Roland Dubillard
C’est arrivé à moi
Une étrange fille, tout à fait l’envers
d’une autre qui était
venue un jour et ne s’en allait pas ;
une fille offrant d’abord
ce que l’autre ne m’avait
donné qu’ensuite ;
achetant les boîtes pour leur couvercle
et réservant pour dans longtemps
le plaisir de se découvrir ensemble, par exemple,
à la même fumée deux cigarettes différentes ;
ronde vers le dehors et satisfaite
comme de fournir des fruits,
tandis que l’autre était creuse et secrète
comme d’aimer manger des coquillages.
Je n’ai pas reconnu tout de suite
qu’elles pouvaient l’une et l’autre toucher
d’un doigt semblable un cercle de même rayon ;
et l’une et l’autre se toucher
à travers des fenêtres semblables.
J’avais déjà beaucoup à faire
à ne pas me tromper d’œil pour les voir
et à les toucher sans colère l’une après l’autre
comme les seins d’une troisième qui semblait
me venir d’elles par moments.
Étais-je seul dans leur pensée
et dans leurs quatre mains à la manière des pianos ?
Les vêtements que l’une m’enlevait
étaient ceux-là dont au même instant je sentais
l’autre me vêtir.
Elles s’en sont allées, la perle de l’une à l’oreille de l’autre
et inversement,
tandis que je voyais mes mains faire deux ombres
sur une même table avec un seul soleil.
(Je dirai que je suis tombé, éd. Gallimard)
dimanche 7 février 2010
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