jeudi 1 octobre 2015

Sur le chemin de l'impartialité

 
 
La chaîne d'amour non imaginaire qui reliait Zébra à son lion, imaginaire quant à lui, s'était brisée tout net. À la place, un chagrin fait de défiance. Quant à Lulu, l'attaque de l'aigle l'avait bouleversé, lui faisant ressentir dans sa chair la douleur du prédaté, (il était en effet perclus de cicatrices profondes.) Le ruisseau Bleu s'était fermé à la pêche auparavant en guise de présage lui sembla-t-il. Un message clair comme une eau de roche, dont l'émissaire était ce poisson spécial qui n'était autre, il en était persuadé, que l'esprit de ce dernier, ainsi incarné le temps d'envoyer se signal explicite.
Le ruisseau qu'il avait fait sien refusait désormais de le nourrir, l'aigle avait confirmé par son attaque. Quelle perte ! Il la ressentit si douloureusement que le rejet de sa personne de la part de ce grand cabotin de Phil qui se disait "nouvellement philosophe" ne l'avait pas affecté autant qu'il aurait cru, en tout cas pas autant que Zébra semblait l'avoir été lorsqu'elle avait compris sa méprise à son sujet. Au final se dit-il, c'est moi qui des deux ai le plus perdu. En cet instant il regrettait n'avoir plus la  considération de Zébra, cet amour qu'il ignorait et qui s'était révélé à lui par ce concours de circonstances malheureuses. Il lorgna vers elle, assise à califourchon sur le dos de son protecteur tandis que lui trottinait à l'arrière, dandinant son gros derrière à l'ombre de la grande carcasse de son ancien béguin. Pour se ragaillardir il leur lança :
 
— Je n'aurais jamais pensé trouver un... comment dire ? ... "protecteur" en ce corbeau.
 
— Tu parles en souris, nota Phil. 
 
— J'ai des chances que tu me prennes en considération, alors.... vu ton faible pour les souris. En tout bien tout honneur, bien sûr, s'empressa-t-il d'ajouter.
 
— Ce corbeau est l'envoyé de Dieu, affirma Zébra du haut de son cheval. Il pourrait bien  te transformer en souris  pour de vrai et faire de moi une amazone de la juste cause.
 
— Oh, là-haut! on se calme, hein ?  ricana faussement Lulu. Pas ma faute si vous avez la berlue tous les deux.
 
— pas que nous, observa Phil. La dessinatrice t'a dessiné en beau chat svelte... Pfff
 
— Sans doute est-elle l'alliée de ce corbeau, murmura Lulu sur le ton du recueillement. Pourvu qu'elle ne se prenne pas pour Dieu, tout va bien. Et il reprit tout haut : "Mais au fait, qui est-elle ? comment l'avez-vous rencontrée ? Elle vous a pris en photo ?
 
— Non, dit Phil et d'une voix sentencieuse il ajouta : "Un esprit de l'ombre, comme toi... mais elle, garde ses distance avec nous.
 
— De nombreux esprits entourent ce ruisseau.
 
D'un coup Lulu s'avisa que cette dessinatrice était peut-être sa maîtresse, partie à sa recherche, qui venait se balader de temps à autre dans le coin. Tandis que Lulu tournait la tête en tous sens pour tenter de l'apercevoir, Phil se demandait ce que sa compagne aurait pensé de l'intervention du corbeau et de son injonction à ce qu'il veille sur un chat, ennemi héréditaire de leur bien aimée souris, charmante en diable jeune retraitée. Phil s'attendrit sur ses petites patounes en train de lui tirer les oreilles et d'une voix solennelle déclara :
 
— Zébra et Lulu, je vous prends sous mon aile, sans vouloir porter ombrage, ni non plus rivaliser avec Pégase mon aïeul. Que ce corbeau singulièrement nommé Crasscoa soit ou non un imposteur m'importe peu car je me pique de ce défi. Ma compagne, qui ne peut nous suivre, en raison de l'âge qui la  fait malencontreusement boiter m'inspire, par l'amour qu'elle me porte, cette générosité à votre égard. Je veillerai donc sur vous avec impartialité comme elle m'en prie. Et que ce ruisseau Bleu vous apporte à tous deux, dans votre éprouvante condition, la consolation que l'un comme l'autre méritez de recevoir.        
 
 

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