peine plus clair, car à présent le soir tombait. Dans une clairière, un minuscule potager, une cabane de branchages, la croix de bois d'un oratoire signalaient un ermitage. Déodat devina qu'ils y passeraient la nuit. Il se demanda si la providence l'avait placé sur leur chemin ou si Yvain avait prévu cette étape et connaissait, pour les avoir déjà parcourues en tous sens, ces forêts où il semblait errer à l'aventure. Faisait-on seulement semblant de se perdre dans ce monde de signes et de reconnaissances ? Si tel était le cas, la règle de ce jeu, qu'il ignorait, l'excluait sans doute pour toujours.

Ce soir-là, dans la cabane, Yvain et l'ermite parlèrent de la quête du Graal. Déodat écoutait dans un coin d'ombre. Il avait pris soin de laisser au lion la meilleure place, aux pieds du maître et au coin du feu."

Michel Zink  Déodat ou la transparence


Vient ensuite une analyse de l'auteur, toujours sur le mode du récit, de l'ermite en question qui, comme le moine que Déodat a  rencontré à la chapelle de saint Augustin, se montre d'une extrême méchanceté à l'encontre de Déodat, sous couvert de ses principes religieux.  Déodat est bâtard, il n'a donc pas le droit d'exister, Dieu l'a maudit. Mais Déodat a une autre conception de Dieu, bien plus belle.

Et je n'oublie pas Jean Paul, le lion généreux qui n'a pas vraiment à voir avec le lion de Déodat. Ce qu'il dit ici est tout à fait justifié : "En ces temps de fêtes, il faut de l'inédit, de l'insolite, du sensationnel.
Alors après votre foie gras issu d'un gavage forcé immonde, vous prendrez bien un steak de crocodile, de kangourou ou de zèbre !"

Merci à toi Jean Paul, bon Noël quand même.     

 

jeudi 24 décembre 2015

Bon Noël !


L'histoire de la décoration de ce sapin de Noël vaut la peine d'être signalée. Les petites choses dorées, que l'on prendrait facilement pour une guirlande, sont en fait des emballages de pralines, que j'ai récupérés auprès d'une animatrice Auchan qui présentait aux clients ces chocolats qu'ils dépouillaient sur le champ, j'imagine, du papier doré dans lequel ils étaient entortillés. L'animatrice avait une poubelle à ses côtés, uniquement remplie de ces papiers.  Une oie sauvage en origami, à gauche, confectionnée à partir d'un triangle  découpé dans une feuille de papier A4, à droite, une grue "en plein vol" elle aussi : idem, à partir d'une feuille de papier A4 ;  les boules, nommées "Pommes d'ambre" par l'origamiste qui les inventa, je les ai confectionnées dans des chutes de papier cadeau et les flocons de neige sont constitués  de boules de ouate ( "de toutes les matières c'est la ouate que j'préfère"... vieille chanson des années 80) ou alors à partir d'une feuille A4 découpée en hexagone. Deux étoiles superposées pour n'en faire qu'une à branches plus nombreuses, au sommet du sapin : toujours de l'origami. Vive le papier récupéré ! 

J'ai pris plaisir à recycler tout ça... chacun, à un moment donné,  se choisit ou se construit son Noël. Pour les uns le recueillement, pour les autres, bombance.
 L'origami exige, pour être réalisé comme il faut,  une sorte de recueillement, au calme à la maison. Recueillement tout à fait bienvenu pour moi que l'agitation frénétique au dehors fatigue.

Bon Noël !


 



mercredi 23 décembre 2015

Rectificatif du post précédent

Dans le court résumé du post précédent, il y aurait comme  une erreur. Le roi Arthur  souffrant de quelque chose qui ressemble à de la neurasthénie, — il n'est pas même bipolaire, mais constamment abattu — en tant que roi,  ne cherche pas aventure comme les chevaliers, si sacrées sont-elles censées être. En fait il demande que Cahus le serve durant un court pèlerinage, (pouvant être aussi  une aventure, au sens sacré du terme) à la chapelle de saint Augustin, à une demi-journée de là à cheval, en vue de sa guérison. Le choix de Cahus comme serviteur est étrange, car comme son frère Déodat, Cahus, bien que travaillant  au château du roi Arthur souffrait assez d'être ignoré de tous.

Deuxième et dernier extrait :

"Il [ Déodat ] ne devait plus confronter son rêve à ceux des autres [la quête du Graal], son double à leur passé. Il devait suivre sa propre route, garder les yeux ouverts et mener son enquête.

Jusque-là, elle ne l'avait pas mené bien loin. À peine l'avait-on laissé voir le corps de son frère. Sur le pavement de la grande salle, il avait vu des traces de pas boueux et du sang. C'était le sang de Cahus. Étaient-ce aussi ses traces ? Avait-il marché, sanglant, sur ces dalles ? Était-il sorti du château ? Était-il vraiment allé à la chapelle de saint Augustin ? Avait-il menti, s'était-il trompé en prétendant avoir rêvé ? C'était impossible. Le château était fermé, gardé. Il fallait plusieurs heures de chevauchée pour gagner la chapelle de saint Augustin et pour en revenir. Une journée. Jamais Cahus n'aurait eu le temps de couvrir autrement qu'en rêve sa journée vers la mort. Traces de pas, traces de sang : tous avaient marché dans la salle, tous s'y pressaient, venant de tous les recoins du château et de tous les logis du bourg. Le corps avait été soulevé, retourné, transporté dans la chapelle.

Non, Cahus n'avait pu quitter le château. Quelqu'un  était entré dans la salle, s'était approché de lui pendant son sommeil, avait glissé le chandelier dans sa botte, lui avait porté le coup mortel. Personne ne prenait garde à Cahus vivant, personne ne le regardait vivre, mais il s'était trouvé quelqu'un pour juger qu'il devait mourir.

Mais le rêve ? Comment expliquer le rêve ? Tous avaient entendu le récit de Cahus. Tous le lui avaient rapporté dans les mêmes termes. Tous lui auraient-ils menti ? Il se savait trop insignifiant pour qu'on  prît la peine d'élaborer à son intention un tel mensonge.

Des chevaux au grand trot sur le chemin, de l'autre côté du mur. Cinq, six chevaliers revêtus de toutes leurs armes, la lance droite dont le long gonfalon flotte légèrement. Le roi Arthur se rend à la chapelle de saint Augustin. Non pas seul, suivi d'un seul écuyer. La mort de Cahus fait planer sur lui un danger, une menace. On lui a imposé une escorte.

Déodat escalada le mur du cimetière et sauta sur le chemin. Une fois de plus il suivait en cachette et à pied des chevaliers en route vers l'aventure. Il y parvint sans difficulté. À peine atteint le couvert des arbres [...] Un peu avant le jour ils atteignirent la chapelle.

Sur le seuil, trois moines blancs attendaient le roi. Arthur se tourna vers l'un de ses chevaliers et lui prit des mains le chandelier que Cahus avait tiré de sa botte. Il le remit aux moines avant même de mettre pied à terre.

À présent, sur l'autel, les deux chandeliers d'argent étaient garnis de cierges allumés. L'un disait la messe que les deux autres servaient. [...] Quand il [Déodat] était entré, son épaule avait heurté le chapiteau d'une colonne engagée et la courbure de la voûte ne lui aurait pas permis de se tenir debout contre le mur.  En franchissant le porche, il avait d'instinct baissé la tête.

[...] La messe s'achevait. Il sortit pendant que le célébrant expédiait la lecture du dernier Évangile et se mêla dehors au petit groupe des écuyers. Certains le connaissaient un peu. Aucun ne parut surpris de le voir. Aucun ne prit la peine de lui adresser la parole. Il crut devoir prendre les devants, répondre aux questions qu'on ne lui posait pas : il était venu là à cause de ce que son frère avait dit avant de mourir."

Michel Zink,  Déodat ou la transparence  Un roman du Graal, paru aux Éditions du Seuil

mardi 22 décembre 2015

Un extrait de Déodat ou la transparence - Un roman du Graal, de Michel Zink



Petit résumé avant l'extrait : Cahus et Déodat sont deux frères. L'aîné, Cahus, vient de mourir  à peine le roi Arthur venait-il de l'avoir choisi pour le servir dans une aventure, "aventure" utilisé ici selon le sens sacré qu'accordaient à ce mot les Chevaliers de la Table Ronde. Cette mort est plus que mystérieuse, puisqu'un "rêve avéré" semble l'avoir causée.

L'extrait :

"Cahus avait été enterré dès l'aube, dans la hâte, après le bredouillement pressé d'une brève absoute. Déodat connaissait à présent les circonstances de sa mort et la teneur de son rêve, mais seulement parce que tous en parlaient et qu'il lui avait suffi d'écouter les conversations pour en surprendre le récit, non parce qu'il avait obtenu qu'on le lui fît à lui-même. Du départ de leur père, nul ne soufflait mot.

Leur père. Ils étaient les fils d'Yvain l'Avoutre. Ils étaient les fils du bâtard. Pas de n'importe quel bâtard, hélas ! mais du bâtard qui portait le même nom que l'un des chevaliers les mieux nés de la Table Ronde, Yvain, fils du roi Urien, l'époux de la belle Laudine. Ils étaient les fils d'un bâtard qui semblait vouloir se parer d'une dignité usurpée. Leur père n'était pas Yvain Fils de Roi. Il était réputé n'être le fils de personne. Son surnom le rappelait à chaque instant. Ils étaient les fils de celui qui n'a pas de père, pire, de celui que son père n'a pas avoué. Ils avaient une famille, puisqu'ils avaient un père, mais ils n'avaient pas de lignage. Ils étaient nobles. la mère de leur père l'était et celui dont leur père était né, on le savait bien, l'était aussi. Mais ils étaient nobles sans reconnaissance de leur noblesse. Ils ne s'adossaient pas à cette suite des générations, à cette lignée, à ce lignage, qui donnaient à chacun autour d'eux une assurance qu'ils enviaient, le sentiment d'être à sa place au premier rang, parmi les grands, auprès du roi, non par un mérite personnel qui l'aurait distingué, mais parce qu'il se fondait dans la succession de ses aïeux et qu'il était le dernier de leur lignée. Cet orgueil du nom et du lignage, qui est, sinon une sorte d'humilité, du moins une forme d'oubli de soi-même, leur était interdit.

Quelle fierté et quel modèle auraient-ils tirés d'un passé qui ne remontait qu'à une grand-mère, et une grand-mère marquée par la faute ? Et que peut-on être sans passé, sans la mémoire des morts qui nourrit les pensées, les goûts, la conscience des vivants ? Pourtant, le passé qui remonte à une grand-mère n'est-il pas le plus lointain des passés ? Un lignage ancien se perd dans une mémoire morte. Son histoire, qui peut-être apprise par tous, appartient à tous. Le vrai passé, le passé vivant de chacun, celui qui a pour lui une saveur, celui qui résonne en lui, n'est jamais que le passé proche, mais assez enfoui pour paraître lointain, le passé que son propre souvenir peut atteindre, mais au prix d'un effort et de retrouvailles, le passé de sa propre enfance, dont la mémoire vive se mêle aux récits entendus et retenus. Un passé qui ne remonte pas plus loin que l'enfance. Pas plus loin que la deuxième génération, celle des grands-parents. Les contes immémoriaux sont ceux d'une grand-mère. Ce passé-là, c'est le passé des contes, le passé d'un grand-âge tout proche des petits enfants.

Le passé des contes, voilà tout l'apanage de Cahus et de Déodat. Des rêves d'enfance. Déodat se dit soudain que c'était de cela que Cahus était mort, qu'il était mort dans un rêve et qu'il était mort dans un conte. Mais il se reprocha cette pensée. Elle le détournait, lui semblait-il, de la vérité. La vérité était que Cahus avait été tué et que son devoir, à lui, son frère, était de démasquer son meurtrier et le venger.

Trouver la vérité cachée sous cette histoire absurde de rêve avéré, dont le bruit emplissait le château. Y parviendrait-il jamais ?  Venger son frère. Était-il chevalier pour pouvoir exercer une vengeance ?  Chevalier, le serait-il jamais ? Cahus brûlait de le devenir. Il aurait voulu du moins être attaché au service  de l'un des chevaliers de la Table Ronde. Il l'aurait suivi et secondé  dans ses aventures. Il aurait tranché à table devant lui. Il aurait été le confident de ses espoirs et de ses amours. Mais il n'avait jamais été plus que l'un des écuyers employés au service commun du château, le plus jeune et le plus obscur. On lui jetait, sans le voir, les rênes des chevaux pour qu'il les menât boire, on le réprimandait si leur poil n'était pas assez brillant. Il avait fallu, pour le distinguer et pour le choisir, la fantaisie malade du roi Arthur, et voilà qu'il en était mort, mort à sa première aventure, mort avant même sa première aventure, mort d'un rêve d'aventure. Tel avait été le pauvre destin de Cahus. Or Déodat avait envié son frère aîné d'exercer cet obscur service, lui qui était trop jeune pour être un véritable écuyer, fût-il le plus humble, lui qui était encore presque un enfant."

Michel Zink

Les contes de la grand-mère auraient-ils mal disposé, les en imprégnant trop, dans l'entourage hostile où ils se trouvaient, les deux frères ? Consolation énorme et plus que consolation même : les deux frères s'aimaient. Ils n'étaient pas frères ennemis, cette situation  banale et consternante. Ils s'aimaient... du coup le roman de Michel Zink prend pour moi beaucoup d'intérêt. Je verrai si cet auteur rejoint dans sa perception des chevaliers, Cervantès. Mais cela est de moindre importance à mes yeux.


   

samedi 19 décembre 2015

La maison faite de glace

Les hommes ne sont pas faits pour ne pas avoir de toit au-dessus de la tête (sauf les nobles nomades des déserts chauds, et les nobles amérindiens, dotés de tipis)... d'où que le phénomène qui perdure, que l'on évoque en trois lettres :   "SDF" soit totalement contre nature, — comme le sont  les ouragans si l'on admet que la nature puisse produire des phénomènes contre nature ("contre nature" pris dans le sens de cruauté extrême), — surtout l'hiver.
L'arrivée de réfugiés produira peut-être un sursaut de dignité,  quant au fait qu'aucun homme n'ait à subir une telle épreuve.

Pour les ours protégés des dieux nordiques, il en va heureusement autrement...  leur toit à eux c'est la voûte céleste,  et leur fourrure, la couverture idéale pour vivre dans leur maison de glace. Les nomades de mon conte, n'avaient guère besoin de toit eux non plus, parvenus au stade de baladins au grand cœur, statut qui n'existe que dans les contes ou dans les pays chauds.  Voici une réminiscence de Zébra lorsqu'elle était grande (puisque, dans mon conte, zébra, sur le plan physique,  décrut une fois arrivée au sommet du doute (tandis que la gloire produirait l'effet inverse)) :



Zébra me souffle à l'oreille "I am on an extended leave of absence." ce qui signifie peut-être que, si petite qu'elle est devenue, elle se trouve coincée dans le crin de Phil. "Pas du tout." vient-elle de me re-souffler... j'en déduis, eh bien qu'elle ne manque pas de souffle, quel toupet de fiche le camp de cette façon ! Bon vent à eux, après tout !.... et à un de ces jours peut-être. 

   

jeudi 17 décembre 2015

La maison faite d'aube

Yves Berger parlait à propos de La maison de l'aube, "d'âpreté des êtres". Je pense que c'est un euphémisme. Parfois ils se montrent crûment cruels si bien que me vient à l'esprit cette expression que j'ai découverte ou peut-être redécouverte en lisant L'homme qui m'aimait tout bas d'Eric Fottorino : "faillite personnelle" ;  cette expression, des  journalistes l'avaient utilisée pour qualifier la situation morale d'un homme... cela ressemble à un jugement sans appel, c'est asséné rudement, comme un coup  éventuellement mortel  pour peu que l'on soit en période de "fragilité personnelle", tandis "qu'âpreté des êtres" dénote une grande délicatesse sans doute née de l'amour porté à ces êtres, et de la compréhension qui en découle. Je parlerai quant à moi, de cruauté des êtres. L'auteur de La maison de l'aube écrit avec une sobriété qui n'a rien du minimalisme, un sens de l'observation qui plonge le lecteur dans l'ici et maintenant : les pieds sur terre, et bien éveillé. Il écrit  la vérité des choses et des êtres à un moment donné de leur existence. Très vite l'auteur décrit une scène de course de fond dans un paysage âpre et beau, donne à observer l'esprit de compétition exacerbé des coureurs et dans l'envolée  signale que le vainqueur de la course, cette même année, avait tué sept cerfs et sept biches. Point.  Nous y voilà. Et là haut volent les aigles. D'une cruauté plus saine peut-on espérer, vu la majesté du vol, ne tuant que par besoin bien naturel de manger de temps à autre. Dans le ciel encore plus haut, ou Nirvana pour les bouddhistes,  j'imagine que l'on se nourrit de lumière...  le vol des aigles est beau, majestueux, seulement leurs yeux manquent un peu de tendresse.
Le livre est écrit de main de maître, dès le début l'on s'aperçoit qu'il s'agit d'un écrivain propre à éveiller le lecteur en le faisant se frotter une dure réalité d'êtres trahis par l'Histoire, que leurs ennemis ont voulu vouer à la déchéance et qui se battent sur le chemin de leur dignité.

mardi 15 décembre 2015

La maison faite d'aube

Extrait de la préface écrite par Yves Berger : "dans ce livre de la sécheresse et du torride, du désespoir et du sauvage, de l'âpreté des êtres, des lieux et des choses, la grâce est dans le ciel avec les aigles."

House Made of Dawn, écrit par l'amérindien N. Scott Momaday, ou  La maison faite d'aube en traduction littérale, mais en français le livre s'intitule La maison de l'aube, paru aux Éditions Du Rocher. J'ai trouvé ce livre, vendu une misère à la bibliothèque de Berck-sur-Mer et il s'agit d'un chef-d'œuvre, j'ai pu m'en apercevoir après lecture des passages cités par l'auteur de la préface Yves Berger.

dimanche 13 décembre 2015

La complainte du vieux marin

C'est ici :

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Complainte_du_vieux_marin

Les mines de phosphate sur le plan humain et écologique + Thérèse de Calcutta + la video des défenseurs des animaux

J'ai entendu parler il y a peu des mines de phosphate où il m'a été dit que les hommes qui y travaillaient mouraient précocement après s'être considérablement amaigris, du moins à l'époque des années cinquante-soixante, du temps de la guerre d'Algérie, car l'homme qui m'en parla commentait aussi cette guerre. Je suis allée pêcher des informations sur les mines de phosphate ce matin  après en avoir réentendu parler au cours de ma lecture de L'homme qui m'aimait tout bas, (l'histoire d'un père adoptif et du fils qu'il a adopté), d'Éric Fottorino,  livre où il est question  par instant de la guerre d'Algérie, le père adoptif, homme d'origine tunisienne ayant combattu pour l'Algérie française. Pour ce qui est de la guerre d'Algérie, elle est à mes yeux une suite hélas logique de la colonisation mais l'homme dans ce livre,  qui s'est battu pour que l'Algérie reste française a vu les choses tout autrement que moi puisqu'il s'est engagé volontairement du côté des défenseurs de l'Algérie française. Ce qui laisse sans voix à force de complexité car cet homme, kinésithérapeute extrêmement compétent, non intéressé par l'argent, presque "sorcier" guérisseur tout en étant athée a cru, pour l'amour de la France, en cette Algérie française .... qu'il ne devait pas voir du coup comme une Algérie colonisée mais sous l'angle purement affectif qui peut aveugler. Je ne dirai pas ici "à vous de juger", et je m'en garderai moi-même.
Par contre je peux affirmer au nom de la planète que l'exploitation des mines de phosphate fait partie des erreurs majeures qu'a commises l'homme,  entre autre, après lecture de ce qui a trait à l'impact des phosphates sur les terres agricoles :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Phosphate    

Voici maintenant une prière-pensée-exhortation  de Thérèse de Calcutta que je viens de lire et qui m'a bien émue je dois l'avouer :

"Seigneur, je suis un petit instrument. Très souvent j'ai l'impression d'être un bout de crayon entre Tes mains. C'est Toi qui penses, qui écris et agis. Fais que je ne sois rien d'autre que ce crayon. Tu m'as envoyée. Ce n'est pas moi qui ai choisi où aller. Tu m'as envoyée non pour enseigner mais pour apprendre: à être douce et humble de cœur. Tu m'as envoyée pour servir et non pour être servie. Servir avec un cœur humble. Et tu me dis: va, pour être cause de joie dans ta communauté. Va chez les pauvres avec zèle et amour. Va servir en hâte, comme la Vierge. Choisis les choses les plus dures. Va avec un cœur humble, avec un cœur généreux. Ne va pas avec des idées inadaptées à ton genre de vie, avec de grandes idées sur la théologie ou sur ce que tu aimerais enseigner; va plutôt pour apprendre et servir. Partage avec un cœur humble ce que tu as reçu. Va chez les pauvres avec une grande tendresse. Sers-les avec un amour tendre et compatissant. Va te donner sans réserve."  
Trouvé chez Jubilate Deo

Et enfin, trouvée chez Jean-Paul, cette video bouleversante : https://www.youtube.com/watch?v=IlfYJ3cvdd0 

lundi 7 décembre 2015

L'image en question

We must look a long time before we can see.

~ Henry David Thoreau

 Nous devons regarder longtemps avant de voir.
 Thoreau.

Lu sur le Daily Ray ce jour : sur la photo, au premier plan, une pierre évidée évoquant l'orbite d'un œil, et dans le cadre ovale que forme la pierre, on aperçoit plus loin des monticules de pierres qui évoquent elles, un charnier.

Lu aussi chez Jean-Paul : des chiens utilisés comme cobayes pour  la recherche.
Je suis de ceux et celles qui pensent que l'on peut faire de la recherche autrement qu'en mettant la vie d'autrui en souffrance. Du fait que je sois croyante ? Supposition insultante pour les athées. Il doit s'agir  en fait d'intuition et de bon sens mêlés. Pour d'aucuns le manque de sensibilité à la vie des animaux rejoint l'observation de Thoreau, comme quoi il faut parfois regarder longtemps pour voir. Mais sur cette photo trouvée sur Pinterest, les choses paraissent assez évidentes par contre :



   

jeudi 3 décembre 2015

Extrait et commentaire

Issue d'un milieu modeste, "les valeurs d'intimité de l'espace intérieur" m'interpellent peut-être plus fort que d'aucuns le sont en ayant joui dans leur enfance d'une chambre pour eux seuls. Car je m'aperçois que cet espace intérieur dont parle Bachelard, cette intimité, se tisse à mesure que la personne jouit d'espace de solitude abritée. Il ne s'agit pas de mettre à la porte un enfant et de le laisser seul dans la nature, sorte de jungle effrayante pour lui. Dans le propos de Bachelard, si j'ai bien compris,  pour que l'enfant  ait "accès à lui-même" (en ce qui serait ses premières méditations finalement),  il faut qu'il se retrouve dans ce que je vois comme de la solitude abritée,  un espace abrité que la personne peut faire sien. Il en va de même pour les personnes plus âgées, mais, à mon sens,  plus cette expérience est précoce et plus vite l'épanouissement se produira pour une personne normalement constituée...  pour des êtres comme Jésus l'éveil était inné, Bouddha quant à lui a dû fuir un château où il n'y avait pas moyen d'être suffisamment seul,  pour découvrir la réalité du monde terrestre,  il fit cette démarche à l'âge d'un tout jeune adulte et son espace intérieur à lui s'est vraisemblablement tissé à mesure qu'il découvrait la laideur de la maladie, de la vieillesse et de la précarité. 

Un extrait de La poétique de l'espace :

"À quoi servirait-il,  par exemple, de donner le plan de la chambre qui  fut vraiment ma chambre, de décrire la petite chambre au fond d'un grenier, de dire que de la fenêtre, à travers l'échancrure des toits, on voit la colline. Moi seul, dans mes souvenirs d'un autre siècle, peux ouvrir le placard profond qui garde encore, pour moi seul, l'odeur unique, l'odeur des raisins qui sèchent sur la claie. L'odeur du raisin ! Odeur limite, il faut beaucoup imaginer pour la sentir. Mais j'en ai déjà trop dit. Si je disais davantage, le lecteur n'ouvrirait pas, dans sa chambre retrouvée, l'armoire unique, l'armoire à l'odeur unique, qui signe une intimité. Pour évoquer les valeurs d'intimité, il faut, paradoxalement, induire le lecteur en état de lecture suspendue. C'est au moment où les yeux du lecteur quittent le livre que l'évocation de ma chambre peut devenir un seuil d'onirisme pour autrui. Alors quand c'est un poète qui parle, l'âme du lecteur retentit, elle connaît ce retentissement qui, comme l'expose Minkowski, rend à l'être l'énergie d'une origine."

plus loin l'auteur dit : "Que de récits d'enfance — si les récits d'enfance étaient sincères — où l'on nous dirait que l'enfant, faute de chambre, s'en va bouder dans son coin !"

Gaston Bachelard La poétique de l'espace p.32

Mon commentaire : "rendre à l'être l'énergie d'une origine !" J'ai une pensée pour les enfants qui auraient  dans leur chambre un ordinateur dont ils sont "addicts" comme on dit. La classe moyenne ayant pris de l'ampleur les gens fauchés sont moins nombreux en France, pour autant, si les chambres personnelles ou les coins "à soi" à priori,  sont trop ouverts sur le monde via la technologie,  il y a appauvrissement de cet espace ou naît l'onirisme du fait de faire sien cet espace tout en assumant et même en jouissant de la solitude.
De même pour faire sien un endroit où l'on peut s'isoler, l'enfant doit se sentir en sécurité avec les siens, sans mauvais jeu de mot.

Bachelard était aussi mathématicien. Il avait une fille qu'il a dû élever seul, sa femme étant décédée jeune. Peut-être de là lui est venu son intérêt pour la poésie qui naît de cet espace d'intimité.

Lecture  enrichissante !  Merci Bachelard.      


  

     

mercredi 2 décembre 2015

Les lapins angora confrontés à une violence inouie

C'est ici : http://e-activist.com/ea-action/action?ea.client.id=45&ea.campaign.id=36647&ea.url.id=497249&forwarded=true

Article à lire chez jean-Paul : http://sans-voixinfos.hautetfort.com/archive/2015/11/29/de-nouveaux-progres-pour-les-lapins-5723673.html

Chateaubriand tire son propre portrait


"Aucun défaut ne me choque, excepté la moquerie et la suffisance que j'ai grand−peine à ne pas morguer ; je trouve que les autres ont toujours sur moi une supériorité quelconque, et si je me sens par hasard un avantage, j'en suis tout embarrassé."

Chateaubriand,  Mémoires d'Outre-tombe

Cela témoigne d'une certaine tolérance et d'une humilité certaine !  

mardi 1 décembre 2015

Le chien loup

J'étais à faire une marche le long du plan d'eau qui accueille cygnes et canards en nombre  à la gare d'eau de Beuvry, quand je vois se dessiner la silhouette d'un gros chien,  une masse à langue pendante s'avance lentement vers moi, un chien loup  d'après moi. L'animal solitaire avait l'air tranquille dans sa lenteur impassible. Peu rassurée néanmoins, je continue d'avancer, craignant que prendre mes jambes à mon cou ne réveille l'instinct prédateur du "loup". Par prudence, j'ai relevé le col de mon anorak jusque mon nez, dissimulant une bouche crispée dont la grimace éventuelle aurait pu être mal interprétée par mon vis-à-vis. J'ai ôté  dans l'envolée mon ample KW, pour pouvoir en envelopper le chien en cas d'attaque, le ceinturer en quelque sorte.  Je m'aperçois bientôt qu'il s'agit probablement d'une femelle, à cause de son ventre lourd,  je me détends alors, entre filles nous allons probablement nous comprendre.  Ça y est, nous nous croisons. Arrivée à son niveau je  tends la main pour une caresse, marmonnant quelque chose qui se perd dans le col de l'anorak. La chienne effleure mes doigts de ses dents,  je n'ai pas commencé d'avoir peur que déjà sa gentillesse me saute aux yeux. Je ne me suis pas retournée.  Je la sens puis la vois  marcher à mes côtés. Je lui dis de s'en aller au bout de quelques pas. La chienne refait demi tour tranquillement. Elle doit avoir pour maître un riverain qui lui fait confiance et elle vient de  lui donner raison.    

"Advienne que pourra et tout sera bien"

J'aime ces mots qui justement parce qu'ils ne me sont pas particulièrement adressés me vont droit au cœur. Trouvés dans Jubilate Deo :

"Dieu vient sans bruit dans nos découragements. Peut-être sommes-nous trop occupés de nous-mêmes pour L'entendre qui frappe à la porte et qui demande un petit coin où demeurer dans notre bergerie? Il est si réaliste qu'Il ne requiert pas au préalable de dispositions mystiques particulières ou de grands élans de générosité. Il lui sera toujours possible plus tard d'en susciter! Pour l'heure, Il ne demande qu'un peu de paille: que nous Lui offrions un espace dans la litière de nos lassitudes, de nos refus, de nos aliénations, de nos divisions intérieures, pour s'y coucher et y trouver accès à nous-mêmes." Philippe Baud


"Je me mets en route pour te chercher un toit" Etty Hillesum

Travaille à maintenir dans ta poitrine cette petite lueur de feu céleste appelée conscience. Georges Washington


   "Disparue à Auschwitz en novembre 1943, à l’âge de 29 ans, Etty Hillesum nous a laissé, avec ses cahiers, un témoignage spirituel majeur. Ce petit feuilleton restitue la trame de sa personnalité hors du commun et de son cheminement intérieur singulier entre foi et angoisse, sensualité débordante et révélation mystique, force et fragilité."

" [...] Ce « mépris de toute valeur extérieure », cette « absence d’exigences face à la vie », se traduit chez Etty par une absence d’attente. « Je crois qu’on doit se départir de tout espoir fondé sur le monde extérieur » (769). « Je ne pense pas en termes de projets ou de risques, advienne que pourra, et tout sera bien » (751).

Même si elle évoque parfois l’après-guerre et la fin de ses tourments, Etty ne le fait jamais en termes d’espoir anxieux, mais sereinement. Quant à un avenir post-mortem, dans un au-delà où elle serait appelée à revivre, elle n’en parle jamais. Bref, ce n’est pas un imaginaire futur qui l’aide à porter ses épreuves mais la richesse du présent ; ce n’est pas l’espoir mais la joie, et c’est, dit-elle, « une force énorme ».

(NP, l'étymologie du mot mystique(misticque) fin XIVè : qui a une signification cachée ; 1704 Trévoux, sens actuel ; n. f. Charron ; latin mysticus, relatif aux mystères, au sens ecclésisastique, du grec mùsticos, de mustês, initié.)

Etty Hillesum :

http://www.trilogies.org/articles/etty-hillesum-rencontre-3