mercredi 31 mars 2010

Trois poèmes de Luc Bérimont

Un poème de Luc Bérimont

BALLADE DES TRENTE ROSES

À Jenny


Dans l’herbe des prairies
Dans les prés du tonnerre
Le bel âge à trente ans pour manger de la terre.

Je vis droit devant moi, debout dans mon destin
Je vois clair, éclairé de mes feux méridiens
Je découpe la terre au couteau des machines
J’ai mon gâteau à terre, à moi, dans ma poitrine.

Hier était le jour du vingt et trois Septembre
Dimanche d’avant lui m’était anniversaire
Je vivais à Paris, coiffé d’un ciel en soie
Un buisson d’Allemagne, ici, mourait pour moi.

Une rose d’automne, ô ma rose en fumée
C’est la rose de Faust, la rose à Loreley
Le tramway qui serpente au flanc de Degerloch
La fait trembler souvent dans le verger des poires.

Paris, piège à vivants, roulé dans tes artères
Que ne me laissais-tu du moins peser mon pain ?
C’est le poids de ma vie qu’il me faut satisfaire
Je reste avec des fleurs sournoises dans la main.

Trente roses de sel viennent trouer mon âge,
— Ardennes, lâchez-moi les loups de mal enfance —
Leur gueule a le satin des roses d’aujourd’hui
Leurs ongles, aux guérets, font des roses de buis.

Adieu pour le bonheur, adieu pour l’infortune
Je m’en vais sur la mer dans un bateau qui fume
Je hante les brouillards de la campagne anglaise
Une lampe éclatée, roseraie de la neige,
Met dans la nuit d’hiver un rectangle de Juin.

Ardennes, lâchez-moi les loups de mal enfance :
Mon père, il est cinq heures, vous sortez de l’usine
Votre capuchon noir est lézardé de bruine
Vous mordez une pomme en caressant ma joue
On entend le silence et des roues dans la boue.

Morsure, je vous fuis. Tous les loups n’ont pas d’ongles
Elle n’en avait pas la femme que je sais
Je lui cueille une fleur, une rose à son ombre
Je donne ce que j’ai pour en être apaisé,

Roses des étés blancs, roses de Picardie
Je vous ai vu pourrir dans les jardins croulants,
Les canons qui roulaient les dés noirs de ma vie
Barbouillaient sur la nuit des roses de géant.

À présent c’est l’hiver, je marche dans Paris
Je fouille les quartiers où l’on se couche tard
Je vais à pas fiévreux vers les eaux du matin
Des hommes sont pendus au bras creux des putains

Il en est qui se commettent avec des anges
D’autres le font avec des oies, d’autres avec des vaches
Les anges et les oies ont des sexes de miel
Les reins des femmes ont le rythme de la mer.

Ensuite je ne sais, tôt je perds la mémoire
Trente roses au but, trente balles au cœur
Lacéré par ma vie, je m’épuise à vous boire
Fontaine des prénoms, morsurante douceur.

Le Rhin franchi, j’ouvre la main pour suivre le tracé des
signes
Non, je ne vous ai plus tenus, chemins de France, ô mes
coursiers
Je fonce sous de hauts donjons, au flanc des rochers et des
vignes
Je laisse ma vie dans le vent, comme une rose, s’effeuiller.

Je retrouve le monde avec ses gibiers roux
Il a le goût des feux, des feuilles, du silence
Je retrouve le ciel qui se pend à mon cou
La femme de minuit qui m’ouvre ses genoux.

Laisserai-je pousser la ronce dans ma bouche
Il ne m’est plus donné de taire mon amour,
Laisserai-je le fer et la flamme en ma couche
J’en serais moins perclus que du sang de ta bouche.

L’hiver monte à l’assaut des pentes du haut-vert
Les biches alanguies se couchent dans la bruine
Ce pas clouté qui va, serait-ce vous, mon père ?
J’entends rauquer, très loin, vos sirènes d’usine.

Ardennes, lâchez-moi les loups de mal enfance
Il reste une colombe endormie dans ma main
Il reste un anneau d’or, trente roses qui tremblent
Une femme de neige et la saveur du pain.

( Les Accrus, éd. Seghers.)

mardi 30 mars 2010

Un poème de René-Guy Cadou

LE CHANT DE SOLITUDE

Laissez venir à moi tous les chevaux toutes les femmes et les
bêtes bannies
Et que les graminées se poussent jusqu’à la margelle de mon
établi
Je veux chanter la joie étonnamment lucide
D’un pays plat barricadé d’étranges pommiers à cidre
Voici que je dispose ma lyre comme une échelle à poules contre
le ciel
Et que tous les paysans viennent voir ce miracle d’un homme
qui grimpe après les voyelles
Étonnez-vous braves gens ! Car celui qui compose ainsi avec la
Fable
N’est pas loin de trouver place auprès du Divin dans une certaine
Étable !
Et dites-vous le soir quand vous rentrez de la foire aux conscrits
ou bien des noces
Que la lampe qui brûle à l’avant du pays très tard est comme
la lanterne d’un carrosse
Ou d’un navire bohémien qui déambule
Tout seul dans les eaux profondes du crépuscule !
Que mon chant vous atteigne ou non ce n’est pas tant ce qui
importe
Mais la grande ruée des terres qui sont vôtres entre le soleil
et ma porte
Les fumures du Temps sur le ciel répandues
Et le dernier dahlia dans un jardin perdu !
Dédaignez ce parent bénin et maudissez son Lied !
Peut-être qu’un cheval à l’humeur insolite
Un soir qu’il fera gris ou qu’il aura neigé
Posera son museau de soleil dans mes vitres.

(Hélène ou le Règne végétal, éd. Seghers)

Les migrants de Calais


LES MIGRANTS DE CALAIS
« Il existe deux approches du problème migratoire : une politique et une humanitaire. La politique doit protéger les populations qui l’ont désignée pour cette mission et prendre des mesures globales et anonymes. En face, les personnes ne sont plus anonymes face aux humanitaires qui ont le devoir d’aider. On ne veut pas les faire venir, leur ouvrir les portes. La Croix-Rouge est une association apolitique neutre ; l’humanité d’un homme ne dépend pas des frontières. Nous faisons preuve d’une humanité qui va de soi. La solution politique a dégénéré. Les coups médiatiques ne sont pas de bonnes mesures. Ce n’est pas à Calais qu’il faut la conduire mais au niveau de la zone de Schengen. Il faut que l’Europe entière ait une politique migratoire. Mon prédécesseur (Marc Gentilini) a ouvert et fermé le camp de Sangatte. On trouvait utile d’installer un lieu décent. Mais il avait été pris d’assaut, à tel point que les conditions étaient moins décentes qu’à l’extérieur. Face aux migrants politiques, économiques et bientôt climatiques, nous ne sommes pas des passeurs mais des gens attentifs à la souffrance humaine. »

UN AN DE DROIT AU LOGEMENT OPPOSABLE
"Chacun peut comprendre qu'un sans-abri réclame la possibilité d'un toit. Mais si on veut dire par droit opposable un droit fondamental, je réclame le droit opposable à l'alimentation. Quand une société remplace ce qui devrait être une obligation morale par une obligation légale, c'est qu'elle a perdu le sens des valeurs. la loi n'est souvent qu'un alibi. On a besoin de retisser du lien social, pas d'inventer la fête des voisins. Je suis optimiste sur la nature humaine. Avec la crise, les difficultés partagées, on sent un frémissement ; les gens redécouvrent les autres."

SÉISMES À HAÏTI ET AU CHILI
"Les catastrophes, fussent-elles naturelles, font beaucoup plus de victimes dans les pays pauvres car les populations sont plus vulnérables. En Haïti, un tremblement de 7,2 sur l'échelle de Richter fait 250 000 victimes. au Chili, un tremblement de 8,8 fait moins de 1000 victimes. Cela montre l'absolue nécessité après une catastrophe de ne pas se contenter de reconstruire comme avant mais d'en profiter pour améliorer les conditions de vie. C'est ce que la Croix-Rouge a fait après le tsunami de 2004. Nous avons reconstruit cinq mille maisons aux normes parasismiques. Au Chili, le pays a continué à fonctionner. À Haïti, où je me suis rendu, la capitale s'est effondrée. Il n'y a plus de centre réel de décision et d'administration. Il faut d'abord restaurer le pouvoir de l'État si l'on veut que les Haïtiens s'approprient leur reconstruction."

DÉSHUMANISATION DES PRISONS
"Le sujet des prisons devrait être au cœur des préoccupations politiques. les gens en prison n'ont pas à être jugés une deuxième fois. Le temps de l'incarcération devrait être un temps utile pour la société : le moment de se reconstruire, se réinsérer, maintenir un lien social avec l'extérieur, se former, se qualifier. L'incarcération devrait être une préparation à la sortie. La Croix-Rouge a créé Écoute détenus. Le nombre d'appels reçus souligne le besoin de parler et d'être entendu, ce que les prisonniers n'ont pas la possibilité de faire.
La Croix-Rouge a proposé une formation sur les gestes qui sauvent dans une maison d'arrêt, malgré le scepticisme du directeur et même des prisonniers. "Avec ces gestes je pourrais sauver la vie de quelqu'un ? ", nous a-t-on demandé. "Mais oui", on leur a répondu. Automatiquement l'estime de soi change. L'état de nos prisons est lamentable comme le souligne le rapport du contrôleur général des lieux de privation de libertés. Les prisons modernes présentent une autre forme de déshumanisation. En réalité, il faut un contact humain."

lundi 29 mars 2010

Fresu-Galliano-Lundgren Mare nostrum

Un poème de Jean Rousselot

LE VAIN DÉNOMBREMENT


J’ignore le nom des oiseaux,
Je prends une fleur pour une autre,
Avec trois femmes j’en fais une
Et je ne reconnais personne dans la rue.

Mais l’hiver n’a qu’à m’apparaître,
Je lui donne du brandebourg
Et de la fête nuptiale,
Du manchon parfumé, de l’enfance qui brûle.

Un arbre n’est pour moi qu’un arbre,
Je dis Hêtre et c’est un érable.
Mais il suffit que le soleil
S’embroche sur un bois sans feuilles
Pour que je me souvienne aveuglément de moi,
Histoire et préhistoire.

Je mangerais la fausse-oronge,
Si vrai son rouge !
Je prendrais l’ange par la longe,
Pour peu qu’il bouge !
Quand je suis triste, c’est pour cause de brouillard,
Je confonds l’orgueil et la rose,
La solitude et le bouleau ;
Entendez que j’ai peur, si je dis « m’aimes-tu ? »
Et si je dis « je t’aime », entendez que j’ai faim.
Je vais de préférence au quartz, pour son aboi,
J’aime bien le silex aux genoux bleus de froid,
Mais le marbre m’ennuie comme les Rois relus.

Je ne cesse de conférer des dignités
Ou d’infliger des démentis à toutes choses
Suivant que leur attouchement
Épanouit ou paralyse
La méduse de ma pensée,
Suivant que le hasard d’un nom
Réhabilite mes couleurs
Ou me dénonce au juste enfant
Que je trahis pour être un homme.

Il s’en faut de si peu qu’un hêtre soit un reître
Et que l’hiver soit vert, et sommeil le soleil,
Et que couard soit le quartz, et l’oronge une orange,
Et le bois un aboi, et l’enfance une fange,
Qu’il est bien vain de faire le dénombrement.

Souillez, oiseaux sans nom, les rites du langage.
Fleurs, criez rouge et jaune une égale candeur.
Femmes, soyez la seule et n’ayez de visage
Pas plus que Dieu lui-même, épars en vos flueurs.

Et vous, hommes bien clos, et vous arbres d’usage,
Respirez et suez sans cause, sans honneur ;
Soyez-moi clandestins jusqu’au bout de mon âge.

Car c’est dans la mesure où je ne vous sais pas
Séparés, congruents à votre seule essence,
Que je peux croire encore au reste d’innocence
Qui me permet de vivre au sein de vos amas.


(Maille à partir, éd. Seghers.)

jeudi 18 mars 2010

un poème de Alain Bosquet


MER

La mer écrit un poisson bleu,
efface un poisson gris.
La mer écrit un croiseur qui prend feu,
efface un croiseur mal écrit.
Poète plus que les poètes,
musicienne plus que les musiciennes,
elle est mon interprète,
la mer ancienne,
la mer future,
porteuse de pétales,
porteuse de fourrure.
Elle s'installe
au fond de moi : la mer écrit un soleil vert,
efface un soleil mauve.
La mer écrit un soleil entrouvert
sur mille requins qui se sauvent.

mercredi 17 mars 2010



ILS S'EN VONT AUX VEILLÉES

À grandes pedzouillées
En rupture de ban,
Ils s'en vont aux veillées
Lanterne sous caban.

Tout le village aboie,
Tremble dans les lueurs.
La lune a ses pâleurs,
Ses blessures de soie.

Ou bien c'est la nuit terne
Comme un gouffre séant
Où se perd la lanterne,
Espace d'océan.

Au ras des ganipotes
Ils traînent leurs sabots.
Mais ils se sentent potes
— Ça chauffe le jabot ! —

On n'a pas peur d'être hommes
Sous ce noir de velours.
Pourtant, tous que nous sommes
Nous ne pesons pas lourd.

Nous sommes un village
Dans la paume de Dieu ...
J'en dirais davantage
Ça ne vaudrait pas mieux,

— Nous sommes un village ! —

Maurice Fombeure

mardi 16 mars 2010

Un poème de Philippe Soupault

COMRADE

Petits mois petites fumées
et l’oubli en robe de laine
une porte s’ouvre tendrement
près du mur où naît le vent
près du jardin bienheureux
où les saints et les anges
ont peur des saisons
Les allées n’ont pas de noms
ce sont les heures ou les années
je me promène lentement
vêtu d’un paletot mastic
et coiffé d’un chapeau de paille noire
Je ne me souviens pas
s’il fait beau
je marche en fumant
et je fume en marchant
à pas lents
Quelquefois je me dis
Il est temps de s’arrêter
et je continue à marcher
Je me dis
Il faut prendre l’air
Il faut regarder les nuages
et respirer à pleins poumons
Il faut voir voler les mouches
et faire une promenade de santé
Il ne faut pas tant fumer
je me dis aussi
Calculons
je me dis encore
j’ai mal à la tête
Ma vie est une goutte d’eau sous ma paupière
et je n’ai plus vingt ans
Continuons
Les chansons sont des chansons
et les jours des jours
je n’ai plus aucun respect pour moi
mais je vois des voyous
Qui fument les mêmes cigarettes que moi
et qui sont aussi bêtes que moi
Je suis bien content
sans vraiment savoir pourquoi
Il ne suffit pas de parler du soleil
des étoiles
de la mer et des fleuves
du sang des yeux des mains
Il est nécessaire bien souvent
de parler d’autres choses
On sait qu’il y a de très beaux pays
de très beaux hommes
de non moins charmantes femmes
mais tout cela n’est vraiment pas suffisant
Le vide étourdissant
qui sonne et qui aboie
fait pencher la tête
On regarde et on voit
encore beaucoup d’autres choses
qui sont toujours les mêmes
innombrables
identiques
Et là-bas simplement
quelqu’un passe
simple comme bonjour
et tout recommence encore une fois
je lis dans les astres la bonne volonté de mes amis
dans un fleuve j’aime une main
j’écoute les fleurs chanter
Il y a des adieux des oiseaux
Un cri qui tombe comme un fruit
Mon Dieu mon Dieu
je serai donc toujours le même
la tête dans les mains
et les mains dans la tête.

samedi 13 mars 2010

Jostein Gaarder

"L'utilité de la philosophie" Lorsqu'on a compris qu'il y a quelque chose que l'on ne comprend pas, on est en bonne voie pour comprendre au fond pas mal de choses ". Cette phrase de Jostein Gaarder, tirée de son roman Le Mystère de la patience, est l'écho contemporain de la célèbre maxime de Socrate "Je sais que je ne sais rien". Reconnaître sa propre ignorance est l'un des fondements essentiels de l'esprit philosophe.
La philosophie c'est, d'une certaine façon, la possibilité, voire la nécessité, de tout remettre en question et de découvrir, en soi et par soi, la vraie connaissance.
Aussi Jostein Gaarder l'emploie-t-il pour susciter les interrogations fondamentales dans l'esprit des jeunes et moins jeunes. Pour l'auteur, la philosophie a des avantages pratiques pour la société, car bien que des questions telles que "qu'est-ce que le bonheur?", "qu'est-ce qu'une société juste?", n'ont ni réponses toutes faites, ni réponses précises, il demeure crucial que toutes les générations trouvent leurs propres réponses à ces questions.
Car, la philosophie, outre permettre à l'individu de percer le mystère de soi, est une force unificatrice dans une société, plus particulièrement encore dans notre société de plus en plus morcelée."

...
" Tu vois, la grande différence entre un professeur d'école et un vrai philosophe, c'est que le professeur croit connaître un tas de choses qu'il n'arrête pas de vouloir faire apprendre à ses élèves, alors qu'un philosophe essaie de trouver des réponses aux questions qu'il se pose avec ses élèves".
(Le Monde de Sophie)
Le monde est une grande énigme, à priori non soluble et à laquelle pourtant certains assènent leur vérité. Jostein Gaarder n'est pas de ceux-là, pour lui, chaque être humain a le droit d'essayer de résoudre cette énigme à sa manière, aussi ne prophètise-t-il pas dans ses romans.
En effet, bien qu'ayant lui-même une vision rationaliste du monde, il ne l'impose pas et va même parfois la mettre en concurrence avec une vision basée sur la foi.

L'article :
http://penser.over-blog.org/ext/http://litteraturecontemporaine.suite101.fr/article.cfm/jostein-gaarder--le-monde-dun-philosophe

vendredi 12 mars 2010

jeudi 11 mars 2010

Serge Reggiani - Le temps qui reste

Les batailles d'Ucello

"Je me souviens, la première fois que j’ai vu une bataille d’Uccello, j’ai immédiatement pensé à la peinture de Georges Mathieu. Ce n’est probablement pas par hasard que Mathieu ait, lui aussi, peint des batailles (La victoire de Denain etc.). Le rapprochement que l’on peut faire entre ces deux peintres que plusieurs siècles séparent se situe au niveau du dynamisme dont j’ai déjà parlé."
http://art-maniac.over-blog.com/article-les-batailles-d-uccello-46402659.html

lundi 8 mars 2010

dimanche 7 mars 2010

samedi 6 mars 2010

Une grande personne



Cliquez sur l'article pour lire.

vendredi 5 mars 2010