J’ai d’abord marché droit devant moi, vers la gare. Je suis entré dans une vieille église dont j’ignore le nom. Il y avait trop de monde. Cela aussi est enfantin, mais j’aurais voulu m’agenouiller librement sur les dalles, m’y étendre plutôt, m’y étendre face contre terre. Je n’avais jamais senti avec tant de violence la révolte physique contre la prière – et si nettement que je n’en éprouvais nul remords. Ma volonté n’y pouvait rien. Je ne croyais pas que ce qu’on nomme du mot si banal de distraction pût avoir ce caractère de dissociation, d’émiettement. Car je ne luttais pas contre la peur, mais contre un nombre, en apparence infini, de peurs – une peur pour chaque fibre, une multitude de peurs. Et lorsque je fermais les yeux, que j’essayais de concentrer ma pensée, il me semblait entendre ce chuchotement comme d’une foule immense, invisible, tapie au fond de mon angoisse, ainsi que dans la plus profonde nuit. La sueur ruisselait de mon front, de mes mains. J’ai fini par sortir. Le froid de la rue m’a pris. Je marchais vite. Je crois que si j’avais souffert, j’aurais pu me prendre en pitié, pleurer sur moi, sur mon malheur. Mais je ne sentais qu’une légèreté incompréhensible. Ma stupeur, au contact de cette foule bruyante, ressemblait au saisissement de la joie. Elle me donnait des ailes. Intégral :
samedi 2 avril 2011
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