mercredi 11 février 2009

La Bergakademie

« Hardenberg arrive à Freiberg en décembre 1797, soit trente-deux ans après la fondation de la Bergakademie, alors que celle-ci est déjà connue par tous les géologues européens. Son audience s´étend même en dehors de l´Europe, faisant venir jusqu´à elle des étudiants d´Amérique du sud ou de Russie. D´où vient ce succès, qui fait de la petite ville située au pied des Monts Métallifères (Erzgebirge), à la fin du dix-huitième siècle, un des centres du savoir géologique ?



L´observation de la terre ouvre à une multiplicité infinie de formes, de matières, - comment Dieu a t-il pu concevoir, créer cet univers incroyablement divers ? Telliamed, le personnage de Benoît de Maillet qui, dans son ouvrage posthume paru en 1748, dévoile une chronologie longue de l´histoire terrestre, se questionne sur ce monde singulier dont le créateur semble indécelable :

Le principe d´une si grande variété dans les terrains, jointe aux lits divers en épaisseur et en substance, ainsi qu´en couleur, dont la plûpart de ces carrières étoient composées, embarrassoient étrangement sa raison. D´un côté si ce globe eût été crée en un instant dans l´état où nous le voyons, par la puissance d´une volonté aussi efficace qu´absolue, il lui paroissoit que sa substance solide eût été composée d´une seule matière, surtout qu´elle ne se trouveroit pas arrangée par lits posés les uns sur les autres avec justesse, même dans les inégalités de substance et de couleur ; ce qui dénotoit une composition successive, justifiée d´ailleurs par tant de corps étrangers, même ayant eu vie, insérés dans la profondeur de ces lits. Mais s´il falloit recourir à une autre origine de nos terreins, quoiqu´au dehors et au dedans de ces sortes de pétrifications il remarquât des traces presque infaillibles du travail de la mer, comment comprendre qu´elle eût pû les former, elle qui leur étoit alors si inférieure ? Comment se persuader qu´elle eût tiré de son sein des matériaux si divers, qu´il voyoit employés à leur construction ?

Contre une vision pessimiste, telle celle de Thomas Burnet pour lequel Dieu a provoqué le chaos afin de punir l´homme de ses péchés, le naturaliste des Lumières préfère croire à l´existence d´une évolution formatrice, à un progrès détectable dans tout ce qui l´entoure, hommes, animaux ou choses, et aussi bien dans le devenir de la terre. Or, si à la suite d´enquêtes botaniques, zoologiques ou mêmes anthropologiques, des familles, des espèces, des races ont été distinguées qui forment un ordre, si des classifications ont vu le jour à l´intérieur des domaines les plus divers tout au long de ce que Michel Foucault appelle "l´âge classique", il semble que l´ordre de la terre, lui, ne se laisse pas découvrir, - mais seulement quelques pans d´un monument dont on mesure la complexité. C´est l´âge, en géologie, des "théories de la terre", oeuvres individuelles, et pas encore de la "science de la terre", entreprise collective . »



http://www.larevuedesressources.org:80/spip.php?article1107

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