Enthousiasme des enfants aujourd'hui, ouvrant leurs cadeaux ! C'est d'abord la fête des enfants Noël. Il faut dénicher chacun, où qu'il soit ... dans une tente boueuse de réfugiés, dans un appart pas aux normes, au fin fond d'un handicap. J'ai vu à la télé que ces démarches étaient sinon totalement accomplies, du moins les gens autorisés ont-ils fait le maximum. Car en Europe il vaut mieux avoir l'aval des autorités pour démarcher auprès des enfants... sinon c'est plus que risqué, si sincères soient les intentions.
Et puis Noël, c'est la fête aussi de tous les enfants que nous avons été, avec qui chacun se doit d'être encore en lien, sinon de faire effort pour l'être, question de mémoire et d'humanité.
Mon cadeau de Noël, en plus d'une BD que je partage avec mon compagnon, c'est aussi le roman médiéval Déodat ou la transparence puisque je le découvre en cette période de Noël et qu'il m'enthousiasme. J'avais dit que je ne mettrais que deux extraits mais le livre est riche en informations de toutes sortes sur le Moyen-Age, son concept philosophique concernant la foi l'est aussi, si bien que voici le troisième extrait. Trois extraits, pas plus, sinon il y aurait abus.
Avant la lecture de cet extrait, il faut savoir que Déodat a eu la surprise de rencontrer un vrai lion dans la forêt (de Brocéliande, sûrement), le fauve est le serviteur du chevalier Yvain, fils de Roi. La première confrontation du lion et de Déodat est à lire, mais l'extrait aura trait à la seconde, plus explicite quant à la condition de Déodat, qui est maintenant au service d'Yvain, fils de roi. Troisième et dernier extrait :
"Le sentier se perdait d'abord dans une coupe envahie de hautes ronces et d'alisiers nains, puis il pénétra à nouveau sous le couvert des arbres. C'étaient des sapins touffus. Le sous-bois était mort. Des aiguilles brunes, parfois la tache blanche d'un grand champignon mauvais, suintant son lait amer. Il faisait sombre comme si le jour avait baissé d'un coup. Frôlant silencieusement les troncs rougeâtres qui parfois le cachaient, le lion semblait être redevenu sauvage. Il n'avait plus rien de la bête indifférente et bonasse qui somnolait entre les jambes du cheval. Quand Déodat l'approchait de trop près, il s'arrêtait net et grondait, puis regardait le chevalier, comme s'il quêtait l'autorisation d'attaquer. Sans tourner la tête, d'un geste ou d'un murmure, Yvain l'apaisait. Le sentier s'élargit, le cheval allongea le pas, disparut au tournant. Le lion, qui le précédait l'instant d'avant, surgit soudain devant Déodat, lui barra le passage, les yeux toujours à demi clos, mais à présent attentifs et brillants. Comme lors de leur première rencontre, Déodat se figea, retenant son souffle. Il aurait voulu appeler Yvain, mais il craignait de voir le lion bondir au son de sa voix. Le temps s'était arrêté dans le silence crépusculaire du sous-bois immobile. Une branche craqua et Yvain reparut.
— N'essaie pas de te glisser entre lui et moi. Marche à quelques pas derrière. Ne lui dispute pas sa place à côté de son maître.
Déodat se sentit mortifié, non pas tant d'avoir été surpris une fois de plus terrorisé par le lion que de devoir lui céder le pas et de se voir assigner une place inférieure à celle d'une bête dans le service du chevalier. N'était-ce pas pire encore que d'avoir été, à Camaalot, le serviteur des écuyers ? Il ne lui restait que la satisfaction d'avoir assez d'existence aux yeux du lion pour que celui-ci fût jaloux de lui. Il lui fallait bien se contenter de cette existence, puisque c'était la seule qui lui fût consentie.
Ils descendaient un pendant assez raide. Aux sapins avait succédé une hêtraie où les bruits de la forêt se faisaient à nouveau entendre : le chant d'un oiseau, la cascade d'un ruisseau. Mais il y faisait à peine plus clair, car à présent le soir tombait. Dans une clairière, un minuscule potager, une cabane de branchages, la croix de bois d'un oratoire signalaient un ermitage. Déodat devina qu'ils y passeraient la nuit. Il se demanda si la providence l'avait placé sur leur chemin ou si Yvain avait prévu cette étape et connaissait, pour les avoir déjà parcourues en tous sens, ces forêts où il semblait errer à l'aventure. Faisait-on seulement semblant de se perdre dans ce monde de signes et de reconnaissances ? Si tel était le cas, la règle de ce jeu, qu'il ignorait, l'excluait sans doute pour toujours.
Ce soir-là, dans la cabane, Yvain et l'ermite parlèrent de la quête du Graal. Déodat écoutait dans un coin d'ombre. Il avait pris soin de laisser au lion la meilleure place, aux pieds du maître et au coin du feu."
Michel Zink Déodat ou la transparence
Vient ensuite une analyse de l'auteur, toujours sur le mode du récit, de l'ermite en question qui, comme le moine que Déodat a rencontré à la chapelle de saint Augustin, se montre d'une extrême méchanceté à l'encontre de Déodat, sous couvert de ses principes religieux. Déodat est bâtard, il n'a donc pas le droit d'exister, Dieu l'a maudit. Mais Déodat a une autre conception de Dieu, bien plus belle.
Et je n'oublie pas Jean Paul, le lion généreux qui n'a pas vraiment à voir avec le lion de Déodat. Ce qu'il dit ici est tout à fait justifié : "En ces temps de fêtes, il faut de l'inédit, de l'insolite, du sensationnel.
Alors après votre foie gras issu d'un gavage forcé immonde, vous prendrez bien un steak de crocodile, de kangourou ou de zèbre !"
Merci à toi Jean Paul, bon Noël quand même.
vendredi 25 décembre 2015
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