vendredi 3 octobre 2008

Feuillages


« À la fois tristounette et féerique, la chute des feuilles l'automne recèle encore des mystères que les chercheurs tentent aujourd'hui de percer. On sait depuis longtemps que les effets conjugués du froid et de la diminution de la durée du jour mettent en branle le phénomène. Mais on ne connaissait pas encore les signaux chimiques qui poussent la feuille à se détacher de la tige. L'équipe du professeur de biologie végétale John Walker, de l'Université du Missouri, croit avoir identifié les gènes synthétisant les messages chimiques qui induisent le bris des cellules retenant les feuilles à leur branche.
John Walker et ses collègues ont fait leur découverte sur l'Arabidopsis thaliana, une plante s'apparentant au canola. «Une fois que les fleurs de l'Arabidopsis thaliana se sont autopollinisées, la plante n'en a plus besoin et s'en débarrasse», explique au bout du fil M. Walker, qui a mis au jour la «voie de signalisation» qui contrôle le processus de la chute des fleurs chez cette espèce végétale. «Le processus intervenant dans la chute des fleurs chez Arabidopsis thaliana est probablement très semblable à celui qui survient lorsque les arbres perdent leurs feuilles, car nous avons trouvé les mêmes gènes [composant cette voie de signalisation] dans de nombreuses autres espèces de plantes. Ces gènes sont là depuis très longtemps [présents dans des espèces très anciennes] et n'ont pas beaucoup changé au cours du temps. Le fait qu'ils aient été conservés au cours de l'évolution nous laisse penser qu'ils remplissent ce même rôle universellement», dit-il. Un déclencheur Les chercheurs émettent ainsi l'hypothèse qu'à l'instar de la pollinisation dans la perte des fleurs chez Arabidopsis thaliana, la diminution de la durée du jour et de la température dans la tombée des feuilles ou l'attaque d'un pathogène dans la chute prématurée des fleurs et des fruits induiraient le réveil de cette voie génétique commune à une multitude de plantes. «Il nous reste à prouver cette hypothèse , mais elle nous semble très plausible», précise avec prudence le scientifique. Quand les plantes développent un organe, qu'il s'agisse d'une fleur ou d'une feuille, elles déposent un groupe de cellules spécialisées à l'endroit où cet organe se détachera de la tige, explique-t-il. Selon l'espèce, des facteurs tels que le raccourcissement de la durée du jour, la pollinisation ou une infection mettront en alerte ces cellules qui produisent alors une enzyme, laquelle sépare les cellules les unes des autres et permet du coup à l'organe de se détacher du corps de la plante. «Les gènes que nous avons découverts mettent en branle ce processus», souligne le chercheur, avant de préciser que lorsqu'on induisait des mutations qui compromettent la fonction de ces gènes, les fleurs d'Arabidopsis thaliana ne tombaient plus et demeuraient en place. Une preuve de plus que ces gènes sont impliqués dans le processus de la chute des fleurs. «Lorsqu'un arbre est infecté par un pathogène, il se débarrasse de ses feuilles, fleurs ou fruits afin de conserver son énergie pour combattre l'infection, poursuit le chercheur. Or, en bloquant ces gènes, on préviendrait la synthèse des composés chimiques qui induisent la chute des fleurs et des fruits pendant que l'on traite l'infection dont souffre l'arbre. On pourrait ainsi améliorer les récoltes, qui autrement sont grandement réduites», avance John Walker. «En bloquant les gènes intervenant dans cette voie de signalisation, on pourrait même imaginer produire des sapins de Noël qui ne perdraient pas leurs aiguilles dans le salon de la maison, avec pour résultat que les risques d'incendie seraient ainsi éliminés!», ajoute le chercheur. Par contre, nos automnes ne seraient sûrement pas aussi resplendissants.. »
Pauline Gravel - Revue Le Devoir

1 commentaire:

Patrick Samuel VAST a dit…

Un très bon départ pour ce blog qui, on l'espère, sera très fréquenté car très intéressant.