Yves Berger parlait à propos de La maison de l'aube, "d'âpreté des êtres". Je pense que c'est un euphémisme. Parfois ils se montrent crûment cruels si bien que me vient à l'esprit cette expression que j'ai découverte ou peut-être redécouverte en lisant L'homme qui m'aimait tout bas d'Eric Fottorino : "faillite personnelle" ; cette expression, des journalistes l'avaient utilisée pour qualifier la situation morale d'un homme... cela ressemble à un jugement sans appel, c'est asséné rudement, comme un coup éventuellement mortel pour peu que l'on soit en période de "fragilité personnelle", tandis "qu'âpreté des êtres" dénote une grande délicatesse sans doute née de l'amour porté à ces êtres, et de la compréhension qui en découle. Je parlerai quant à moi, de cruauté des êtres. L'auteur de La maison de l'aube écrit avec une sobriété qui n'a rien du minimalisme, un sens de l'observation qui plonge le lecteur dans l'ici et maintenant : les pieds sur terre, et bien éveillé. Il écrit la vérité des choses et des êtres à un moment donné de leur existence. Très vite l'auteur décrit une scène de course de fond dans un paysage âpre et beau, donne à observer l'esprit de compétition exacerbé des coureurs et dans l'envolée signale que le vainqueur de la course, cette même année, avait tué sept cerfs et sept biches. Point. Nous y voilà. Et là haut volent les aigles. D'une cruauté plus saine peut-on espérer, vu la majesté du vol, ne tuant que par besoin bien naturel de manger de temps à autre. Dans le ciel encore plus haut, ou Nirvana pour les bouddhistes, j'imagine que l'on se nourrit de lumière... le vol des aigles est beau, majestueux, seulement leurs yeux manquent un peu de tendresse.
Le livre est écrit de main de maître, dès le début l'on s'aperçoit qu'il s'agit d'un écrivain propre à éveiller le lecteur en le faisant se frotter une dure réalité d'êtres trahis par l'Histoire, que leurs ennemis ont voulu vouer à la déchéance et qui se battent sur le chemin de leur dignité.
jeudi 17 décembre 2015
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