mardi 7 juillet 2015

Admiration

Hier soir nous avons choisi de regarder le reportage sur Raymond Poulidor. Après la période Anquetil/Raymond Poulidor, je n'ai plus regardé le tour de France qu'à l'occasion d'une visite chez des mordus de la course de vélo, ou par hasard. Il se trouve que ce tour de France-ci, j'ai décidé de le suivre. Le fait sans doute que les coureurs débutent la course par temps de canicule.  À propos de Poulidor le personnage fait ressurgir les échos d'une époque.  Dans mon milieu d'alors il se disait qu'en fait le bonhomme ne voulait pas vraiment gagner, un tel l'avait vu passer dans une course passant par Iseberg,  "frais comme une rose",  n'appuyant selon lui que modérément sur la pédale, presque donnant l'impression de se promener,  conclusion il s'en fichait de gagner et ça, ce n'était pas cool. En résumé il était parfois perçu comme quelqu'un qui ne se donnait pas à fond.

 Le reportage a montré différentes choses des épreuves qu'il a traversées. Sa rivalité avec Anquetil avait mal tourné  et Anquetil, haineux,  jouait le rôle du méchant, "le blouson noir", mauvais genre, organisant des équipes à faire perdre Poulidor qui serait devenue sa bête noire.  Il aurait eu contre lui du coup une sorte de maffia, d'adversité organisée afin qu'il ne gagne jamais un tour de France. Ayant compris cela, grand seigneur, Poulidor, alors qu'il était le plus fort sur un tour de France qu'il aurait dû gagner haut la main, a joué comme il l'a dit lui-même à sa façon le rôle du domestique. Donnant la main à Pingeot pour le faire gagner car dans l'équipe où il se trouvait, le deal était que ce n'était plus lui le chef mais "l'aidant". Celui qui se sacrifie en somme. Et Poulidor de respecter ce contrat. On l'appelait familièrement "Poupou" mais lui transcendait tout cela et en dépit de cette particule "Poupou" (le popu), quelle distinction !

Toujours à propos de Raymond Poulidor, un jour qu'il y avait un salon du livre à Loos-lez-Lille, il y a quatre ou cinq ans,  nous étions arrivés sur les lieux de très bonne heure, mais vous allez voir, à la bonne heure.  Nous étions allés boire un café, et revenions vers le salon  quand une grosse cylindrée ralentit et finit par s'arrêter à notre niveau,  à son bord le conducteur seul qui avait baissé sa vitre et dont je distinguais mal le visage en ce petit matin hivernal. Une voix caractéristique nous interpelle alors de l'intérieur de cette grosse bagnole, en ces quelques mots "Le salon du livre, s'il vous plaît." Émue je réponds derechef "Vous y êtes presque. Vous voyez là-bas, c'est la dernière flèche." "Merci." Avant qu'il ne remonte la vitre je lui dis "Vous êtes Raymond Poulidor." "Oui, c'est moi." dit-il en faisant un petit salut de la main,  bien penchée je vois le visage de Poulidor qui du coup par élégance ne remonte pas sa vitre tout de suite, sous mon nez ; sourire éternellement timide aux lèvres. Je ne savais pas qu'il devait faire une dédicace à ce salon. Le réel d'un coup correspond à l'image : il est vraiment comme ça.

Je l'aime, ce gentil.

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