jeudi 4 novembre 2010

La bio peut-elle nourrir durablement la planète ?


"L’agriculture biologique est réputée fournir des aliments sains, sans hormones de croissance ni résidus de pesticides, et préserver l’environnement. Mais il lui est souvent reproché de ne pas être assez productive. Trop chers, les produits bio ne seraient pas accessibles aux plus modestes. Pire, ils ne pourraient pas nourrir durablement la population mondiale. Qu’en est-il réellement ?

La faim dans le monde

Les populations insuffisamment nourries ne parviennent pas à se procurer les aliments disponibles sur le marché mondial, faute d’un pouvoir d’achat suffisant, alors même que des quantités considérables de céréales et de protéagineux trouvent preneurs auprès des fabricants d’aliments du bétail et des usines d’agro-carburants. Ainsi en est-il chez nous des gens qui fréquentent régulièrement les Restaurants du cœur. Mais ainsi en est-il aussi et surtout des millions de personnes sous-alimentées vivant dans les grands pays du Sud qui exportent leur surplus de grains et de viande sur le marché international : l’Inde, le Brésil, l’Argentine …
Le paradoxe est que ces pauvres qui ne parviennent pas à s’alimenter correctement sont pour deux tiers des agriculteurs. Et le dernier tiers est constitué de populations autrefois agricoles qui, faute d’être restées compétitives sur la marché mondial, ont dû quitter prématurément leurs campagnes et migrer vers des bidonvilles sans pour autant y trouver d’emplois rémunérateurs.
Ce n’est pas en exportant à vil prix nos surplus de céréales, sucre, poudre de lait et viandes vers les pays du Sud que nous pourrons résoudre la question alimentaire à l’échelle mondiale. Mais en créant les conditions qui permettront aux paysanneries pauvres du Sud de dégager des revenus suffisants pour à la fois satisfaire leurs besoins essentiels et investir dans l’amélioration de leurs systèmes de culture et d’élevage. Les Européens seraient quant à eux bien inspirés de cesser la surproduction de denrées standard difficilement exportables et de réorienter leur agriculture vers la fourniture de produits de plus grande qualité gustative et sanitaire, en réduisant leurs émissions de gaz à effet de serre et sans causer de dommages à leur environnement.

Le défi du Sud

Du fait d’une pression démographique encore importante et de l’émergence de nouvelles classes moyennes, on peut prédire un doublement en quarante ans des productions de grains, tubercules et autres produits amylacés, dans les pays du Sud, pour espérer satisfaire la demande croissante en aliments de plus en plus variés. La demande en produits animaux (lait, œufs, viandes …) ne cesse en effet de s’accroître dans plusieurs pays émergents (Inde, Chine, Brésil …)
La FAO (1) estime que sur les 4,2 milliards d’hectares pouvant être cultivés dans le monde, seul 1,5 milliards l’est en fait de nos jours. Mais on observe depuis peu une extension accélérée des superficies dédiées à l’agriculture ou à l’élevage dans de nombreux pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. En témoignent les défrichements pour implanter du soja ou de la canne à sucre au Brésil et l’élargissement phénoménal des plantations de palmiers à huile en Indonésie et en Malaisie. Ce développement des surfaces, destinées pour l’essentiel à l’alimentation du bétail ou à la production d’agro-carburants, n’est pas le fait de paysans pauvres en manque d’équipements et de pouvoir d’achat mais résulte davantage du recours à des engins motorisés. Cette mécanisation se traduit par une accélération de l’exode rural et ne contribue en rien à résoudre la question de la pauvreté et de la sous-alimentation dans le monde. Les surfaces nouvellement défrichées le sont aux dépens de savanes et de forêts, avec le risque de la disparition d’écosystèmes riches en biodiversité.
Le plus urgent sera d’assurer que les familles paysannes travaillant à leur compte dans le Sud puissent accroître progressivement leurs productions et leurs revenus à l’hectare, en faisant un usage toujours plus intensif des ressources naturelles renouvelables disponibles ( énergie lumineuse et dioxyde de carbone atmosphérique, azote de l’air, eaux pluviales …) et en diminuant le recours aux énergies fossiles et aux produits chimiques de synthèse. Ces formes d’agriculture paysanne devront être créatrices d’emplois et ne pas rejeter les agriculteurs sur la marché du travail où prédomine encore un chômage chronique."
Les erreurs de la "révolution verte"
Demain, suite de ce dossier de Marc Dufumier, paru dans la revue Biocontact N°207.

Aucun commentaire: