"Nous voyagerons aujourd’hui dans le nord de la France au travers de deux ouvrages qui permettent d’entrevoir la richesse du Hainaut, de la Flandre et de la Picardie en matière de superstitions, croyances, féerie… Le premier livre est un recueil de contes du très intéressant folkloriste Henry Carnoy, aussi passionné et passionnant qu’un Luzel ou un Sébillot..."
http://peuple-feerique.com/2010/06/29/fees-sorcieres-et-croyances-de-picardie-de-flandre-et-du-hainaut/?utm_source=feedburner&utm_medium=email&utm_campaign=Feed%3A+Peuplefeerique+%28Peuple+f%C3%A9erique%29
mercredi 30 juin 2010
mardi 29 juin 2010
Un poème d'Eugène Pottier
Sentier Des Bois
Comme un ruban jaune étendu
Sous ta voûte de calme et d’ombre,
Petit sentier, dans le bois sombre,
Tu vas indécis et perdu.
Cerveau malade, âme ravie,
Entre la ronce et l’églantier,
Je vais comme toi dans la vie...
Où mènes-tu, petit sentier ?
Je vais au frais sans savoir où.
Je vais garantissant ma tête
Du soleil que j’aime en poète,
Du soleil méchant qui rend fou....
Me mènes-tu dans ma vallée ?
Vais-je y trouver un oreiller,
Pour ma pauvre tête fêlée ?...
Où mènes-tu, petit sentier ?
Me mènes-tu dans la prison,
Dans la prison qu’on nomme ville ?...
Là, des cris de guerre civile
M’ont ôté mon peu de raison.
Au hasard des forces brutales,
Jouant l’avenir tout entier,
L’apôtre même y fond des balles...
Où mènes-tu, petit sentier ?
Chênes brodés et talus verts,
Muets quand passe l’égoïste,
Vous faites pour le pauvre artiste
Pousser les dessins et les vers.
Verve ou douleur, mon front s’allume !
Me mènes-tu dans l’atelier
Où sont mes fusains et ma plume ?
Où mènes-tu, petit sentier ?
Sous des touffes pleines de voix,
Comme des lèvres sous des voiles,
Plus nombreuses que les étoiles,
Ont rougi les fraises des bois.
Un jour de sauvage ambroisie,
Puis demain... plus rien au fraisier,
Ainsi s’en va ma poésie !...
Où mènes-tu, petit sentier ?
Fontainebleau, août 1867.
Le poème lu sur fond musical : http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/pottier-eugene-sentier-des-bois.html
Comme un ruban jaune étendu
Sous ta voûte de calme et d’ombre,
Petit sentier, dans le bois sombre,
Tu vas indécis et perdu.
Cerveau malade, âme ravie,
Entre la ronce et l’églantier,
Je vais comme toi dans la vie...
Où mènes-tu, petit sentier ?
Je vais au frais sans savoir où.
Je vais garantissant ma tête
Du soleil que j’aime en poète,
Du soleil méchant qui rend fou....
Me mènes-tu dans ma vallée ?
Vais-je y trouver un oreiller,
Pour ma pauvre tête fêlée ?...
Où mènes-tu, petit sentier ?
Me mènes-tu dans la prison,
Dans la prison qu’on nomme ville ?...
Là, des cris de guerre civile
M’ont ôté mon peu de raison.
Au hasard des forces brutales,
Jouant l’avenir tout entier,
L’apôtre même y fond des balles...
Où mènes-tu, petit sentier ?
Chênes brodés et talus verts,
Muets quand passe l’égoïste,
Vous faites pour le pauvre artiste
Pousser les dessins et les vers.
Verve ou douleur, mon front s’allume !
Me mènes-tu dans l’atelier
Où sont mes fusains et ma plume ?
Où mènes-tu, petit sentier ?
Sous des touffes pleines de voix,
Comme des lèvres sous des voiles,
Plus nombreuses que les étoiles,
Ont rougi les fraises des bois.
Un jour de sauvage ambroisie,
Puis demain... plus rien au fraisier,
Ainsi s’en va ma poésie !...
Où mènes-tu, petit sentier ?
Fontainebleau, août 1867.
Le poème lu sur fond musical : http://www.litteratureaudio.com/livre-audio-gratuit-mp3/pottier-eugene-sentier-des-bois.html
par Nora Benkorich - Hitler, les Arabes et les Juifs
Un extrait et le lien :
"Panislamisme réactionnaire, nationalisme et collaboration
Achcar démontre que le courant du « panislamisme intégriste », dans lequel est classé le mufti, s’est montré le plus complaisant vis-à-vis du nazisme, en dépit des incompatibilités idéologiques inhérentes à son essence néo-païenne – le culte d’Hitler, élevé au rang de quasi-Dieu, était en effet difficilement compatible avec le principe islamique d’unicité divine. Enclins à percevoir le monde comme animé par le prisme religieux des premiers siècles de l’islam, les panislamistes réactionnaires ont rapidement appréhendé le conflit palestinien en termes de guerre de religions opposant les Musulmans – et leurs alliés – aux Juifs.
Chez les nationalistes arabes, explique Achcar, l’Allemagne nazie, perçue comme ennemie de la Grande-Bretagne, a suscité des sympathies d’intensités variables, en particulier dans les pays sous domination britannique – en Egypte, en Irak et surtout en Palestine, où l’antisémitisme était conçu par les plus frustes comme un rempart contre le sionisme.
Le Parti syrien nationaliste arabe, fondé par le germanophile et admirateur d’Hitler Antoun Saadeh, a sans doute été le plus proche du modèle nazi – le drapeau de son parti était d’ailleurs calqué sur le drapeau nazi, avec les couleurs rouges et noires inversées et une hélice à quatre pales à la place de la croix gammée. Achcar affirme que la conscience réactionnaire de Saadeh a atteint des sommets totalitaires inégalés au Moyen-Orient (p. 128-129). Mais, malgré ses excès de zèle, il n’est parvenu à susciter d’intérêt ni chez les masses arabes, ni auprès des autorités allemandes – qui rejetèrent ses requêtes de soutien, ce qui le conduira à nier par la suite toute proximité avec le nazisme.
En Égypte, Achcar montre que l’organisation Misr al-Fatât (Jeune Égypte), inspirée par la vague montante du fascisme européen, n’a guère été prise au sérieux par le régime nazi avec lequel elle entretint des rapports en « dents de scie » – ce qui ne l’empêcha pas de verser dans l’antisémitisme, en paroles mais aussi en actes [5].
Les ultranationalistes irakiens, qui au départ assimilaient le nazisme à une forme de colonialisme, ont pris un tournant pronazi au printemps 1941, après le renversement du putschiste Gaylânî par l’armée britannique. Le pogrom Farhûd de juin 1941, fomenté par les putschistes déchus décidés à faire des Juifs les boucs émissaires de leur frustration, en fut la triste illustration. Toutefois, Achcar précise qu’au cours de cet événement, la violence antijuive, perpétrée par une petite minorité, fut réprouvée par la population et que les émeutiers furent rapidement dispersés par les tirs de l’armée irakienne. Notons avec l’auteur que ces cas étaient marginaux : la plupart des nationalistes arabes qui se sont rapprochés de Berlin l’ont fait moins par connivence idéologique avec le nazisme que par haine du colonisateur britannique et par volonté de libérer la nation arabe de son joug.
Si la collaboration avec l’Allemagne nazie de ces mouvements panislamistes intégristes ou nationalistes est un fait établi, elle fut loin de rencontrer l’assentiment général. La majorité des indépendantistes libéraux, des nationalistes « progressistes » et l’ensemble des marxistes rejetaient le nazisme comme négation de leurs valeurs, explique Achcar. Ils voyaient en Hitler « le plus grand ennemi de l’humanité » [p. 81] et considéraient la Grande-Bretagne comme un moindre mal.
Indépendantistes occidentaux, marxistes et rejet du nazisme
Imprégnés du système de valeurs culturelles « modernistes » issues des Lumières, les « occidentalistes libéraux » se sont dès le départ opposés à la fois au nazisme par humanisme et au sionisme par anticolonialisme. Ils condamnaient fermement l’antisémitisme, cette « pensée arriérée et sauvage qui consiste à persécuter, au nom de la race, les divers éléments qui composent la nation entière [6] ». Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils représentaient le courant de pensée le plus influent, y compris en Palestine – malgré le succès de l’aile radicale du mouvement national dirigée par Amin al-Husseini. Ce fut cette voix qui fut portée au cours de la réunion sur la question de la Palestine du 7 octobre 1944 à Alexandrie, présidée par les chefs des gouvernements de Égypte, de l’Irak, de la Jordanie, du Liban et de la Syrie, comme en témoigne la résolution spéciale prononcée à son terme : « nul ne regrette plus que [le comité] les malheurs infligés aux Juifs d’Europe par les États dictatoriaux européens. Mais la question de ces Juifs ne doit pas être confondue avec le sionisme, car il n’y a pas de plus grande injustice que de résoudre le problème des Juifs d’Europe au moyen d’une autre injustice, c’est-à-dire en infligeant une injustice aux Arabes de Palestine » [p. 83].
Pour ce qui est des marxistes arabes, Achcar explique qu’ils ont adopté cette même attitude de rejet à la fois du sionisme et du nazisme, qu’ils percevaient comme les « deux faces d’une même médaille » et renvoyaient « dos à dos » [p. 89]. Engagés dans un combat cabré contre le nazisme dès l’avènement du Troisième Reich, leurs activités furent freinées entre août 1939 et juin 1941 par le pacte Ribbentrop-Molotov, considéré par certains comme une grave erreur et ouvertement critiqué. Ainsi, le palestinien Najâti Sidqi, délégué de l’Internationale syndicale rouge à Moscou, fut exclu par des « camarades » en 1940 pour avoir publié une série d’articles sur l’incompatibilité du nazisme et de l’islam. En termes de classes, ce courant percevait le sionisme comme une tentative des « capitalistes juifs » de détourner les « ouvriers juifs » des objectifs de la révolution. Par ailleurs, il dénonça avec ferveur la « connivence entre sionistes et nazis » sur la question palestinienne. Ainsi, dans un discours prononcé en 1943, le secrétaire général du Parti communiste Ridwân al-Hilû affirmait que « le sionisme considère la terreur antijuive comme bienvenue et […] entrave tout projet susceptible d’orienter l’émigration vers un autre pays que la Palestine, comme ce fut le cas lors de la conférence d’Evian [7] […] lorsque […] l’Agence juive s’opposa à tout projet susceptible de dévier l’émigration des Juifs de la Palestine, préférant qu’ils restent en Allemagne sous la torture, la terreur et la privation plutôt que de les transporter ailleurs [8] ».
On peut retenir avec Achcar, pour jauger l’ampleur du mouvement réfractaire au nazisme dans le monde arabe, qu’il y eut globalement plus d’Arabes dans les armées alliées ou dans les camps de concentration nazis que de volontaires engagés aux côtés de l’Axe.
Après la Shoah
La Nakba, l’expulsion des Palestiniens consécutive à la création de l’État d’Israël, a porté un coup fatal aux occidentalistes libéraux et aux marxistes, accusés d’avoir soutenu des gouvernements favorables au sionisme – au cours de la guerre de 1948, Staline a fourni la Haganah, bras armé de l’exécutif sioniste, en armes. Le panislamisme intégriste a été discrédité par la défaite du mufti et par le soutien inconditionnel des Saoudiens aux britanniques. Seule la mouvance nationaliste est sortie renforcée par cette épreuve, du moins jusqu’à la défaite arabe de 1967, avant de céder devant la montée ombrageuse de l’islamisme, illustrée par la révolution iranienne de 1979.
À compter de cette période, deux paradigmes idéologiques symétriques, l’un d’essence néo-sioniste – prééminent chez les intellectuels israéliens – et l’autre inspiré de l’islamisme radical – que l’on retrouve en Iran –, se sont progressivement imposés. Enfermés dans une vision narcissique du passé, du présent, et de l’avenir, les porte-parole de ces deux modèles se sont livrés – et se livrent encore – à une surenchère déplorable dans la négation de la souffrance de l’autre et dans l’exacerbation de sa propre souffrance – Nakba contre Shoah.
Les termes de l’équation sont tragiques. Cette posture de repli sur soi, d’incapacité à faire preuve d’empathie et cette tendance à essentialiser l’autre en postulant l’immuabilité de son être, est la désastreuse marque de notre époque actuelle sur la question du conflit israélo-palestinien – en dehors de quelques esprits qui tentent d’y échapper. On comprend combien le recours sélectif, voire manipulateur, au passé ne fait que conforter cette situation. Au lieu d’une navrante surenchère de victimisation, il faudrait arriver à une nécessaire compréhension de la souffrance de l’autre, étape indispensable pour parvenir à une vraie réconciliation. Dans ce contexte, on ne peut que saluer l’exemplarité de l’ouvrage de Gilbert Achcar, qui œuvre dans ce sens."
http://www.laviedesidees.fr/Hitler-les-Arabes-et-les-Juifs.html
"Panislamisme réactionnaire, nationalisme et collaboration
Achcar démontre que le courant du « panislamisme intégriste », dans lequel est classé le mufti, s’est montré le plus complaisant vis-à-vis du nazisme, en dépit des incompatibilités idéologiques inhérentes à son essence néo-païenne – le culte d’Hitler, élevé au rang de quasi-Dieu, était en effet difficilement compatible avec le principe islamique d’unicité divine. Enclins à percevoir le monde comme animé par le prisme religieux des premiers siècles de l’islam, les panislamistes réactionnaires ont rapidement appréhendé le conflit palestinien en termes de guerre de religions opposant les Musulmans – et leurs alliés – aux Juifs.
Chez les nationalistes arabes, explique Achcar, l’Allemagne nazie, perçue comme ennemie de la Grande-Bretagne, a suscité des sympathies d’intensités variables, en particulier dans les pays sous domination britannique – en Egypte, en Irak et surtout en Palestine, où l’antisémitisme était conçu par les plus frustes comme un rempart contre le sionisme.
Le Parti syrien nationaliste arabe, fondé par le germanophile et admirateur d’Hitler Antoun Saadeh, a sans doute été le plus proche du modèle nazi – le drapeau de son parti était d’ailleurs calqué sur le drapeau nazi, avec les couleurs rouges et noires inversées et une hélice à quatre pales à la place de la croix gammée. Achcar affirme que la conscience réactionnaire de Saadeh a atteint des sommets totalitaires inégalés au Moyen-Orient (p. 128-129). Mais, malgré ses excès de zèle, il n’est parvenu à susciter d’intérêt ni chez les masses arabes, ni auprès des autorités allemandes – qui rejetèrent ses requêtes de soutien, ce qui le conduira à nier par la suite toute proximité avec le nazisme.
En Égypte, Achcar montre que l’organisation Misr al-Fatât (Jeune Égypte), inspirée par la vague montante du fascisme européen, n’a guère été prise au sérieux par le régime nazi avec lequel elle entretint des rapports en « dents de scie » – ce qui ne l’empêcha pas de verser dans l’antisémitisme, en paroles mais aussi en actes [5].
Les ultranationalistes irakiens, qui au départ assimilaient le nazisme à une forme de colonialisme, ont pris un tournant pronazi au printemps 1941, après le renversement du putschiste Gaylânî par l’armée britannique. Le pogrom Farhûd de juin 1941, fomenté par les putschistes déchus décidés à faire des Juifs les boucs émissaires de leur frustration, en fut la triste illustration. Toutefois, Achcar précise qu’au cours de cet événement, la violence antijuive, perpétrée par une petite minorité, fut réprouvée par la population et que les émeutiers furent rapidement dispersés par les tirs de l’armée irakienne. Notons avec l’auteur que ces cas étaient marginaux : la plupart des nationalistes arabes qui se sont rapprochés de Berlin l’ont fait moins par connivence idéologique avec le nazisme que par haine du colonisateur britannique et par volonté de libérer la nation arabe de son joug.
Si la collaboration avec l’Allemagne nazie de ces mouvements panislamistes intégristes ou nationalistes est un fait établi, elle fut loin de rencontrer l’assentiment général. La majorité des indépendantistes libéraux, des nationalistes « progressistes » et l’ensemble des marxistes rejetaient le nazisme comme négation de leurs valeurs, explique Achcar. Ils voyaient en Hitler « le plus grand ennemi de l’humanité » [p. 81] et considéraient la Grande-Bretagne comme un moindre mal.
Indépendantistes occidentaux, marxistes et rejet du nazisme
Imprégnés du système de valeurs culturelles « modernistes » issues des Lumières, les « occidentalistes libéraux » se sont dès le départ opposés à la fois au nazisme par humanisme et au sionisme par anticolonialisme. Ils condamnaient fermement l’antisémitisme, cette « pensée arriérée et sauvage qui consiste à persécuter, au nom de la race, les divers éléments qui composent la nation entière [6] ». Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ils représentaient le courant de pensée le plus influent, y compris en Palestine – malgré le succès de l’aile radicale du mouvement national dirigée par Amin al-Husseini. Ce fut cette voix qui fut portée au cours de la réunion sur la question de la Palestine du 7 octobre 1944 à Alexandrie, présidée par les chefs des gouvernements de Égypte, de l’Irak, de la Jordanie, du Liban et de la Syrie, comme en témoigne la résolution spéciale prononcée à son terme : « nul ne regrette plus que [le comité] les malheurs infligés aux Juifs d’Europe par les États dictatoriaux européens. Mais la question de ces Juifs ne doit pas être confondue avec le sionisme, car il n’y a pas de plus grande injustice que de résoudre le problème des Juifs d’Europe au moyen d’une autre injustice, c’est-à-dire en infligeant une injustice aux Arabes de Palestine » [p. 83].
Pour ce qui est des marxistes arabes, Achcar explique qu’ils ont adopté cette même attitude de rejet à la fois du sionisme et du nazisme, qu’ils percevaient comme les « deux faces d’une même médaille » et renvoyaient « dos à dos » [p. 89]. Engagés dans un combat cabré contre le nazisme dès l’avènement du Troisième Reich, leurs activités furent freinées entre août 1939 et juin 1941 par le pacte Ribbentrop-Molotov, considéré par certains comme une grave erreur et ouvertement critiqué. Ainsi, le palestinien Najâti Sidqi, délégué de l’Internationale syndicale rouge à Moscou, fut exclu par des « camarades » en 1940 pour avoir publié une série d’articles sur l’incompatibilité du nazisme et de l’islam. En termes de classes, ce courant percevait le sionisme comme une tentative des « capitalistes juifs » de détourner les « ouvriers juifs » des objectifs de la révolution. Par ailleurs, il dénonça avec ferveur la « connivence entre sionistes et nazis » sur la question palestinienne. Ainsi, dans un discours prononcé en 1943, le secrétaire général du Parti communiste Ridwân al-Hilû affirmait que « le sionisme considère la terreur antijuive comme bienvenue et […] entrave tout projet susceptible d’orienter l’émigration vers un autre pays que la Palestine, comme ce fut le cas lors de la conférence d’Evian [7] […] lorsque […] l’Agence juive s’opposa à tout projet susceptible de dévier l’émigration des Juifs de la Palestine, préférant qu’ils restent en Allemagne sous la torture, la terreur et la privation plutôt que de les transporter ailleurs [8] ».
On peut retenir avec Achcar, pour jauger l’ampleur du mouvement réfractaire au nazisme dans le monde arabe, qu’il y eut globalement plus d’Arabes dans les armées alliées ou dans les camps de concentration nazis que de volontaires engagés aux côtés de l’Axe.
Après la Shoah
La Nakba, l’expulsion des Palestiniens consécutive à la création de l’État d’Israël, a porté un coup fatal aux occidentalistes libéraux et aux marxistes, accusés d’avoir soutenu des gouvernements favorables au sionisme – au cours de la guerre de 1948, Staline a fourni la Haganah, bras armé de l’exécutif sioniste, en armes. Le panislamisme intégriste a été discrédité par la défaite du mufti et par le soutien inconditionnel des Saoudiens aux britanniques. Seule la mouvance nationaliste est sortie renforcée par cette épreuve, du moins jusqu’à la défaite arabe de 1967, avant de céder devant la montée ombrageuse de l’islamisme, illustrée par la révolution iranienne de 1979.
À compter de cette période, deux paradigmes idéologiques symétriques, l’un d’essence néo-sioniste – prééminent chez les intellectuels israéliens – et l’autre inspiré de l’islamisme radical – que l’on retrouve en Iran –, se sont progressivement imposés. Enfermés dans une vision narcissique du passé, du présent, et de l’avenir, les porte-parole de ces deux modèles se sont livrés – et se livrent encore – à une surenchère déplorable dans la négation de la souffrance de l’autre et dans l’exacerbation de sa propre souffrance – Nakba contre Shoah.
Les termes de l’équation sont tragiques. Cette posture de repli sur soi, d’incapacité à faire preuve d’empathie et cette tendance à essentialiser l’autre en postulant l’immuabilité de son être, est la désastreuse marque de notre époque actuelle sur la question du conflit israélo-palestinien – en dehors de quelques esprits qui tentent d’y échapper. On comprend combien le recours sélectif, voire manipulateur, au passé ne fait que conforter cette situation. Au lieu d’une navrante surenchère de victimisation, il faudrait arriver à une nécessaire compréhension de la souffrance de l’autre, étape indispensable pour parvenir à une vraie réconciliation. Dans ce contexte, on ne peut que saluer l’exemplarité de l’ouvrage de Gilbert Achcar, qui œuvre dans ce sens."
http://www.laviedesidees.fr/Hitler-les-Arabes-et-les-Juifs.html
lundi 28 juin 2010
Azincourt
Hier dimanche je suis allée à Azincourt. Il s'y tenait un salon du livre ce jour-là et le petit musée non loin de là, est resté ouvert toute la journée. J'ai pu prendre une petite leçon d'histoire. J'avais en effet oublié je l'avoue, ce qui concernait la bataille d'Azincourt, mettons ça sur le dos des tracas du quotidien. Une fois sur les lieux, l'envie de me rattrapper s'est tout de suite fait sentir, en sus de ma visite au musée, j'ai acheté une brochure qui rappelle, pas trop succinctement, la chronologie des événements sans oublier, bien entendu, de mentionner les origines du conflit et l'élément déclencheur de la bataille entre Anglais et Français, qui déboucha sur un carnage. L'auteur de cette brochure est Claude Delcusse, Directeur du Centre Historique Médiéval d'Azincourt. Brochure dont je compte vous donner quelques extraits : sa couverture et la carte, où l'on s'aperçoit, (à moins d'une erreur de frappe ?), que les Anglais diraient Agincourt au lieu de Azincourt ?
Cliquez sur l'image pour agrandir.
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samedi 26 juin 2010
Lu cet après-midi : Le réseau Flandres de Philippe Declerck
Le réseau Flandres, polar de Philippe Declerck, s’attaque au sujet difficile de la pédophilie par le biais d’une fiction qui peut laisser pantois par moments. J’ai lu le polar presque d’une traite. Un auteur qui a quelque chose à dire et manie bien la langue, en vrai littéraire. Pour en savoir plus, je vous donne le lien de son blog :
http://philippe-declerck.over-blog.com/
vendredi 25 juin 2010
Betty un film de Claude Chabrol
Betty n’a pas beaucoup de repères pour affronter la vie. Durant son enfance, elle a peut-être envié Marie, la bonne de la famille autour de laquelle tournent les hommes ; elle l’a plusieurs fois surprise dans des ébats à teneur fortement érotique. Jamais dans une quelconque discussion : Marie incarnait la soumission, la dévotion à l’homme. Est-ce qu’à partir de là, on peut se mettre à divaguer profondément ? Peut-être bien. En tout cas ça dérape plus tard pour Betty vers un besoin irrépressible d’amants et d’alcool, d’hommes qui infligent des blessures comme pour Marie car les enfants perçoivent l’acte sexuel comme une violence envers la femme assure-t-elle lors de ses confidences à Laure, une infirmière qui l’a recueillie, également alcoolique.
Il y avait eu le bannissement, la condamnation de la famille du mari, mais l’histoire se met à peser d’autant plus que Betty continue de jouer les femmes "écervelées" en dépit du dévouement de Laure. Laure, une infirmière peut-être plus éprouvée qu’elle encore par la vie car beaucoup plus seule. C’est pour elle qu’est allée peu à peu ma sympathie parce que Betty ruse quand l‘autre garde beaucoup de fraîcheur d‘âme. Stéphane Audran, toujours belle, incarne à merveille cette infirmière à l’écoute malgré ses propres épreuves. Marie Trintignant restitue bien la Betty de Simenon, très jolie et très perdue à la fois. Notre héroïne a dans le collimateur, même à bout de forces, l’amant de Laure. Elle les a entendus et même vus lors de leurs retrouvailles quand l’infirmière la croyait endormie. C’est lourd comme le passé et ça fait déraper : elle ne saisit pas la chance de faire de cette femme généreuse son amie véritable et lui pique son amant comme par manie. Les films de Claude Chabrol font toujours beaucoup cogiter. Betty est une adaptation très réussie d’un roman de Simenon.
Il y avait eu le bannissement, la condamnation de la famille du mari, mais l’histoire se met à peser d’autant plus que Betty continue de jouer les femmes "écervelées" en dépit du dévouement de Laure. Laure, une infirmière peut-être plus éprouvée qu’elle encore par la vie car beaucoup plus seule. C’est pour elle qu’est allée peu à peu ma sympathie parce que Betty ruse quand l‘autre garde beaucoup de fraîcheur d‘âme. Stéphane Audran, toujours belle, incarne à merveille cette infirmière à l’écoute malgré ses propres épreuves. Marie Trintignant restitue bien la Betty de Simenon, très jolie et très perdue à la fois. Notre héroïne a dans le collimateur, même à bout de forces, l’amant de Laure. Elle les a entendus et même vus lors de leurs retrouvailles quand l’infirmière la croyait endormie. C’est lourd comme le passé et ça fait déraper : elle ne saisit pas la chance de faire de cette femme généreuse son amie véritable et lui pique son amant comme par manie. Les films de Claude Chabrol font toujours beaucoup cogiter. Betty est une adaptation très réussie d’un roman de Simenon.
jeudi 24 juin 2010
la note du jour
Je me promène dans un grand parc arboré où sont disposés des bâtiments assez bas, pas plus de un étage ou deux, aux briques rouges où s’encastrent de larges fenêtres dont les châssis marron tranchent avec les stores d’intérieur à bandes horizontales blanches. Je peux distinguer des silhouettes d’étudiants tranquilles, certains prennent des notes, d’autres, distraits par cette belle journée ensoleillée tournent souvent la tête vers les stores ; les bandes métalliques et souples s’arrondissent légèrement sous l’effet de la pesanteur laissant filtrer la lumière ; les grands arbres lancent des ombres légères et rafraîchissantes, il fait décidément bon étudier ici.
Réminiscence d’un lieu aimant, compréhensif, qui vous accueille à la porte du rêve et s’insinue comme un parfum. Pas de madeleine de Proust pourtant, pas de nostalgie. Allez savoir où nous avons laissé un peu de nous même, en quel endroit qui nous revient à l’improviste, fidèle et un peu mystérieux.
Réminiscence d’un lieu aimant, compréhensif, qui vous accueille à la porte du rêve et s’insinue comme un parfum. Pas de madeleine de Proust pourtant, pas de nostalgie. Allez savoir où nous avons laissé un peu de nous même, en quel endroit qui nous revient à l’improviste, fidèle et un peu mystérieux.
mercredi 23 juin 2010
mardi 22 juin 2010
Le film d'hier soir
À propos des personnes qui échouent gravement dans leur quête sentimentale, on peut dire que le film d’hier soir, Landru, en est une tragique illustration. Ça m’a changé de l’ambiance du livre Le Grand Meaulnes, qui est devenu un de mes compagnons de route, grâce à Sam. Un garçon de quatorze ans a, dans cette histoire, suffisamment de maturité pour vivre sans faux-fuyants de profonds bouleversements. Mais revenons au film, Landru. Le bonhomme a emmené dans une noire galère plus de dix femmes ! Toutes formatées dans des rôles de pudibondes qui ont furieusement besoin d’une aventure sexuelle sans oser se l’avouer, sauf celle qui devient sa maîtresse. Les victimes sont candidement allées, fantasmes à l’appui, droit au casse-pipe. Je ne pense pas qu’une femme aujourd’hui puisse s’identifier à l’une d’elles. Je comprends mieux maintenant, pourquoi c’était si défoulant pour moi de regarder Drôles de dames, le feuilleton où quatre énergumènes de la gent féminine pratiquent le karaté, le judo, la boxe française. (Vive le sport !), sans doute une solidarité féminine qui se manifestait inconsciemment.
Landru a assumé d’infliger une mort violente à toutes ces femmes, il devait donc assumer celle que la société allait lui infliger en retour. C’était bien la moindre des choses.
Landru a assumé d’infliger une mort violente à toutes ces femmes, il devait donc assumer celle que la société allait lui infliger en retour. C’était bien la moindre des choses.
dimanche 20 juin 2010
À l'écoute de Alain Fournier
En ce moment, je lis deux livres qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre : Jacques le fataliste de Diderot, que je ne croyais pas aussi cocasse à ses heures, et Le Grand Meaulnes de Alain Fournier, que je lis à voix haute à Sam ; un livre de chevet qui repose sans endormir, où sont évoqués les émotions de jeunes ados à travers leur amitié, et l’éveil à la vie sentimentale pour le Grand Meaulnes ; tout est aventure pour lui dès lors qu’il devient un brin subversif, le voilà qui s’égare dans ce qu’il lui semble être un lointain domaine sans ressentir la moindre culpabilité, au contraire, peu à peu enchanté, il finit par tomber amoureux et n’aura de cesse ensuite de retrouver le Pays perdu. Le confident de Meaulnes, le Je de cette histoire, prend part à l’aventure par confidences interposées, digne dépositaire d’une très belle histoire.
Je trouve l’écriture de ce bouquin très musicale. Vous voulez entendre ? Un tout petit extrait, là où Sam en est arrivé de son écoute :
"Le grand vent ou le froid, la pluie ou la neige, l’impossibilité où nous étions de mener à bien de longues recherches nous empêchèrent, Meaulnes et moi, de reparler du Pays perdu avant la fin de l’hiver. Nous ne pouvions rien commencer de sérieux, durant ces brèves journées de février, ces jeudis sillonnés de bourrasques, qui finissaient régulièrement vers cinq heures par une morne pluie glacée.
Rien ne nous rappelait l’aventure de Meaulnes sinon ce fait étrange que depuis l’après -midi de son retour nous n’avions plus d’amis. Aux récréations, les mêmes jeux qu’autrefois s’organisaient, mais Jasmin ne parlait plus jamais au grand Meaulnes. Les soirs, aussitôt la classe balayée, la cour se vidait comme au temps où j’étais seul, et je voyais errer mon compagnon, du jardin au hangar et de la cour à la salle à manger.
Les jeudis matin, chacun de nous installé sur le bureau d’une des deux salles de classe, nous lisions Rousseau et Paul-Louis Courier que nous avions dénichés dans les placards, entre des méthodes d’anglais et des cahiers de musique finement recopiés. L’après-midi, c’était quelque visite qui nous faisait fuir l’appartement ; et nous regagnions l’école … Nous entendions parfois des groupes de grands élèves qui s’arrêtaient un instant, comme par hasard, devant le grand portail, le heurtaient en jouant à des jeux militaires incompréhensibles et puis s’en allaient … Cette triste vie se poursuivit jusqu’à la fin du mois de février. Je commençais à croire que Meaulnes avait tout oublié, lorsqu’une aventure, plus étrange que les autres, vint me prouver que je m’étais trompé et qu’une crise violente se préparait sous la surface morne de cette vie d’hiver.
Ce fut justement un jeudi soir, vers la fin du mois, que la première nouvelle du Domaine étrange, la première vague de cette aventure dont nous ne reparlions pas arriva jusqu’à nous. Nous étions en pleine veillée. Mes grands-parents repartis, restaient seulement avec nous Millie et mon père, qui ne se doutaient nullement de la sourde fâcherie par quoi toute la classe était divisée en deux clans.
À huit heures, Millie qui avait ouvert la porte pour jeter dehors les miettes du repas fit :
« Ah ! »
D’une voix si claire que nous nous approchâmes pour regarder. Il y avait sur le seuil une couche de neige … Comme il faisait très sombre je m’avançai de quelques pas dans la cour pour voir si la couche était profonde. Je sentis des flocons légers qui me glissaient sur la figure et fondaient aussitôt. On me fit rentrer très vite et Millie ferma la porte frileusement."
Je trouve l’écriture de ce bouquin très musicale. Vous voulez entendre ? Un tout petit extrait, là où Sam en est arrivé de son écoute :
"Le grand vent ou le froid, la pluie ou la neige, l’impossibilité où nous étions de mener à bien de longues recherches nous empêchèrent, Meaulnes et moi, de reparler du Pays perdu avant la fin de l’hiver. Nous ne pouvions rien commencer de sérieux, durant ces brèves journées de février, ces jeudis sillonnés de bourrasques, qui finissaient régulièrement vers cinq heures par une morne pluie glacée.
Rien ne nous rappelait l’aventure de Meaulnes sinon ce fait étrange que depuis l’après -midi de son retour nous n’avions plus d’amis. Aux récréations, les mêmes jeux qu’autrefois s’organisaient, mais Jasmin ne parlait plus jamais au grand Meaulnes. Les soirs, aussitôt la classe balayée, la cour se vidait comme au temps où j’étais seul, et je voyais errer mon compagnon, du jardin au hangar et de la cour à la salle à manger.
Les jeudis matin, chacun de nous installé sur le bureau d’une des deux salles de classe, nous lisions Rousseau et Paul-Louis Courier que nous avions dénichés dans les placards, entre des méthodes d’anglais et des cahiers de musique finement recopiés. L’après-midi, c’était quelque visite qui nous faisait fuir l’appartement ; et nous regagnions l’école … Nous entendions parfois des groupes de grands élèves qui s’arrêtaient un instant, comme par hasard, devant le grand portail, le heurtaient en jouant à des jeux militaires incompréhensibles et puis s’en allaient … Cette triste vie se poursuivit jusqu’à la fin du mois de février. Je commençais à croire que Meaulnes avait tout oublié, lorsqu’une aventure, plus étrange que les autres, vint me prouver que je m’étais trompé et qu’une crise violente se préparait sous la surface morne de cette vie d’hiver.
Ce fut justement un jeudi soir, vers la fin du mois, que la première nouvelle du Domaine étrange, la première vague de cette aventure dont nous ne reparlions pas arriva jusqu’à nous. Nous étions en pleine veillée. Mes grands-parents repartis, restaient seulement avec nous Millie et mon père, qui ne se doutaient nullement de la sourde fâcherie par quoi toute la classe était divisée en deux clans.
À huit heures, Millie qui avait ouvert la porte pour jeter dehors les miettes du repas fit :
« Ah ! »
D’une voix si claire que nous nous approchâmes pour regarder. Il y avait sur le seuil une couche de neige … Comme il faisait très sombre je m’avançai de quelques pas dans la cour pour voir si la couche était profonde. Je sentis des flocons légers qui me glissaient sur la figure et fondaient aussitôt. On me fit rentrer très vite et Millie ferma la porte frileusement."
mercredi 16 juin 2010
lundi 14 juin 2010
Épouses et concubines
Chez les hommes se joue souvent la tragédie de la séparation, sans parler des enfants pour qui c'est encore plus difficile. les uns se séparent des autres plus ou moins volontairement pour l’une des parties comme souvent dans les divorces ou alors, les uns se chargent de séparer des quidams trop heureux d’être ensemble parce ce que, comme dans les cas du film d’hier soir traitant de la polygamie, le bonheur des amoureux les ramène à leur solitude, leur félicité les isole. Les hommes mettent plus de temps que d’autres animaux à devenir des solitaires heureux. Parfois ils n’y parviennent pas du tout. La polygamie laisse encore moins de chance à l’homme et à la femme d’améliorer leur condition. La quatrième épouse, dans l’histoire du film d’hier, commence déjà très mal son "sacerdoce", "d’entrée de jeu" elle malmène la jeune servante, la sadise au gré de ses caprices et autres petites humiliations quotidiennes ; hélas pour « la jeune maîtresse », à défaut d’obtenir le statut espéré de favorite, les ruses, les charmes, les stratégies de ses rivales viennent à bout de cette ambition. Pourtant la troisième épouse, à mes yeux la plus douée pour le bonheur, avait finalement presque renoncé à évincer ses rivales, plus philosophe elle s’était pris un amant ; la première épouse ne représentait plus un danger en raison de son âge "avancé" et assumé via une bonne dose d’humour noir. Elle n’existait plus pour "ses sœurs", les autres épouses, car sans les visites du maître des lieux, on faisait presque figure de spectre amusant, même pas redoutable. Elle tenait le coup, on ne sait trop comment, le cinéaste lui-même ne s’attarde pas sur son cas. Alors, au final, d’où subsistait le danger pour la malheureuse quatrième épouse ? De la seconde, de celle qui joue le renoncement, avec de fausses attitudes de bouddha et inspire d’autant plus confiance que, le temps faisant son œuvre, elle se trouve sur la voie spectrale de son aînée. Cette seconde épouse est en fait la plus déshumanisée des quatre. Magie noire, poisons, tout est à craindre de sa part.
C’est un triste jeu de dames, où disparaîtront les deux dernières. L’une assassinée, l’autre neurasthénique. De quoi modérer son empressement à se marier, non ? L’union fusionnelle dans cette histoire se paie toujours au prix fort de la disharmonie cachée sous le vernis des traditions et active la déliquescence de ce qui aurait aimé être, malgré tout, une tribu solidaire. Échec cuisant pour deux d'entre elles qui en mettant leurs œufs dans le même panier, ou si vous préférez, en n’ayant plus qu’un seul objectif au bout du compte, la séduction et la préhension du mari, peuvent se transformer en prédatrices ou perdre carrément le goût de la vie. Aucune issue, on le voit avec la troisième épouse qui pour avoir tenté de prendre la tangente se fait assassiner. Un très beau film plein de vérité. Un huis clos à fabriquer de la claustrophobie.
samedi 12 juin 2010
vendredi 11 juin 2010
Antigone de Jean Anouihl
J'ai pris en cours sur TV5 monde la pièce Antigone de Jean Anouihl. Robert Hossein jouait le rôle de Créon ; les personnages principaux suintaient la passion, on sentait un public averti sous tension, des rires ont donc fusé quand l'acteur jouant le garde d'Antigone affiche une désinvolture complètement décalée, notamment lorsque sa prisonnière, condamnée à mort, lui dicte une lettre d'adieu. On ne sait pas trop l'origine de cette inconscience du personnage, cynisme et/ou stupidité ? Une Antigone presque contemporaine, des gardes en tenue de cuir, tout cela était assez oppressant. J'ai mieux compris l'essence de tout ce tragique en m'informant du contexte précis dans lequel la pièce a été adaptée ou recréée.
« C'est à un acte de résistance qu'Anouilh doit l'idée de travailler sur le personnage d'Antigone. En août 1942, un jeune résistant, Paul Collette, tire sur un groupe de dirigeants collaborationnistes au cours d'un meeting de la Légion des volontaires français (L.V.F.) à Versailles, il blesse Pierre Laval et Marcel Déat. Le jeune homme n'appartient à aucun réseau de résistance, à aucun mouvement politique ; son geste est isolé, son efficacité douteuse. La gratuité de son action, son caractère à la fois héroïque et vain frappent Anouilh, pour qui un tel geste possède en lui l'essence même du tragique. Nourri de culture classique, il songe alors à une pièce de Sophocle, qui pour un esprit moderne évoque la résistance d'un individu face à l'État. Il la traduit, la retravaille et en donne une version toute personnelle.
La nouvelle Antigone est donc issue d'une union anachronique, celle d'un texte vieux de 2400 ans et d'un événement contemporain.
Présentation de la pièce :
Il faut garder en mémoire que dans la pièce de Sophocle le personnage tragique n'est pas Antigone, mais Créon. Comme Œdipe, son neveu, dont il prend la suite, Créon s'est cru un roi heureux. En cela, il fait preuve de "démesure" (ubris, en grec), pour cela il doit être puni. Antigone est l'instrument des dieux, Hémon le moyen, Créon la victime. Lui seul est puni en fin de compte. La mort d'Antigone n'est en rien une punition, puisqu'elle n'a commis aucune faute, au regard de la loi divine - au contraire. La tragédie est celle d'un homme qui avait cru à son bonheur et que les dieux ramènent aux réalités terrestres.
Représentée dans un Paris encore occupé, Antigone à sa création a suscité des réactions passionnées et contrastées. Le journal collaborationniste Je suis partout porte la pièce aux nues : Créon est le représentant d'une politique qui ne se soucie guère de morale, Antigone est une anarchiste (une "terroriste", pour reprendre la terminologie de l'époque) que ses valeurs erronées conduisent à un sacrifice inutile, semant le désordre autour d'elle. Des tracts clandestins, issus des milieux résistants, menacèrent l'auteur. Mais simultanément, on a entendu dans les différences irréconciliables entre Antigone et Créon le dialogue impossible de la Résistance et de la collaboration, celle-là parlant morale, et celui-ci d'intérêts. L'obsession du sacrifice, l'exigence de pureté de l'héroïne triomphèrent auprès du public le plus jeune, qui aima la pièce jusqu'à l'enthousiasme. Les costumes qui donnaient aux gardes des imperméables de cuir qui ressemblaient fort à ceux de la Gestapo aidèrent à la confusion. Pourtant, même sur ces exécutants brutaux Anouilh ne porte pas de jugement : "Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l'heure. Ils sentent l'ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d'eux-mêmes de la justice.". Et ne pas juger ces "auxiliaires de la justice", les excuser même, un an après la rafle du Vel'd'Hiv peut paraître un manque complet de sensibilité - ou la preuve d'une hauteur de vue qui en tout cas démarque la pièce de l'actualité immédiate.
Même si les positions politiques ultérieures d'Anouilh, et tout son théâtre, plein de personnages cyniques et désabusés, le situent dans un conservatisme ironique, on peut postuler qu'Antigone est en fait une réflexion sur les abominations nées de l'absence de concessions, que ce soit au nom de la Loi (Créon) ou au nom du devoir intérieur (Antigone). C'est le drame de l'impossible voie moyenne entre deux exigences aussi défendables et aussi mortelles, dans leur obstination, l'une que l'autre. »
Le site : http://mael.monnier.free.fr/bac_francais/antigone/0.htm
« C'est à un acte de résistance qu'Anouilh doit l'idée de travailler sur le personnage d'Antigone. En août 1942, un jeune résistant, Paul Collette, tire sur un groupe de dirigeants collaborationnistes au cours d'un meeting de la Légion des volontaires français (L.V.F.) à Versailles, il blesse Pierre Laval et Marcel Déat. Le jeune homme n'appartient à aucun réseau de résistance, à aucun mouvement politique ; son geste est isolé, son efficacité douteuse. La gratuité de son action, son caractère à la fois héroïque et vain frappent Anouilh, pour qui un tel geste possède en lui l'essence même du tragique. Nourri de culture classique, il songe alors à une pièce de Sophocle, qui pour un esprit moderne évoque la résistance d'un individu face à l'État. Il la traduit, la retravaille et en donne une version toute personnelle.
La nouvelle Antigone est donc issue d'une union anachronique, celle d'un texte vieux de 2400 ans et d'un événement contemporain.
Présentation de la pièce :
Il faut garder en mémoire que dans la pièce de Sophocle le personnage tragique n'est pas Antigone, mais Créon. Comme Œdipe, son neveu, dont il prend la suite, Créon s'est cru un roi heureux. En cela, il fait preuve de "démesure" (ubris, en grec), pour cela il doit être puni. Antigone est l'instrument des dieux, Hémon le moyen, Créon la victime. Lui seul est puni en fin de compte. La mort d'Antigone n'est en rien une punition, puisqu'elle n'a commis aucune faute, au regard de la loi divine - au contraire. La tragédie est celle d'un homme qui avait cru à son bonheur et que les dieux ramènent aux réalités terrestres.
Représentée dans un Paris encore occupé, Antigone à sa création a suscité des réactions passionnées et contrastées. Le journal collaborationniste Je suis partout porte la pièce aux nues : Créon est le représentant d'une politique qui ne se soucie guère de morale, Antigone est une anarchiste (une "terroriste", pour reprendre la terminologie de l'époque) que ses valeurs erronées conduisent à un sacrifice inutile, semant le désordre autour d'elle. Des tracts clandestins, issus des milieux résistants, menacèrent l'auteur. Mais simultanément, on a entendu dans les différences irréconciliables entre Antigone et Créon le dialogue impossible de la Résistance et de la collaboration, celle-là parlant morale, et celui-ci d'intérêts. L'obsession du sacrifice, l'exigence de pureté de l'héroïne triomphèrent auprès du public le plus jeune, qui aima la pièce jusqu'à l'enthousiasme. Les costumes qui donnaient aux gardes des imperméables de cuir qui ressemblaient fort à ceux de la Gestapo aidèrent à la confusion. Pourtant, même sur ces exécutants brutaux Anouilh ne porte pas de jugement : "Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l'heure. Ils sentent l'ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d'eux-mêmes de la justice.". Et ne pas juger ces "auxiliaires de la justice", les excuser même, un an après la rafle du Vel'd'Hiv peut paraître un manque complet de sensibilité - ou la preuve d'une hauteur de vue qui en tout cas démarque la pièce de l'actualité immédiate.
Même si les positions politiques ultérieures d'Anouilh, et tout son théâtre, plein de personnages cyniques et désabusés, le situent dans un conservatisme ironique, on peut postuler qu'Antigone est en fait une réflexion sur les abominations nées de l'absence de concessions, que ce soit au nom de la Loi (Créon) ou au nom du devoir intérieur (Antigone). C'est le drame de l'impossible voie moyenne entre deux exigences aussi défendables et aussi mortelles, dans leur obstination, l'une que l'autre. »
Le site : http://mael.monnier.free.fr/bac_francais/antigone/0.htm
Film vu hier soir : Mon nom est Tsotsi
L’action du film vu hier soir sur Arte se situe à Johannesbourg. Des jeunes vivant dans les townships environnant la capitale se déshumanisent à des degrés différents. Une scène se passant dans le métro montre un jeune gangster planter un couteau dans le cœur d’un homme noir relativement âgé, lequel habillé en bourgeois est supposé avoir un portefeuille bien garni. D’emblée on comprend que le film traite de ce qui pourrait s'appeler apartheid social, il ne s'agit plus de couleur de peau. Le jeune bandit, étranger à lui-même, n’éprouve visiblement aucune véritable émotion lorsqu'il commet cet acte. D’autres gardent une certaine sensibilité, notamment celui qui a failli devenir instit, à un examen raté près. Lui vole mais ne tue pas. "Cet excès d’émotivité" agace prodigieusement Tsotsi qui finit par casser méchamment la figure du philosophe en herbe lorsqu'il tente de le raisonner, invoquant la notion de décence. Faute de pouvoir se payer des soins, le malheureux y perdra probablement un œil.
Un bébé rencontré sur la route d‘un casse, sans doute parce qu’il incarne l’innocence, réveille souvenirs et sentiments chez Tsotsi, une sorte de rédemption commence pour lui. Mais que vont en faire la police, l’ordre social, lorsqu’il va tomber entre leurs mains ? C’est toute la question du film. Retrouver une sensibilité, c’est aussi retrouver une grande vulnérabilité pour ce jeune qui n’avait plus d’autre nom que Tsotsi (qui signifie gangster). Dans le contexte footbalistique de ces jours-ci, ce film pour le coup, pose indirectement la question du foot censé représenter une réconciliation possible entre des gens appartenant à des mondes socialement différents. En regard de cette incommunication de part et d'autre, le foot paraît bien dérisoire.
jeudi 10 juin 2010
mercredi 9 juin 2010
La rôdeuse de Loos-lez-Lille
C'est par un jour d'alerte orange, en novembre 2009 que j'ai pris cette photo à Loos-lez-Lille (à une vingtaine de kilomètres de Béthune). Clic-clac et je m'en vais "comme une voleuse", je suis rattrappée par un homme en voiture qui me dit "Qu'est-ce qui vous prend de photographier la maison de mon frère?", je lui explique que "c'est juste pour le charme qui se dégage de cette maison", "Bon ça va" maugrée-t-il, un petit sourire aux lèvres. Je ne lui ai pas menti. je lui trouve un charme irrésistible à cette habitation, un gros potentiel. Une atmosphère à la Simenon, à la Chabrol. Une ambiance qui inspira en tout cas la rôdeuse de photographe que je suis parfois. Dans l'envolée j'en ai photographié quelques autres dont celle-ci toute humide également sous le même ciel pluvieux :
Il faut croire que l'alerte orange m'avait donné des ailes, car je n'en restai pas là et me dirigeai vers le canal. Ses abords sont parsemés de hangars, bâtiments cubiques et bariolés, de choses en tas, dépôts divers et variés témoignant d'une activité industrielle encore en vigueur. Mais tout d'abord, voici Maro, péniche à la coque miroitante où le paysage narcisse se reflète :
La belle Maro, aquarelle vivante, eut droit à deux photos, celle-ci sous un angle légèrement différent :
Une dernière photo pour ce soir. Je me demande si en cliquant dessus, je réussirai à lire le nom de la remorqueuse. Maro a peut-être une collègue qui s'appelle Miro. Voyons voir :
J'ai cliqué ; malgré le grossissement intéressant, qui m'a permis d'admirer la berge de plus près, comme si j'y étais, je n'ai pu distinguer le nom de la ci-devante. Tant pis !
Max Alhau, à propos de Raymond Guérin
Quelques extraits de la chronique de Max Alhau — Pour Raymond Guérin — de la Revue littéraire Europe juin juillet 1985.
"L'œuvre de Raymond Guérin se place sous le signe de la représentation et celui de la dualité. Représentation d’abord, en ce sens qu’elle est fondée sur la peinture critique de la société, de la satire à la dérision, et, de fait, devient le lieu où l’appareil social est mis à mal, dénoncé comme contraire aux fins que tout homme porteur d’idéal poursuit. Le porte-parole exemplaire, double de Raymond Guérin, sera Monsieur Hermès, à la fois acteur et témoin, héros ou antihéros, victime d’une immense machine broyeuse de rêves. Dualité ensuite, avec l’écriture de Raymond Guérin : soucieux de calquer fidèlement la réalité, il s’applique à mouler son style à ses exigences romanesques. Au classicisme de Zobain et d’Emphédocle répondent l’argot de l’Apprenti ou des Poulpes, et la familiarité de Parmi tant d’autres feux, alors que les deux écritures voisinent dans ses derniers romans. Ainsi donc l’œuvre de Raymond Guérin ne cesse de s’appuyer sur des constantes qui se découvrent aussi bien dans ses « Confessions », que dans ses « Fictions » ou ses « Mythes ». Il s’agit d’abord d’affirmer une conception pessimiste de la société en général et des hommes — certains du moins — en particulier. De la société, certes, mais encore des groupes qui la constituent.
[…]
Dans les trois volumes de l’ "Ébauche d’une mythologie de la réalité", Monsieur Hermès représente l’image de l’homme socialement inadapté et, malgré ses bassesses, ses faiblesses, fait figure de juste persécuté. Ses expériences dans les différents groupes sociaux qu’il fréquente seront sans cesse source de déboires, d’échecs. Dès l’Apprenti, Raymond Guérin s’efforce de présenter un diptyque de la société : maîtres et serviteurs, aux prises dans l’hôtel de luxe parisien où est employé Monsieur Hermès, constituent un piètre exemple de la condition humaine.
[…]
Enfin le monde des prisonniers de guerre auquel est consacré l’énorme volume des Poulpes sonne le glas de tout espoir. Dans cette épopée du travestissement où les hommes sont dépouillés de leur identité pour être affublés de surnoms […] Monsieur Hermès, devenu le Grand Dab, se rend compte que rien n’est changé du comportement de ses semblables. Le grotesque côtoie le drame et la faim avive les instincts les plus vils. Après la captivité, les ambitions se réveillent, plus violentes qu’auparavant : chacun se dispute un pouvoir corrupteur, bafouant tout respect pour autrui. Une époque commence, plus inhumaine, et le constat de Monsieur Hermès est sans appel : « La barbarie avait engendré la barbarie, elle s’était installée, elle était devenue pour les êtres comme une seconde nature dont-ils n’avaient même plus conscience. » Tout idéalisme est voué à sa perte : la vie est dérisoire et les Poulpes constitue un livre de dérision totale.
[…]
Si tant d’échecs jalonnent l’existence des hommes, c’est qu’elle se trouve sans arrêt tissée d’illusions. Et en premier, l’illusion de l’amour. La chasse au bonheur à laquelle se livrent les héros de Raymond Guérin les aveugle tellement que la faillite qui les surprend provoque une plus cruelle déception. Durant sa jeunesse, Monsieur Hermès ne cesse de chercher le véritable amour, mais jusqu’à la rencontre avec Delphine, que d’échecs émaillent son itinéraire sentimental ! Il y a là comme une montée progressive vers l’idéal au cours de laquelle les difficultés s’accumulent avant la rédemption .
[…]
Alors, quelle est la vocation de l’homme dans un monde qui exclut les justes, les faibles ? La solitude, répond Raymond Guérin. Cette solitude que le romancier, longtemps tenu à l’écart de la littérature de son époque, s’impose à tout moment mais qui prend, selon les circonstances, une signification différente. Pour Emphédocle, ce sentiment est nécessaire à l’action. Y renoncer serait se compromettre, perdre une partie de ses forces morales. Pour Zobain, une fois séparé de sa femme, il accepte une solitude, source de joie, après avoir été image du désespoir : « Aujourd’hui, je me plais, ne suis vraiment joyeux, vraiment moi-même que seul » dit-il. Quant à Monsieur Hermès, éternel apprenti de la vie, la solitude est pour lui le gage de l’indépendance, celle qui permet de mener une existence conforme à ses souhaits de liberté, de non-installation dans une société qui l’évince autant qu’il la rejette. Débarrassé de toute ambition littéraire ou professionnelle, Monsieur Hermès demeure le solitaire qui s’arroge le droit de regard sur une humanité qui ne répond pas à ses attentes. Pourtant les propos qui achèvent Après la fin dévoilent le vœu initial de l’écrivain : « Je suis le premier à souhaiter la venue du jour où je pourrai écrire une œuvre de clarté et de confiance en la vie, dans un monde qui connaîtrait enfin la règle de la dignité humaine. »
À l’idéal trahi répond douloureusement une réalité que le romancier n’a jamais cessé de dénoncer et à travers laquelle se lisent par transparence ses aspirations essentielles. Par déduction, le lecteur trouvera exprimée une des revendications les plus urgentes de Raymond Guérin : faire le monde à la mesure de l’homme, de ses désirs les plus purs. Dans l’ombre qui enveloppe bien souvent une œuvre se dissimule une lumière crue qui affirme l’espoir, puisque l’écriture ne peut sans cesse s’appuyer sur le vide et les ténèbres au risque de se perdre dans le silence, l’absence."
Max Alhau
"L'œuvre de Raymond Guérin se place sous le signe de la représentation et celui de la dualité. Représentation d’abord, en ce sens qu’elle est fondée sur la peinture critique de la société, de la satire à la dérision, et, de fait, devient le lieu où l’appareil social est mis à mal, dénoncé comme contraire aux fins que tout homme porteur d’idéal poursuit. Le porte-parole exemplaire, double de Raymond Guérin, sera Monsieur Hermès, à la fois acteur et témoin, héros ou antihéros, victime d’une immense machine broyeuse de rêves. Dualité ensuite, avec l’écriture de Raymond Guérin : soucieux de calquer fidèlement la réalité, il s’applique à mouler son style à ses exigences romanesques. Au classicisme de Zobain et d’Emphédocle répondent l’argot de l’Apprenti ou des Poulpes, et la familiarité de Parmi tant d’autres feux, alors que les deux écritures voisinent dans ses derniers romans. Ainsi donc l’œuvre de Raymond Guérin ne cesse de s’appuyer sur des constantes qui se découvrent aussi bien dans ses « Confessions », que dans ses « Fictions » ou ses « Mythes ». Il s’agit d’abord d’affirmer une conception pessimiste de la société en général et des hommes — certains du moins — en particulier. De la société, certes, mais encore des groupes qui la constituent.
[…]
Dans les trois volumes de l’ "Ébauche d’une mythologie de la réalité", Monsieur Hermès représente l’image de l’homme socialement inadapté et, malgré ses bassesses, ses faiblesses, fait figure de juste persécuté. Ses expériences dans les différents groupes sociaux qu’il fréquente seront sans cesse source de déboires, d’échecs. Dès l’Apprenti, Raymond Guérin s’efforce de présenter un diptyque de la société : maîtres et serviteurs, aux prises dans l’hôtel de luxe parisien où est employé Monsieur Hermès, constituent un piètre exemple de la condition humaine.
[…]
Enfin le monde des prisonniers de guerre auquel est consacré l’énorme volume des Poulpes sonne le glas de tout espoir. Dans cette épopée du travestissement où les hommes sont dépouillés de leur identité pour être affublés de surnoms […] Monsieur Hermès, devenu le Grand Dab, se rend compte que rien n’est changé du comportement de ses semblables. Le grotesque côtoie le drame et la faim avive les instincts les plus vils. Après la captivité, les ambitions se réveillent, plus violentes qu’auparavant : chacun se dispute un pouvoir corrupteur, bafouant tout respect pour autrui. Une époque commence, plus inhumaine, et le constat de Monsieur Hermès est sans appel : « La barbarie avait engendré la barbarie, elle s’était installée, elle était devenue pour les êtres comme une seconde nature dont-ils n’avaient même plus conscience. » Tout idéalisme est voué à sa perte : la vie est dérisoire et les Poulpes constitue un livre de dérision totale.
[…]
Si tant d’échecs jalonnent l’existence des hommes, c’est qu’elle se trouve sans arrêt tissée d’illusions. Et en premier, l’illusion de l’amour. La chasse au bonheur à laquelle se livrent les héros de Raymond Guérin les aveugle tellement que la faillite qui les surprend provoque une plus cruelle déception. Durant sa jeunesse, Monsieur Hermès ne cesse de chercher le véritable amour, mais jusqu’à la rencontre avec Delphine, que d’échecs émaillent son itinéraire sentimental ! Il y a là comme une montée progressive vers l’idéal au cours de laquelle les difficultés s’accumulent avant la rédemption .
[…]
Alors, quelle est la vocation de l’homme dans un monde qui exclut les justes, les faibles ? La solitude, répond Raymond Guérin. Cette solitude que le romancier, longtemps tenu à l’écart de la littérature de son époque, s’impose à tout moment mais qui prend, selon les circonstances, une signification différente. Pour Emphédocle, ce sentiment est nécessaire à l’action. Y renoncer serait se compromettre, perdre une partie de ses forces morales. Pour Zobain, une fois séparé de sa femme, il accepte une solitude, source de joie, après avoir été image du désespoir : « Aujourd’hui, je me plais, ne suis vraiment joyeux, vraiment moi-même que seul » dit-il. Quant à Monsieur Hermès, éternel apprenti de la vie, la solitude est pour lui le gage de l’indépendance, celle qui permet de mener une existence conforme à ses souhaits de liberté, de non-installation dans une société qui l’évince autant qu’il la rejette. Débarrassé de toute ambition littéraire ou professionnelle, Monsieur Hermès demeure le solitaire qui s’arroge le droit de regard sur une humanité qui ne répond pas à ses attentes. Pourtant les propos qui achèvent Après la fin dévoilent le vœu initial de l’écrivain : « Je suis le premier à souhaiter la venue du jour où je pourrai écrire une œuvre de clarté et de confiance en la vie, dans un monde qui connaîtrait enfin la règle de la dignité humaine. »
À l’idéal trahi répond douloureusement une réalité que le romancier n’a jamais cessé de dénoncer et à travers laquelle se lisent par transparence ses aspirations essentielles. Par déduction, le lecteur trouvera exprimée une des revendications les plus urgentes de Raymond Guérin : faire le monde à la mesure de l’homme, de ses désirs les plus purs. Dans l’ombre qui enveloppe bien souvent une œuvre se dissimule une lumière crue qui affirme l’espoir, puisque l’écriture ne peut sans cesse s’appuyer sur le vide et les ténèbres au risque de se perdre dans le silence, l’absence."
Max Alhau
lundi 7 juin 2010
On the road
Juché(e) là-dessus, à condition de pédaler un minimum, la route finit par rejoindre le ciel, elle vous fait décoller. Vous sur votre selle, au bout d'un certain temps, vous suez peut-être sang et eau, si le tapis est en toboggans succesifs notamment. Qu'importe, les soucis se sont envolés. Mais attention, attelage d'une carriole à éviter : aucun traîneau d'aucune sorte ; le remorquage risquant de compromettre le décollage. L'attérrissage se fait généralement en douceur sauf pour les débutants émotifs qui n'encourent cependant pas plus qu'une petite cicatrice au genou, qui leur fera un bon souvenir. Bon vent, les cyclistes.
dimanche 6 juin 2010
samedi 5 juin 2010
Un livre de Aminata Sow Fall La grève des Bàttu
J'ai entendu cet après-midi Marthe Keller lire un extrait de La grève des Bàttu sur France culture. cela m'a donné envie d'en savoir plus sur l'auteure du bouquin. D'où cette interview trouvée en deux clics dont j'ai mis une partie ici, il date de 2005 mais je doute que Aminata Sow Fall revienne sur ses propos :
"Après trente ans de présence régulière sur la scène littéraire africaine, quel regard portez-vous sur cette littérature ?
Comme toutes les littératures, la littérature africaine pose les problèmes de l’humain. Toute littérature, d’où qu’elle soit pose toujours le questionnement essentiel que tout être humain se pose : qui suis-je ? Comment survivre ? Comment échapper à la mort ? Ce sont des questions immuables auxquelles les hommes cherchent des solutions. Certains auteurs n’aiment pas l’expression littérature africaine parce qu’ils estiment que c’est de la marginalisation. Il y a une littérature française, il y a une littérature espagnole, pourquoi on ne veut pas qu’il y ait une littérature africaine. ? Moi, ça ne me gène pas d’aller dans une librairie et de voir mon livre au rayon littérature africaine. Je ne peux pas renier ma propre identité. Dire que je suis sénégalaise ne me dispense pas d’être universelle. Parce que l’universel commence au fond de soi-même. Tout universel part d’un endroit précis. La Grève des bàttu a été traduit en chinois. Je ne suis pas étonnée que des Chinois, des êtres humains ou qu’ils se trouvent, prennent un livre qui est à 10 000 lieues de leur préoccupation, et s’y retrouvent. Toute œuvre littéraire, artistique a une vision d’éternité. Comment échapper à la destruction par la création artistique ? Même lorsque l’auteur ne pose pas le problème, ce sont ces problèmes qui ressortent. Regardez tout ce que Mariama Ba[ auteur du classique africain Une si longue lettre, Ed. du Serpent à plumes ] a écrit sur la polygamie. Toutes les femmes, toutes les personnes qui ont lu son livre ne connaissent pas ces problèmes. Mais ce qu’ils ont perçu, c’est la souffrance, c’est la condition humaine, le destin de l’être humain dans ses aspirations, dans ses oppressions, dans ses questionnements, ses émotions. Et tout ça, c’est humain. C’est tout cela qu’on partage avec l’humanité, avec l’universel. La littérature africaine est universelle."
Le site :
http://www.congopage.com/Qui-est-donc-la-plus-grande-dame
jeudi 3 juin 2010
Les anges ne s'arrêtent pas d'avoir du courage
J'en terminais avec les courses, une fois la note réglée je m'acheminais dans le grand hall d'où l'on voit la longue rangée des caissières. Je commençais à la remonter quand une petite femme m'interpelle "Madame" dit-elle "c'est pour les paralysés de France". Elle me montre un petit stand sur ma droite. Là, deux autres dames, menues elles aussi me proposent de choisir entre des ours en peluche, des portes-clé, des albums à colorier. Les articles sont de bons produits, pas chers. J'en prends deux. Je paie, je les entends me remercier chaleureusement ainsi que les autres personnes qui achètent derrière moi. Elle disent d'un ton guilleret "Ah! aujourd'hui, ce sont les ours !". Pas de doute, les peluches plaisent. "Hier c'était ...". Je suis déjà partie. Laissant derrière moi le stand minuscule, face à ceux immenses de la grande surface, par-delà la barrière des caisses dont les tiroirs s'ouvrent et se referment à un rythme assez infernal. Et trois drôles de dames dont l'une s'avance timidement mais inlassablement vers les caddys qui arrivent.
mardi 1 juin 2010
Peinture
Djamel Tatah prince de la mélancolie
"... Sans illusion, sans dissipation, elle parle de l’être sans chercher à paraître, bref, être dans la vie tout au moins, démarchant, marchant, errant, dormant, vivant le monde à distance tout en étant volontaire. Tels ces personnages à la tête souvent inclinée, c’est le regard de l’autre qui incite à ne pas la relever, le renvoi de sa propre histoire quelque peu cruelle que chacun porte en lui-même, et toute l’histoire des hommes qui nous engage avec. Nous sommes dans cette impasse moderne, celle de la peinture qui s’affronte à son passé, celle de l’être sans victoire extrême, rien ne peut désormais nous échapper. Comment d’ailleurs pourrions-nous échapper à une vaste plaine monochrome, un tableau d’espace insulaire, quand les règles sont déjà posées comme celles qui nous attendent dès notre arrivée, le peintre orientant son modèle au format clos prédisposé. S’installent dans cette réalité des figures contemporaines posant avec la langueur tranquille de l’immortel, leur bréviaire d’habit noir adaptable à toutes les époques. Avec cette prédisposition laconique et d’apparence désabusée, chacun se suffit à son être dans les usages d’une vie qui pourrait être celle d’un autre, dégagé des passions fébriles et des intrigues ordinaires. "Un et un font un" concluait en huis clos, et par cette équation, Serge Réggiani dans "Les séquestrés d’Altona". Les visages satinés, telle la casaque de Pierrot ou la souquenille d’Arlequin, ne retiennent ni éclat de rire arrogant, ni sourire méprisant, ni colère exsangue. Sans affectation, acteur impartial, le modèle se repose parfois à l’écart de son cadre, à la limite d’abdiquer, mais se montre toujours désintéressé de tout objectif matériel dont on ne trouve ici nul intérêt. ... "
Le site : http://serendipities.over-blog.com/ext/http://www.creuxdelenfer.net/Djamel-Tatah
"Séquestrés d'Altona, Les. Play by Sartre, first performed 1959. It focuses on the fortunes of the Von Gerlach family in post-war Germany, but reflects Sartre's concern with issues raised by the Algerian War. The younger son, Frantz, has incarcerated himself in his room since the war ended, unable to face the implications of the fact that he participated in torture, or of Germany's economic recovery. He seems half-mad, trapped in an incestuous relationship with his sister, Léni, and refusing to confront the truth about his own life or European history. It is Sartre's most pessimistic play. There appears no possibility of redemption or conversion. The forces of family and history conspire to reduce Frantz to impotence—he is victim and prisoner of both subjective and objective contradictions. Sartre's rapprochement with Marx and Freud here reveals the potential abyss of human alienation. The play seems to announce not now the death of God, but the death of Existential man himself. Paradoxically, however, Frantz's suicide, his only way out of an intolerable situation, could be seen to bring him close to some kind of tragic authenticity."
[Christina Howells]
"... Sans illusion, sans dissipation, elle parle de l’être sans chercher à paraître, bref, être dans la vie tout au moins, démarchant, marchant, errant, dormant, vivant le monde à distance tout en étant volontaire. Tels ces personnages à la tête souvent inclinée, c’est le regard de l’autre qui incite à ne pas la relever, le renvoi de sa propre histoire quelque peu cruelle que chacun porte en lui-même, et toute l’histoire des hommes qui nous engage avec. Nous sommes dans cette impasse moderne, celle de la peinture qui s’affronte à son passé, celle de l’être sans victoire extrême, rien ne peut désormais nous échapper. Comment d’ailleurs pourrions-nous échapper à une vaste plaine monochrome, un tableau d’espace insulaire, quand les règles sont déjà posées comme celles qui nous attendent dès notre arrivée, le peintre orientant son modèle au format clos prédisposé. S’installent dans cette réalité des figures contemporaines posant avec la langueur tranquille de l’immortel, leur bréviaire d’habit noir adaptable à toutes les époques. Avec cette prédisposition laconique et d’apparence désabusée, chacun se suffit à son être dans les usages d’une vie qui pourrait être celle d’un autre, dégagé des passions fébriles et des intrigues ordinaires. "Un et un font un" concluait en huis clos, et par cette équation, Serge Réggiani dans "Les séquestrés d’Altona". Les visages satinés, telle la casaque de Pierrot ou la souquenille d’Arlequin, ne retiennent ni éclat de rire arrogant, ni sourire méprisant, ni colère exsangue. Sans affectation, acteur impartial, le modèle se repose parfois à l’écart de son cadre, à la limite d’abdiquer, mais se montre toujours désintéressé de tout objectif matériel dont on ne trouve ici nul intérêt. ... "
Le site : http://serendipities.over-blog.com/ext/http://www.creuxdelenfer.net/Djamel-Tatah
"Séquestrés d'Altona, Les. Play by Sartre, first performed 1959. It focuses on the fortunes of the Von Gerlach family in post-war Germany, but reflects Sartre's concern with issues raised by the Algerian War. The younger son, Frantz, has incarcerated himself in his room since the war ended, unable to face the implications of the fact that he participated in torture, or of Germany's economic recovery. He seems half-mad, trapped in an incestuous relationship with his sister, Léni, and refusing to confront the truth about his own life or European history. It is Sartre's most pessimistic play. There appears no possibility of redemption or conversion. The forces of family and history conspire to reduce Frantz to impotence—he is victim and prisoner of both subjective and objective contradictions. Sartre's rapprochement with Marx and Freud here reveals the potential abyss of human alienation. The play seems to announce not now the death of God, but the death of Existential man himself. Paradoxically, however, Frantz's suicide, his only way out of an intolerable situation, could be seen to bring him close to some kind of tragic authenticity."
[Christina Howells]
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