mercredi 12 janvier 2011

Colette, une amie Toulousaine


Colette, une amie Toulousaine m'a envoyé un livre qui s’intitule Où es-tu quand j’ai mal ? de Bertrand Lebouché et Anne Lécu.
Je consulte la post-face ce matin après avoir lu quelques passages du livre au hasard, au chapitre 3, je lis quelque chose qui éveille plus particulièrement ma curiosité et je parcours ensuite ces quelques renseignements concernant les auteurs :
Née en 1967, Anne Lécu est dominicaine (Sœurs de Charité, Dominicaines de la Présentation). Elle a été aumônier d’étudiants de 1998 à 2005 à Paris et à Évry. Depuis 1997, elle travaille comme médecin généraliste dans une maison d’arrêt de la région parisienne.
Né en 1971, Bertrand Lebouché est dominicain. Il prépare une thèse de théologie, travaille comme médecin dans l’unité VIH-sida et hépatites à l’Hôtel-Dieu de Lyon et est chargé de cours à la faculté de médecine Laennec (université de Lyon).
L’extrait lu ce matin :
La vérité des larmes.
Pleurer, c’est basculer. Il arrive que l’on soit resté longtemps au bord des larmes. D’autres fois, c’est d’un coup qu’elles jaillissent. Pleurer, c’est abandonner la surface et descendre, malgré nous parfois, au fond de nous-mêmes, là où nous sommes vraiment nous, et exprimer, par cette eau salée comme la mer, que ce corps si déroutant c’est bien nous.
Les larmes tombent. Elles tombent vers la terre et pourtant elles tombent aussi vers le ciel. Qui n’a pas regardé le ciel, un jour en pleurant ? Pleurer nous situe entre terre et ciel, complètement enfoncé dans la terre et complètement tourné vers le ciel.
Pleurer, c’est ouvrir une porte vers ailleurs.
Pleurer, c’est toujours toucher à la vérité.
Les larmes, c’est la trace en nous de ce qui demeure de plus solide que l’étrangeté, c’est la trace en nous de ce que nous avons perdu à cause de la souffrance et de la vie que nous voudrions retenir. C’est ce mouvement d’abandon qui nous fait retrouver le socle dur qui ne s’effondrera pas, sur lequel nous marchons, parce qu’il s’agit de la vérité de nous-même. « Tandis que brusquement quelque chose cédait au fond de lui, les larmes lui vinrent aux yeux et il se mit à sangloter de tout son cœur. Il eût voulu pouvoir se pleurer tout entier pour se fondre dans ces lointains, s'épuiser en larmes et disparaître sans laisser aucune trace de son existence. Mais au plus fort de ses sanglots, par la violence même de ses larmes, il lui semblait qu’il revenait à lui-même. »*
La consolation des larmes
Pleurer, c’est toujours d’une certaine façon pleurer devant quelqu’un, même si l’on ne sait pas qui c'est, même si l'on est seul… C’est espérer une consolation.
Qui n’a pas fait cette expérience : on serre les dents devant la vie et ses douleurs, puis arrive l’ami de confiance et voilà que les larmes jaillissent à flots ? Et déjà, les larmes sont une consolation. Dans ces moments-là, il n’y a pas une si grande différence entre celui qui pleure et celui qui console.
Les larmes peuvent en même temps signifier la peine et la joie. Dans le même moment elles peuvent dire la douleur infinie et le soulagement d’être consolé.
Ce n’est pas pour rien que tous les grands moments de la vie s’accompagnent de larmes : les grandes histoires d’amour, la mort, le retour à Dieu dans la foi qui renaît, la compassion. Pleurer, ce peut être aussi pleurer de joie.
Dans l’évangile selon Jean, Marie de Magdala, rendue dans la nuit au tombeau de Jésus, est effondrée, toute en pleurs. Or voilà que le jardinier, qu’elle ne connaît pas l’appelle par son nom : Marie ! Et, au son de sa voix, elle reconnaît le Maître : Rabbouni ! Elle avait perdu son Seigneur, elle retrouve le Ressuscité et ses larmes témoignent du basculement du pire au meilleur.
Quand Emmanuel Lévinas, un philosophe juif du XXe siècle, note, après Auschwitz : « Aucune larme ne doit se perdre, aucune mort ne doit se passer de résurrection », il annonce l’horizon ouvert par les larmes. Toutes les larmes versées sont en attente de consolation. Et si la consolation se fait attendre, infinie énigme, les larmes sont la trace même de cette espérance.
Bertrand Lebouché et Anne Lécu
LES ÉDITIONS DU CERF http://www.editionsducerf.fr/

* NOVALIS, cité par Jean-Loup CHARVET, L’Éloquence des larmes, Paris, DDB, 2000, p. 59.

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