Ce n'est pas une farce, j'ai réellement lu ce matin la préface de Maurice de Gandillac d'un essai de Walter Benjamin qui commente une œuvre de Goethe, de Proust, de Valéry et de Kafka. Et ensuite quelques pages de l'essai lui-même. Où j'ai pris conscience de mes limites s'il en était encore besoin, cependant, bien que m'échappèrent évidemment beaucoup de choses en raison notamment de la doxa, d'allusions à des auteurs que je connais au mieux de nom seulement, certains propos trouvèrent écho en moi. Si bien que, outillée d'un dictionnaire un peu spécialisé (non encore choisi sur la toile) et d' encyclopédies diverses et variées que je compte aussi trouver sur le web, l'hermétisme de nombreux passages me paraîtra sans doute moins insurmontable. Maurice de Gandillac pointe du doigt l'hermétisme de Walter Benjamin, mais en fait tout autant preuve.
À propos de Goethe, un extrait du commentaire de Walter Benjamin, que j'ai trouvé abordable :
"Dès le début les personnages sont sous le charme des affinités électives. Or leur action magique — Goethe l'a compris de façon profonde et riche en pressentiments — ne fonde pas un accord spirituel intérieur entre les êtres, mais seulement l'harmonie naturelle des couches naturelles plus profondes. Lesquelles sont entendues avec le léger ratage qui affecte sans exception de tels assemblages. Certes Ottilie s'adapte au jeu d'Eluard jouant de la flûte, mais ce jeu est faux. Certes, lorsque Eduard lit, il souffre d'Ottilie ce qu'il interdisait à Charlotte, mais c'est une mauvaise habitude. Certes il trouve merveilleuse sa conversation, mais elle ne dit rien. Certes ils souffrent ensemble du même mal, mais ce n'est qu'une migraine. Ces personnages ne sont pas naturels, car des humains sont — dans un état de nature fabuleux ou effectif — enfants de la nature. Cependant, au niveau de la culture, ils sont soumis aux forces qu'elle met en circulation, comme dominées, pour impuissante qu'elle soit toujours, on le voit bien, à les retenir sous sa coupe. Elles leur ont laissé le sens de ce qui est convenable, ils ont perdu le sens de ce qui est moral. On ne juge pas ici leur conduite, mais leur langage. Car, doués de sentiment, ils vont leur chemin comme des sourds ; doués de vision, ils vont leur chemin comme des muets. Sourds devant Dieu, et muets devant le monde. Ce qui fait échouer leur compte rendu, ce n'est point leur conduite, c'est leur être. Ils sont frappés de mutité."
Aucun mot difficile ici tiré d'une doxa ardue mais le propos reste énigmatique pour qui comme moi n'a pas lu le livre de Goethe sur les affinités électives. Peut-être qu'après avoir lu ce qu'en dit Walter Benjamin, certains lecteurs perspicaces connaîtront ce livre mieux que son auteur lui-même. Walter Benjamin est de culture juive, une culture que je sens quand il parle notamment des noms de famille, et de la nature aussi. Walter se défiant énormément de l'eau morte (lui non plus n'aimerait pas le canal d'Aire du coup). Dans l'eau résident selon lui des forces démoniques qui ne demandent qu'à engloutir les êtres. Je peux le concevoir d'une façon assez proche concernant une eau qui donnerait envie qu'on y plonge pour éventuellement réserver un tour pendable au nageur (comme l'eau d'une piscine profonde sur certains mauvais nageurs), mais le canal d'Aire n'exerce pas d'attractivité sur moi, tant mieux car je nage très mal, pour moi au contraire ce canal est porteur. Il porte les péniches. Il nourrit la terre qui chemine à ses côtés. L'eau comme un autre élément, le feu, contrôlés, sont extrêmement bénéfiques mais évidemment la nature peut se réveiller de différentes façons : au printemps, de la manière la plus agréable qui soit, mais aussi, beaucoup plus rarement fort heureusement, sous forme d'ouragan, ou de pluies diluviennes et "engloutissantes" comme le seraient une mère ou même un père possessifs et/ou abusifs. Toujours est-il que je suis punk vis-à-vis de penseurs de ce gabarit, un peu comme vis-à-vis de grands matheux... attention donc, le punk doit redoubler de prudence face aux mastodontes !
Je vais entreprendre malgré tout une tentative de lecture, ne serait-ce que du fait de ces choses, comme je le disais plus haut, qui ont fait écho en moi.
mercredi 1 avril 2015
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