mercredi 23 décembre 2015

Rectificatif du post précédent

Dans le court résumé du post précédent, il y aurait comme  une erreur. Le roi Arthur  souffrant de quelque chose qui ressemble à de la neurasthénie, — il n'est pas même bipolaire, mais constamment abattu — en tant que roi,  ne cherche pas aventure comme les chevaliers, si sacrées sont-elles censées être. En fait il demande que Cahus le serve durant un court pèlerinage, (pouvant être aussi  une aventure, au sens sacré du terme) à la chapelle de saint Augustin, à une demi-journée de là à cheval, en vue de sa guérison. Le choix de Cahus comme serviteur est étrange, car comme son frère Déodat, Cahus, bien que travaillant  au château du roi Arthur souffrait assez d'être ignoré de tous.

Deuxième et dernier extrait :

"Il [ Déodat ] ne devait plus confronter son rêve à ceux des autres [la quête du Graal], son double à leur passé. Il devait suivre sa propre route, garder les yeux ouverts et mener son enquête.

Jusque-là, elle ne l'avait pas mené bien loin. À peine l'avait-on laissé voir le corps de son frère. Sur le pavement de la grande salle, il avait vu des traces de pas boueux et du sang. C'était le sang de Cahus. Étaient-ce aussi ses traces ? Avait-il marché, sanglant, sur ces dalles ? Était-il sorti du château ? Était-il vraiment allé à la chapelle de saint Augustin ? Avait-il menti, s'était-il trompé en prétendant avoir rêvé ? C'était impossible. Le château était fermé, gardé. Il fallait plusieurs heures de chevauchée pour gagner la chapelle de saint Augustin et pour en revenir. Une journée. Jamais Cahus n'aurait eu le temps de couvrir autrement qu'en rêve sa journée vers la mort. Traces de pas, traces de sang : tous avaient marché dans la salle, tous s'y pressaient, venant de tous les recoins du château et de tous les logis du bourg. Le corps avait été soulevé, retourné, transporté dans la chapelle.

Non, Cahus n'avait pu quitter le château. Quelqu'un  était entré dans la salle, s'était approché de lui pendant son sommeil, avait glissé le chandelier dans sa botte, lui avait porté le coup mortel. Personne ne prenait garde à Cahus vivant, personne ne le regardait vivre, mais il s'était trouvé quelqu'un pour juger qu'il devait mourir.

Mais le rêve ? Comment expliquer le rêve ? Tous avaient entendu le récit de Cahus. Tous le lui avaient rapporté dans les mêmes termes. Tous lui auraient-ils menti ? Il se savait trop insignifiant pour qu'on  prît la peine d'élaborer à son intention un tel mensonge.

Des chevaux au grand trot sur le chemin, de l'autre côté du mur. Cinq, six chevaliers revêtus de toutes leurs armes, la lance droite dont le long gonfalon flotte légèrement. Le roi Arthur se rend à la chapelle de saint Augustin. Non pas seul, suivi d'un seul écuyer. La mort de Cahus fait planer sur lui un danger, une menace. On lui a imposé une escorte.

Déodat escalada le mur du cimetière et sauta sur le chemin. Une fois de plus il suivait en cachette et à pied des chevaliers en route vers l'aventure. Il y parvint sans difficulté. À peine atteint le couvert des arbres [...] Un peu avant le jour ils atteignirent la chapelle.

Sur le seuil, trois moines blancs attendaient le roi. Arthur se tourna vers l'un de ses chevaliers et lui prit des mains le chandelier que Cahus avait tiré de sa botte. Il le remit aux moines avant même de mettre pied à terre.

À présent, sur l'autel, les deux chandeliers d'argent étaient garnis de cierges allumés. L'un disait la messe que les deux autres servaient. [...] Quand il [Déodat] était entré, son épaule avait heurté le chapiteau d'une colonne engagée et la courbure de la voûte ne lui aurait pas permis de se tenir debout contre le mur.  En franchissant le porche, il avait d'instinct baissé la tête.

[...] La messe s'achevait. Il sortit pendant que le célébrant expédiait la lecture du dernier Évangile et se mêla dehors au petit groupe des écuyers. Certains le connaissaient un peu. Aucun ne parut surpris de le voir. Aucun ne prit la peine de lui adresser la parole. Il crut devoir prendre les devants, répondre aux questions qu'on ne lui posait pas : il était venu là à cause de ce que son frère avait dit avant de mourir."

Michel Zink,  Déodat ou la transparence  Un roman du Graal, paru aux Éditions du Seuil

Aucun commentaire: