mercredi 9 février 2011

Extrait de L'imposture - Bernanos


... "Le néant est accepté le plus souvent comme l’unique hypothèse possible après la ruine de toutes les autres, possible parce que par définition invérifiable, hors de portée de la raison. On l’accepte avec désespoir, avec dégoût. Mais lui, il donnait vraiment au néant sa foi, sa force, sa vie. Il le voulait tel, ne voulait que lui. Dans ce choix extraordinaire, dans cette préférence surhumaine, il ne distinguait point la part d’une rancune accumulée par des années et des années de contrainte. Une telle découverte l’eût profondément humilié. Il se croyait sûr au contraire d’avoir agi sans violence, accepté virilement l’inévitable, et il mettait son honneur à ne se reconnaître aucune dette envers qui que ce fût, soit de haine, soit d’amour.
Néanmoins il se savait coupable d’une faiblesse, la seule, demeurée incompréhensible, l’appel à l’abbé Chevance. Désormais unique possesseur de lui-même, tirant de lui sa peine ou sa joie, dans une parfaite solitude, ce souvenir lui était insupportable. Tel un avare qui ne jouit plus de son trésor parce qu’on lui en a dérobé une parcelle, et dissipe sa rare et précieuse volupté à désirer ce qu’il n’a plus, M. Cénabre ne se consolait pas d’avoir laissé prendre, par mégarde, quelque chose de sa vie. Une brèche restait ouverte. Un certain pressentiment l’agaçait.
A cette inquiétude près, il se sentait sûr de lui, n’ayant jamais rien livré au hasard, ni commis aucune autre imprudence. A son retour d’Allemagne, afin de s’accorder quelques jours de réflexion, il avait consigné sa porte, et fait dire qu’il était malade. Mais alors même les rares intimes qui l’approchèrent n’eurent certainement pas de soupçons. Dès ce moment, d’ailleurs, sa décision était prise : il avait résolu de ne pas changer l’ordonnance extérieure de sa vie, de vivre et de mourir en prêtre." ...
The situation is hopeless where defence is concerned !... mais bon, l'histoire n'est pas finie.

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