lundi 30 novembre 2015

dimanche 29 novembre 2015

.... et avant l'action, l'imagination travaille


Bachelard avait lu Thoreau et bien d'autres, c'était un grand lecteur, de poésie notamment. Dans La poétique de l'espace  il s'agit pour Bachelard de faire une "étude phénoménologique des valeurs d'intimité de l'espace intérieur" mais dans cette parenthèse tout à fait intéressante du livre, il parle du dehors. Voici la suite de l'extrait précédemment mis en ligne :

"Dès lors, à la base même de la topo-analyse, nous avons à introduire une nuance. Nous faisions remarquer que l'inconscient est logé. Il faut ajouter que l'inconscient est bien logé, heureusement logé. Il est logé dans l'espace de son bonheur. L'inconscient normal sait partout se mettre à l'aise. La psychanalyse vient en aide à des inconscients délogés, à des inconscients brutalement ou insidieusement délogés. Mais la psychanalyse met plutôt l'être en mouvement qu'au repos. Elle appelle l'être à vivre à l'extérieur des gîtes de l'inconscient, à entrer dans les aventures de la vie, à sortir de soi. Et naturellement, son action est salutaire.  (NP salutaire, à condition que l'analyse soit juste.)  Car il faut donner un destin de dehors à l'être du dedans. Pour accompagner la psychanalyse dans cette action salutaire, il faudrait entreprendre une topo-analyse de tous les espaces qui nous appellent hors de nous-mêmes. Quoique nous centrions nos recherches sur les rêveries du repos (NP : ici le "nous" signifie '"je" : c'est Bachelard qui centre ses recherches dans ce livre sur les rêveries du repos), nous ne devons pas oublier qu'il y a une rêverie de l'homme qui marche, une rêverie du chemin.

Emmenez-moi, chemins !...  

dit Marceline  Desbordes-Valmore, en pensant à la Flandre natale (Un ruisseau de la Scarpe). 

Et quel  objet dynamique qu'un sentier ! Comme ils restent précis pour la conscience musculaire les sentiers familiers de la colline ! Un poète évoque tout ce dynamisme en un seul vers :

O mes chemins et leur cadence

(Jean Gaubère, Déserts, éd. Debresse, p.38)

Quand je revis dynamiquement le chemin qui "gravissait" la colline, je suis bien sûr que le chemin lui-même  avait des muscles, des contre-muscles. Dans ma chambre parisienne, cela m'est un bon exercice de me souvenir ainsi du chemin. En écrivant cette page, je me sens libéré de mon devoir de promenade : je suis sûr d'être sorti de chez moi.

Et l'on trouverait mille intermédiaires entre la réalité et les symboles si l'on donnait aux choses tous les mouvements qu'elles suggèrent. George Sand rêvant au bord d'un sentier au sable jaune voit couler la vie. Elle écrit :  "Qu'y a-t-il de plus beau qu'un chemin ? C'est le symbole et l'image de la vie active et variée." (Consuelo, II, p. 116.)

Chacun devrait alors dire ses routes, ses carrefours, ses bancs. Chacun devrait dresser le cadastre de ses campagnes perdues. Thoreau a, dit-il, le plan des champs inscrits dans son âme. Et Jean Wahl peut écrire :

Le moutonnement des haies
C'est en moi que je l'ai.

(Poèmes, p. 46.)

Nous couvrons ainsi l'univers de nos dessins vécus. Ces dessins n'ont pas à être exacts. Il faut seulement  qu'ils soient tonalisés sur le mode de notre espace intérieur. Mais quel livre il faudrait pour déterminer tous ces problèmes ! L'espace appelle l'action, et avant l'action l'imagination travaille."

Gaston Bachelard  La poétique de l'espace,  éd. Presse universitaires de France, p.29,30.


vendredi 27 novembre 2015

L'espace réconfortant selon Bachelard

Bachelard voit les choses sous un angle positif, c'était un homme heureux. Sa vision de la rêverie évoque selon moi les méditations  prônées par les bouddhistes, ayant vertu d'éveiller et aérer l'esprit. Un extrait de la Poétique de l'espace :

"Alors, face à ces solitudes, le topo-analyste interroge : La chambre était-elle grande ? Le grenier était-il encombré ? Le coin était-il chaud ? Et d'où venait la lumière ? Comment aussi, dans ces espaces, l'être connaissait-il le silence ? Comment savourait-il les silences si spéciaux des gîtes divers de la rêverie solitaire ?

Ici l'espace est tout, car le temps n'anime plus la mémoire. La mémoire — chose étrange ! — n'enregistre pas la durée concrète, la durée au sens bergsonien. On ne peut revivre les durées abolies. On ne peut que les penser, que les penser sur la ligne d'un temps abstrait privé de toute épaisseur. C'est par l'espace, c'est dans l'espace que nous trouvons les beaux fossiles de durée concrétisés par de longs séjours. L'inconscient séjourne. Les souvenirs sont immobiles, d'autant plus solides qu'ils sont mieux spatialisés. Localiser un souvenir dans le temps, n'est qu'un souci de biographe et ne correspond guère qu'à une sorte d'histoire externe, une histoire pour l'usage externe, à communiquer aux autres. Plus profonde que la biographie, l'herméneutique doit déterminer les centres de destin, en débarrassant l'histoire de son tissu temporel conjonctif sans action sur notre destin. Plus urgente que la détermination des dates est, pour la connaissance de l'intimité, la localisation dans les espaces de notre intimité.

La psychanalyse met trop souvent les passions "dans le siècle". En fait, les passions cuisent et recuisent dans la solitude. (NP : je pense qu'ici Bachelard parle de passions constructives) C'est enfermé dans sa solitude que l'être de passion prépare ses explosions (NP : je pense qu'il s'agit, connaissant un peu mieux Bachelard, d'explosions de génie, constructives)  ou ses exploits.

Et tous les espaces de nos solitudes passées, les espaces où nous avons souffert de la solitude, joui de la solitude, désiré la solitude, compromis la solitude sont en nous ineffaçables. Et très précisément, l'être ne veut pas les effacer. Il sait d'instinct que ces espaces de sa solitude sont constitutifs. Même lorsque ces espaces sont à jamais rayés du présent, étrangers désormais à toutes les promesses d'avenir, même lorsqu'on n'a plus de grenier, même lorsqu'on a perdu la mansarde, il restera toujours qu'on a aimé un grenier, qu'on a vécu dans une mansarde.  On y retourne dans les songes de la nuit. Ces réduits ont  valeur de coquille. Et quand on va au bout des labyrinthes du sommeil, quand on touche aux régions du sommeil profond, on connaît peut-être des repos anté-humains. L'anté-humain touche ici à l'immémorial. Mais, dans la rêverie du jour elle-même, le souvenir  des solitudes étroites, simples, resserrées nous sont des expériences de l'espace réconfortant, d'un espace qui ne désire pas s'étendre, mais qui voudrait surtout être encore possédé. On pouvait bien jadis trouver la mansarde trop étroite, la trouver froide l'hiver,  chaude l'été.  Mais maintenant, dans le souvenir retrouvé par la rêverie, on ne sait par quel syncrétisme, la mansarde est petite et grande, chaude et fraîche, toujours réconfortante."

Gaston Bachelard  

jeudi 26 novembre 2015

le conte d'Ésope

Ce conte n'est pas raciste. Il dit simplement "aimez ce que vous êtes." En l'occurrence, dans ce conte,  si le corbeau avait aimé sa couleur, les choses auraient bien mieux tourné pour lui.  Le conte :

Un corbeau, qui comme vous le savez est noir comme le charbon,  enviait le cygne, car ses plumes étaient aussi blanches que la neige la plus pure. Il vint à l'idée de l'oiseau fou que s'il vivait comme le cygne, nageant et plongeant toute la journée,  en se nourrissant d'herbes et de plantes qui poussent dans l'eau, ses plumes vireraient  au blanc, comme celles du cygne.
Ainsi, il quitta son domicile dans les bois et les champs pour s'en aller vivre sur les lacs et dans les marais. Mais bien qu'il se lavât et lavât tout au long de la journée, à presque s'en noyer, ses plumes restèrent plus noires que jamais. Et comme les herbes aquatiques qu'il mangeait ne convenaient pas, il devint de plus en plus mince, et à la fin, il mourut.
Changer nos habitudes ne modifie pas notre nature.


A Raven, which you know is black as coal, was envious of the Swan, because her feathers were as white as the purest snow. The foolish bird got the idea that if he lived like the Swan, swimming and diving all day long and eating the weeds and plants that grow in the water, his feathers would turn white like the Swan's.
So he left his home in the woods and fields and flew down to live on the lakes and in the marshes. But though he washed and washed all day long, almost drowning himself at it, his feathers remained as black as ever. And as the water weeds he ate did not agree with him, he got thinner and thinner, and at last he died.
A change of habits will not alter nature.







Les origamis

Faire des origamis, c'est quand même un peu mon truc... du fait que "ça marche",  mes doigts se dégourdissent et d'une feuille de papier sort quelque chose en trois dimensions. Émerveillement d'enfant à l'occasion. Se mettre en état "d'émerveillement" tout le temps, ce n'est guère convenable ici-bas, à moins de ne pas craindre de se faire prendre pour un "idiot de village".  Sans que le "qu'en dira-t-on"  m'obsède je sens qu'il y a des limites voyez-vous. Il y a des temps pour les origamis, où je côtoie avec ravissement les génies qui  ont inventé les différents pliages. Cette année, par mégarde, j'en ai  moi-même inventé un ! Eh oui, en me trompant. Il est relativement difficile d'expliquer comment le refaire... il s'agit d'une boîte triangulaire qui, grâce à mon "erreur géniale" a pris de la profondeur et donc il est possible d'y loger beaucoup plus de choses. Mes premiers origamis de la période de Noël :

Ici, au premier plan, un "vase" de papier renversé, afin de vous faire admirer sa face postérieure, verrouillée grâce à cette figure géométrique, qui ne laissera filer aucun des petits objets qui y seront déposés


Le voilà couché :


Les boites triangulaires, certaines sont réalisées sans l'erreur, jolies mais ne pouvant pas contenir autant que celles, au premier plan que j'ai "inventées"  par mégarde :





mercredi 25 novembre 2015

Lu ce jour

Si ce n’est pas la volonté qui te fait défaut, mais seulement le pouvoir d’exécution, tu as tout fait aux yeux de Dieu, et personne ne peut t’enlever ton mérite ni t’imputer aucune responsabilité. 
Maître Eckhart, Traités et sermons - Entretiens spirituels (Coll. GF/Flammarion, 1993)


Trouvé chez Jubilate Deo




mardi 24 novembre 2015

La sympathie des cœurs

 Il y a les espoirs, la fleur dont la beauté ne saurait être décrite sans la gâter ; trop belle, trop délicate, trop sacrée pour les mots, ils ne devraient être connus que par la sympathie des cœurs.
Charles Dickens
There are hopes, the bloom of whose beauty would be spoiled by the trammels of description; too lovely, too delicate, too sacred for words, they should only be known through the sympathy of hearts.

Comme promis, le premier extrait de Poétique de l'espace de Gaston Bachelard :

"Notre but est maintenant clair : il nous faut montrer que la maison est une des plus grandes puissances d'intégration pour les pensées, les souvenirs et les rêves de l'homme. Dans cette intégration, le principe liant, c'est la rêverie. Le passé, le présent et l'avenir donnent à la maison des dynamismes différents, des dynamismes qui souvent interfèrent, parfois s'opposant, parfois s'excitant l'un l'autre. La maison, dans la vie de l'homme, évince les contingences, elle multiplie ses conseils de continuité. Sans elle, l'homme serait un être dispersé. Elle maintient l'homme à travers les orages du ciel et les orages de la vie. Elle est corps et âme. Elle est le premier monde de l'être humain. Avant d'être "jeté au monde" comme le professent les métaphysiques rapides, l'homme est déposé dans le berceau de la maison. Et toujours, en nos rêveries, la maison est un grand berceau. Une métaphysique concrète ne peut laisser de côté ce fait, ce simple fait, d'autant que ce fait est une valeur, une grande valeur à laquelle nous revenons en nos rêveries. L'être est tout de suite une valeur. La vie commence bien, elle commence enfermée, protégée, toute tiède dans le giron de la maison.

De notre point de vue, du point de vue du phénoménologue qui vit des origines, la métaphysique consciente qui se place à l'instant où l'être est "jeté dans le monde" est une métaphysique de deuxième position. Elle passe par-dessus les préliminaires où l'être est l'être-bien, où l'être humain est déposé dans  un être-bien, dans le bien-être associé primitivement à l'être. Pour illustrer la métaphysique de la conscience, il faudra attendre les expériences où l'être est jeté dehors, c'est-à-dire dans le style d'images que nous étudions : mis à la porte, hors de l'être de la maison, circonstance où s'accumulent l'hostilité des hommes et l'hostilité de l'univers. Mais une métaphysique complète, englobant la conscience et l'inconscient  doit laisser au dedans le privilège de ses valeurs. Au-dedans de l'être, dans l'être du dedans, une chaleur accueille l'être, enveloppe l'être.  L'être règne dans une sorte de paradis terrestre de la matière, fondu dans la douceur d'une matière adéquate. Il semble que dans ce paradis matériel, l'être baigne dans la nourriture, qu'il soit comblé de tous les biens essentiels.

Quand on rêve à la maison  natale, dans l'extrême profondeur de la rêverie, on participe à cette chaleur première, à cette matière bien tempérée du paradis matériel. C'est dans cette ambiance que vivent les êtres protecteurs.  Nous aurons à revenir sur la maternité de la maison. Pour l'instant, nous voulions indiquer la plénitude première de l'être de la maison. Nos rêveries nous y ramènent. Et le poète sait bien que la maison tient l'enfance immobile "dans ses bras" *

Gaston Bachelard

Maison, pan de prairie, ô lumière du soir
Soudain vous acquérez presque une face humaine
Vous êtes près de nous, embrassants, embrassés."

* Rilke, trad. Claude Vigée, apud Les Lettres

Métaphysique définition du dictionnaire de la Connaissance : Philos. Science des vérités premières, de la connaissance de l'être et des causes essentielles.
latin scolastique  métaphysica,  du grec  meta phusika , "après les choses de la nature"

scolastique, du grec skholastikos "propre à l'école"


Mon commentaire : dans les Évangiles nous est raconté que Jésus est né dans la précarité, sur le plan matériel il n'y avait en effet pas grand chose. La présence de deux êtres  comme Joseph et Marie, sans compter celle d'un bovin et d'un âne et aussi d'un mouton, plus les esprits bienveillants tout autour et les visiteurs ensuite,  compensait le reste. Au-dessus le ciel faisait presque office de toit, tant il était étoilé, de bon augure. Néanmoins l'étable était précieuse comme une maison pour la protection d'un nouveau-né,  que les animaux réchauffaient aussi matériellement.  Je vais continuer la lecture de la Poétique de l'espace.  

lundi 23 novembre 2015

De la torture exercée sur les animaux, ici, les chevaux

Cliquez sur ce lien : http://sans-voixinfos.hautetfort.com/archive/2015/11/23/du-foetus-de-poulain-dans-nos-barquettes-de-viande-et-de-jam-5720640.html

Gaston Bachelard

Je sais qu'il est impossible de le reconnaître sur le dessin, mais en bas à droite, j'ai dessiné John Lennon et son fils cadet, à partir d'une photo trouvée sur le Web.

Et maintenant, en ce petit matin frisquet, je me plonge dans l'étude que Gaston Bachelard a faite dans son livre intitulé La poétique de l'espace. Un mot qui revient souvent car Bachelard est obligé de l'utiliser pour cette étude : phénoménologie. En effet il s'agit dans ce livre d'étudier les "départs d'images" qui ont lieu intra-muros, plus exactement dans une maison chérie et  dans les différentes maisons qu'un être humain est amené à habiter. Plus loin, dans des chapitres que je n'ai pas encore abordés, Gaston Bachelard parlera de ceux  habitant en appartement, mais pas des sans-abris du fait qu'à son époque cette situation n'existait pratiquement pas, ou alors on était quasiment clochard presque par choix ou plutôt par abandon de quelque chose qui n'était plus supporté.  Je suppose que ceux dont le mode de vie était le nomadisme à l'époque de Bachelard,  les gitans par exemple, leur coin du monde à eux, leur maison, était tout simplement la roulotte. Pour Bachelard, la maison est un rempart, une protection, une sécurité qui permet aux rêves de naître, à l'imaginaire de se développer.

 Je rappelle le sens de Phénoménologie, du dictionnaire de la Connaissance :

Phénoménologie :   Philos. Science des essences ou science eidétique telle qu'elle est, pour Husserl, une description purement psychologique de l'acte de pensée par lequel nous saisissons les objets en eux-mêmes.

Phénoménologie de l'Esprit : l'histoire, selon Hegel, des étapes de l'esprit s'élevant de la sensation individuelle à la Raison universelle.

Description des phénomènes.  Phénomène + logie.

Étymologie de ce mot : Phénomène,  avec le Larousse :

  1554 Ronsard astronomie ; grec Phainomena, pluriel neutre de Phainomenon  participe passé signif.  "ce qui apparaît" ; 1737,  Brunot, sens actuel, en raison de l'empl. du mot pour les manifestations extraordinaires de l'atmosphère.

Phénoménal 1803, Boiste, didact.  ;

1827, Acad., "se dit de l'effet d'une chose merveilleuse ".

Phénoménalisme  1823  dictionnaire médical. 

Phénoménisme  1844, Dictionnaire sciences, philo.

Phénoménalité  1865, Proudhon.

Phénoménologie  1823, Dictionnaire médical, traité des sens ; 1840, revue des Deux Mondes, philo.

Phénoménologique 1835, Raymond.

 Phénoménologue 1855, Mozin.

Épiphénomène 1755, Encycl. ;

fin XIXè s., philos.

Demain, je mettrai sur ce blog un extrait de La poétique de l'espace.



dimanche 22 novembre 2015

Premières lectures ce matin :



"Après les attentats de Paris, sont annulés la plupart des manifestations publiques (événements culturels, sportifs, gastronomiques) pour des raisons de sécurité mais également pour des considérations d’ordre éthique et morale en hommage aux victimes et à leurs familles. De plus les forces de l’ordre sont extrêmement sollicitées, sur l’ensemble du territoire national. Dans un tel contexte, organiser une immense corrida comme celle de Rion des Landes ce week-end nous semble parfaitement déplacé. Les autorités locales, le Maire monsieur Laurent Civiel,  la Préfète des Landes, madame Nathalie Marthien, s’entêtent à privilégier une minorité d’aficionados au détriment de la sécurité de l’ensemble de nos concitoyens. Cela nous apparaît comme particulièrement irresponsable. Il nous est impossible de ne pas faire un parallèle entre la mise à mort dans l’arène du Bataclan, et le spectacle morbide et largement subventionné de Rion des Landes. Il est temps que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités.  Il est vrai que le bain de sang organisé ce week-end, n’est pas ce que l’on attendrait de la part d’élus locaux responsables, et encore moins de représentants de l’Etat. Dans un contexte de carnage, de mise à mort de masse et de deuil national, l’attitude de Rion Les Landes est obscène et égoïste. Une prise de conscience rapide est nécessaire, et cette manifestation doit-être définitivement supprimée."

Lu sur le blog de Jean Paul, qui a mis le lien de la source : https://magaettori.wordpress.com/2015/11/18/terrorisme-a-rion-des-landes/

Et la lettre En Vert et contre tout de GreenPeace :

"Continuer à parler du climat coûte que coûte. Ne céder en rien sur nos demandes pour la justice climatique. Ne pas abdiquer la construction d’un grand mouvement mondial pour la planète et continuer à agir, avec vous. Tel est notre credo, aux lendemains des attentats tragiques qui ont frappé Paris et Beyrouth, après d’autres villes, le 13 novembre 2015."

Intégral :  http://energie-climat.greenpeace.fr/en-vert-et-contre-tout?utm_source=email&utm_medium=newsletter&utm_term=20%20novembre%202015,cop,attentats,newsletter&utm_campaign=greenpeace&__surl__=IgSNL&__ots__=1448175175132&__step__=1

vendredi 20 novembre 2015

Les chiens secouristes

Des chiens qui ont de la compassion envers les hommes, il y en a beaucoup. Jean Paul nous le rappelle. Le lien se trouve sous la citation de Walt Whitman.



 Laisse ton âme se tenir détachée et sereine face à un million d'univers.

Let your soul stand cool and composed before a million universes.

http://sans-voixinfos.hautetfort.com/archive/2015/11/19/une-pensee-a-ces-loulous-5718591.html

mercredi 18 novembre 2015

Après le thème de la possession, avec Stephen King, celui du satanisme avec Solko

"A une théologie du Mal absolu comme celle de l’Islamisme radical, on ne peut pourtant répliquer que par une théologie du Bien véritable. Il ne s’agit pas d’opposer un dieu à un autre, mais de rappeler souverainement qu’après le sacrifice du Fils de Dieu en rémission du péché de tous les hommes, tout sacrifice sanglant de fils et de filles des hommes au nom de Dieu est d’inspiration purement et uniquement satanique, quelque slogan spectaculaire qu’on brandisse stupidement en l’accomplissant. Satanique, et rien d'autre."

Le Blog de Solko


Avec le poème qui suit,  se pose la question de la violence. Bertolt  Brecht, auteur du poème ne parle pas de tuer, il parle de lutte, mais celle-ci ne se fait pas sans violence bien souvent car ceux qui revendiquent sont dans l'impasse, et les mettre dans cette impasse est en soi une grande violence. Où il nous faut faire preuve de compréhension comme de compassion. Ce poème de Bertolt Brecht, je l'ai trouvé chez Jubilate Deo :
 
Quand ceux qui luttent contre l’injustice
Montrent leurs visages meurtris
Grande est l’impatience de ceux
Qui vivent en sécurité.

De quoi vous plaignez-vous? demandent-ils
Vous avez lutté contre l’injustice!
C’est elle qui a eu le dessus,
Alors taisez-vous.
Qui lutte doit savoir perdre!
Qui cherche querelle s’expose au danger!
Qui professe la violence
N’a pas le droit d’accuser la violence!

Ah! Mes amis
Vous qui êtes à l’abri
Pourquoi cette hostilité? Sommes-nous
Vos ennemis, nous qui sommes les ennemis de l’injustice?
Quand ceux qui luttent contre l’injustice sont vaincus
L’injustice passera-t-elle pour justice?
Nos défaites, voyez-vous,
Ne prouvent rien, sinon
Que nous sommes trop peu nombreux
A lutter contre l’infamie,
Et nous attendons de ceux qui regardent
Qu’ils éprouvent au moins quelque honte.
Bertolt Brecht, Nos défaites ne prouvent rien (poesiemuziketc.wordpress.com)




Le thème de la possession, traité dans le roman intitulé Christine, de Stephen King

Arnie, le bel ado boutonneux, à la personnalité si attachante et à l'humour irrésistible du point de vue de son ami Dennis, présentait une faille en raison du harcèlement qu'il eut à supporter de la part de nombreux autres adolescents, faille par laquelle une entité monstrueuse s'empare peu à peu de lui, par le biais d'abord d'un étrange appât puisqu'il s'agit d'une voiture déglinguée et rouillée des années cinquante, Christine, que son propriétaire LeBay a nommée ainsi et à laquelle Arnie s'est identifié. LeBay : devenu entité monstrueuse, en raison, encore!, d'un harcèlement non digéré alors qu'il était adolescent. Stephen King traite donc franchement d'un cas de possession. Dans cet extrait on voit d'abord Arnie tenter de se débarrasser du monstre qui le parasite de plus en plus, pour communiquer avec Dennis et échouer, laissant la place à LeBay :

"Plus rien pendant quelques secondes, rien à part son corps qui se trémoussait comme si un panier de serpents avait été vidé à l'intérieur de ses vêtements, et ce lent et atroce roulement de son menton contre sa poitrine. Je crus un instant qu'il allait l'emporter sur l'autre vieux salaud, mais quand il releva la tête ce n'était plus Arnie. LeBay était devant moi.

"Ça va se passer comme il a dit. Laisse tomber, petit gars. Il se peut que je ne te passe pas dessus.

— Viens ce soir chez Darnell. Nous jouerons. J'amène Leigh ; amène Christine.

— C'est moi qui choisis le moment et le lieu, répondit LeBay avec la bouche d'Arnie, avec ses dents jeunes et encore bonnes. Tu ne sauras pas quand ça se passera et où. Mais tu sauras quand le moment viendra.

— Réfléchis-y, répliquai-je sur le ton de la conversation. Viens chez Darnell ce soir ; sinon, Leigh ou moi raconterons tout demain."

Il éclata d'un rire hideux et méprisant. "Et où cela vous amènera-t-il ?  À L'asile !

— Certes, au début, on ne nous prendra pas au sérieux. Je te l'accorde.  Mais croire qu'on flanque les gens dans un asile dès qu'ils parlent de fantômes ou de démons, c'était bon de ton temps, LeBay. Aujourd'hui on a L'Exorciste, Amityville et tout ça. Beaucoup de gens croient à cela."

Il ricanait toujours, mais ses yeux trahirent quelque chose, peut-être la première trace de peur. J'ajoutai : "Et ce dont tu ne sembles pas te rendre compte, c'est du nombre de gens qui savent qu'il y a quelque chose de bizarre dans cette histoire."

Son rictus disparut enfin. Il devait certainement avoir pensé à ce que je venais de lui dire. Mais peut-être que tuer finit par devenir une habitude, et qu'au bout d'un moment, on n'est plus capable de s'arrêter et de faire le bilan.

Il poussa une sorte de grognement et se détourna pour s'éloigner.

[...]

"Oui les gens nous riront au nez continuai-je ; je n'en doute pas. Mais j'ai en ma possession deux morceaux de plâtre portant chacun une signature d'Arnie. Sauf que l'une des deux n'est pas la sienne. C'est la tienne, LeBay. Je les montrerai aux flics et je les ferai chier jusqu'à ce qu'ils les fassent examiner par un graphologue spécialisé qui ne manquera pas de confirmer. Alors, les gens se mettront à surveiller Arnie. Et à surveiller Christine aussi. Tu me suis ?

— Petit gars, tu me fais aussi peur qu'une mouche."

Mais ses yeux disaient autre chose. J'avais réussi à l'atteindre."

 Christine, page 368 369 de Stephen King Le Livre de Poche

Je viens de lire une analyse de l'aimable bouddhiste qui m'honore en me comptant parmi ses lectrices  puisqu'elle m'envoie fidèlement ses méditations, ici au sujet de ces événements terrifiants survenus à Paris : http://lejourou130113.hautetfort.com/archive/2015/11/17/j-ai-baisse-les-armes-5717882.html

lundi 16 novembre 2015

Musique médiévale

Je viens d'écouter l'interview d'un musulman qui faisait part de son regret que les "jeunes issus de l'immigration, comme on dit" ne se sentent pas bien en phase pour certains  d'entre eux avec l'occident du fait de se croire exclus de l'histoire de l'occident qui n'est pas, précisa-t-il, que judéo chrétien et grec, les Arabes dans la scolastique notamment ont aussi apporté des choses constructives et il faudrait le  dire à ces jeunes, continua-t-il, afin également de les reconnecter avec l'actualité des religions, qui à mon sens ne devraient être que des véhicules de la paix.

Ma goutte d'eau : certes je trouve belle la musique médiévale, mais si des lecteurs et lectrices du blog la perçoivent comme ramenant trop à un passé d'où ils se sentent exclus, eh bien, en cette période troublée je préfère supprimer la vidéo de musique médiévale qui se trouvait en en-tête de mon blog.  Nous ne sommes plus à l'âge des croisades,  pour ceux à qui cette réalité ne serait pas encore claire.

Par ailleurs, les bouddhistes qui eux n'ont pas vraiment participé à l'histoire de l'occident par le passé, apportent néanmoins leur participation au cheminement spirituel, sans se soucier d'occident ou d'orient et ils ont bien raison.

Vente d'armes en question

La vente d'armes devrait être interdite. Le B, A  BA.

Imaginer ce que doivent ressentir les proches des victimes tuées lors des arrosages à la kalachnikov  m'est assez facile. Une perte si cruelle qu'elle peut rendre momentanément fou de douleur.

Nous avons aussi le droit de nous poser des questions cruciales relatives à ces assassinats.

La première est liée au fait que l'on puisse si facilement se procurer des armes aussi fatales que les kalachnikov. Qui ce livre à ce commerce illicite ? Car je suppose qu'il l'est, c'est aux États-Unis qu'il reste licite ou légal.

Ensuite une fois qu'ils les ont, ces affreux "joujoux" démangent ceux qui les détiennent, perturbés comme ils le  sont, ils ont envie de s'en servir, oubliant qu'eux-mêmes sont de la chair à canon comme le disait si justement la Lensoise qui réchappa des fusillades du Bataclan, lors de l'interview du journaliste black français de la Une.

La colère de ces victimes de manipulations les transforme soudain en bourreaux. En entités qui ne réfléchissent plus, la colère ayant cet effet pervers d'empêcher la réflexion.

Cette colère trouve sans doute son origine dans cette impression d'insouciance et d'indifférence que leur donnent ces autres français qui font la fête le vendredi soir pendant que des populations se font massacrer en Syrie ou en Irak et ailleurs encore. Ils oublient que les double jeux des politiciens de ces pays rendent la situation inanalysable pour ces autres français. Faire la fête permet juste de décompresser après tout, on ne la fait pas pour narguer les autres. De plus,  lorsqu'on ne peut pas appréhender une situation  tragique, on ne peut pas s'engager sans risquer de se faire affreusement  manipuler.

Sur la chaîne LCP un homme a témoigné qu'une moine bouddhiste avait déclaré à propos des guerres de religion : "Quand la foi devient folle, la raison doit l'interpeler."

Parole qui a un fort retentissement  en moi.

Par ailleurs, les manipulateurs des nouveaux adeptes, qui allument leur colère,  sont-ils seulement croyants ?

La colère aveugle et fait tuer éventuellement. Il faut donc absolument prendre de la distance avec elle et ne rien faire quand on se sent sous son emprise.


samedi 14 novembre 2015

L'homme se mettant au centre

L'homme égocentré croit peut-être que le singe s'amuse, très honoré qui plus est de cette faveur qui lui est faite de s'adonner au cyclisme... en fait, non, il voudrait juste vivre sa vie,  pas la peine d'être visionnaire pour s'en rendre compte :
 
 
Trouvé chez Jean Paul :
 
 
 
 
 
 
 
 

Le point sur Christine, de Stephen King


J'en suis à la page 220 de Christine de Stephen King. Je compte sur l'intelligence des éventuelles Christine qui liront cette note pour ne pas s'identifier à.... cette voiture se prénommant ainsi, ce serait un comble ! Pourtant c'est ce que fit Arnie, personnage adorable du roman, et ce, malgré son intelligence. Sa figure criblée de boutons, raison pour laquelle les imbéciles de sa classe l'appelaient Face de pizza, l'ayant rendu plus vulnérable qu'il n'y paraissait. La violence verbale qu'il eut à endurer quotidiennement créa une faille dans le cœur d'Arnie par laquelle se faufila l'entité monstrueuse qui prit possession de lui.  Dennis, disait d'Arnie, que de l'avoir pour ami, était comme  de posséder un Rembrandt caché dans sa cave, que l'on était le seul à pouvoir apprécier dans toute sa splendeur,  Arnie étant son trésor caché puisque nul ne le voyait avec ses yeux qui transcendaient les boutons. La plus belle déclaration d'amitié que j'aie jamais entendue.

N'y a-t-il pas dans ce roman également une critique du matérialisme forcené des jeunes américains à partir des années rock'n roll ? En effet Stephen King au début de chaque chapitre met quelques paroles de chansons rock où transparaît l'obsession des jeunes pour les voitures, terriblement fétichisées.

Stephen King n'a pas attendu l'invention des robots pour mettre en garde contre le surinvestissement des objets, surinvestissement laissant supputer que les machines toutes simples, comme les voitures des années 50, peuvent se retourner contre les hommes, surinvesties qu'elles sont de tant d'affects humains, l'auteur les imagine possédées par des esprits malades, qu'elles finissent par incarner. Elles se meuvent alors, guidées par ces fantômes, puant la mort et la semant.

Je tire un grand coup de chapeau à cet auteur.

jeudi 12 novembre 2015

L'identification

J'en suis à la page quarante du roman intitulé Christine, de Stephen King. Le sujet du livre rejoint l'une des grandes préoccupations actuelles : le harcèlement à l'école. Le livre a été écrit depuis quelques bonnes années déjà, est-ce à dire  que le mode de vie Américain aurait à voir avec ce problème car pour ma part je n'ai pas connu ce problème grave  et n'en ai pas été témoin dans mes années de lycée "soixante-dizardes". Bien sûr il arrivait qu'à l'occasion un élève se fasse un peu brocarder, surtout par les profs d'ailleurs, mais je n'ai jamais vu.... ah mais si, cela me revient.

Il s'agissait d'un élève dont je vais changer le nom pour témoigner du fait, je le nommerai Cadran. L'institutrice lui témoignait souvent son hostilité, Cadran n'étant pas spécialement bon élève, mais surtout étant le fils d'une maman obèse appartenant à la classe ouvrière ( petits, dans ce village, nous allions presque tous à l'école non laïque). L'obésité  était très rare à l'époque. Mademoiselle Truc, l'instit, une des rares à ne pas porter le voile, n'étant pas religieuse, l'asticotait souvent et persifflait à son sujet. Si bien que les autres élèves, lorsqu'elle écrivait au tableau, leur tournant le dos, et qu'elle se retournait soudain pour réprimer un timide chahut (nous étions très "sages" point de vue chahut), désignaient Cadran comme l'initiateur de  celui-ci. Il devait alors aller au bureau de la dite mademoiselle Truc,  situé sur l'estrade, et avait droit à quelques coups de règle sur les doigts.
Mœurs d'un autre temps. Je ne me rappelle plus si je faisais partie ou non des imbéciles qui désignaient ainsi leur bouc émissaire. J'espère que non et même je crois fort que non,  mais franchement je ne l'affirmerais pas à cent pour cent. Nous avions alors environ six ans.

Donc ces choses-là ont toujours existé, mais à l'époque c'était bien moins courant. Au lycée, je n'ai été témoin de rien de ce genre quoique qu'il arrivasse (chouette le subjonctif qui nous tombe comme ça du ciel)  ... qu'il arrivasse disais-je,  bien entendu,  que d'aucuns brocardassent un copain de temps à autre mais cela ne tournait pas à la méchanceté, c'était même amical. Nous étions de vrais gentils dans ces années-là, en général. Si bien que ma question se pose à nouveau... le mode de vie ou plutôt les conditions de vie calquées sur le modèle américain ont-ils à voir avec ce durcissement des cœurs chez les lycéens ?

Doit-on imputer cela au consumérisme, lié à la publicité  envoyant ses modèles tels des diktats, modèles auxquels les jeunes veulent absolument ressembler au point que s'insinue chez eux une angoisse existentielle qu'ils évacuent sur une proie toute désignée, individu ne correspondant pas du tout avec le dit modèle-diktat ?

 Ou encore, les adultes toujours en compétition forcenée de nos jours offrent-ils à leurs ados un modèle de cruauté qu'ils appliquent à l'école sur des personnes qui présentent par exemple trop de gentillesse, cette qualité étant très mal perçue aujourd'hui ?

Dans le roman intitulé Christine, Stephen King montre un adolescent à la laideur passagère, Arnie, le personnage, ayant de l'acné à travers tout le visage. Arnie morfle. Il a l'air doux mais au fond ne digère pas du tout le sort qui lui est fait.  Mais un jour Arnie trouve,  dit-il,  "plus laid que lui", non pas en la personne de quelqu'un, mais en regardant un objet, une voiture,  réduite à l'état de débris, mais qu'il devine belle sous la rouille. Stephen King nous montre un processus d'identification d'un adolescent à une voiture. D'un coup l'ado fait de l'objet quelqu'un. La démarche inverse de la chosification. Et il tient des propos crève-cœur sur le problème de la laideur lorsqu'il discute avec le seul ami qu'il ait, Dennis, tandis qu'ils se rendent  chez  LeBay, le vendeur de la voiture en question  :

"Pendant que nous nous dirigions vers chez LeBay, Arnie commença à se montrer très nerveux. Il avait mis la radio trop fort, et il tapait les rythmes à contretemps. On aurait dit un jeune papa qui attend pendant que sa femme accouche. Je compris qu'il redoutait que LeBay ait vendu la voiture par derrière.

"Arnie, reste calme. Tu vas bientôt la retrouver !

— Je suis calme, je suis calme", me répondit-il en m'offrant un grand sourire forcé. Sa peau, ce jour-là, était pire que jamais, et je me demandai (ni pour la première ni pour la dernière fois) ce que cela pouvait représenter d'être Arnie Cunningham, coincé jour après jour, minute après minute, avec ce visage pustulent.  
"Si t'es calme, arrête de suer partout, alors ! On dirait que tu vas faire dans ta culotte !
— Je suis très calme." Et il retapa à contretemps sur le tableau de bord, rien que pour me montrer combien il était calme...
"Mais qu'est-ce qu'elle a, cette voiture ? Qu'est-ce que tu lui trouves ?"

Il resta un long moment sans rien dire, observant le paysage, puis il éteignit la radio d'un coup sec.

"Je ne sais pas, au juste. C'est peut-être parce que, pour la première fois depuis mes onze ans et l'époque où j'ai commencé à avoir des boutons, j'ai vu quelque chose de plus laid que moi ! C'est ce que tu voulais m'entendre dire, non ? Est-ce que cela te permet de ranger le phénomène dans une petite catégorie bien définie ?

— Ho, Arnie ! Où vas-tu, dis ? C'est Dennis, ici, tu te rappelles ?

— Oui, oui. Et on est encore amis, non ?

— En tout cas, la dernière fois où j'ai vérifié, on l'était encore. Mais qu'est-ce que cela a à voir avec...

— Et donc, si on est amis, cela signifie que nous ne devons pas nous mentir l'un à l'autre, pas vrai ? Eh bien dans ce cas, je te dis que je sais que je suis laid, que je n'ai guère d'amis, et que... je rebute les gens, en quelque sorte. Je ne le fais pas exprès, mais c'est comme ça ! Tu me suis ?"

J'opinai sans grand enthousiasme. Comme Arnie disait, nous étions amis, ce qui pour moi signifiait limiter la dose de connerie à un minimum.

"Les gens, toi par exemple, ne comprennent pas toujours ce que cela représente. Ça change toute la vision du monde d'être moche et la risée de tous. On a du mal à garder son sens de l'humour. Ce n'est pas bon pour les nerfs. Et même, des fois, on a du mal à garder toute sa tête.

— Oui, je comprends bien, mais...

— Non, tu ne peux pas comprendre. Tu crois peut-être que tu comprends, mais ce n'est pas possible. Pas vraiment. Mais comme tu m'aimes bien, Dennis...

— Je t'adore, mon vieux ; tu le sais bien.

— C'est bien possible. Et cela me fait plaisir. Mais si c'est vrai, tu dois comprendre qu'il y a autre chose derrière tout ça ; quelque chose derrière les apparences et mon visage ridicule...

— Ton visage n'est pas ridicule, Arnie. Un peu bizarre peut-être, mais pas ridicule.

—  Va te faire foutre... ! Quoi qu'il en soit, cette voiture, c'est ça : quelque chose derrière, quelque chose d'autre. De mieux. Je le vois ; un point, c'est tout.

— Vraiment ?

— Oui, je t'assure, Dennis."

Nous allions bientôt arriver chez LeBay. Soudain, une idée vraiment méchante me vint. Et si le père d'Arnie avait soudoyé un ami ou un de ses étudiants pour qu'il aille acheter en vitesse la bagnole et la rafle à son fils ? Un rien machiavélique, certes, mais Michael Cunningham pouvait avoir l'esprit tordu. Après tout, sa spécialité était l'histoire militaire...

"Quand j'ai vu cette voiture, j'ai ressenti une incroyable attirance vers elle... Je ne me l'explique même pas bien moi-même. Mais... (ses yeux gris se perdirent au loin pendant quelques instants)... mais j'ai compris que je pouvais l'améliorer.

— La retaper, veux-tu dire ?

— Ouais... enfin, non ; c'est trop impersonnel. On retape les voitures ordinaires ; on répare une table, une chaise ou la tondeuse à gazon ; des trucs comme ça."

Sans doute vit-il mes sourcils se lever d'étonnement. Il poussa un rire, un petit rire défensif."

Stephen King


Crève-cœur, non ?  Ajoutons qu'Arnie a des parents intellectuels de sensibilité de gauche mais, exceptionnellement,  à comportement très répressif  concernant leur fils,  à qui ils ne laissent prendre aucune initiative, si bien qu'Arnie confie à Dennis, quand ses parents refusent qu'il achète la vieille voiture : " je vais te dire le fond de ma pensée [...] Je crois qu'une part de la fonction de parent consiste à tenter de tuer les gosses."







   


 

mercredi 11 novembre 2015

Extrait des Temps difficiles de Charles Dickens


"Condamnation sans appel de l’exploitation, de la rapacité et de la démagogie, cette œuvre moins connue du grand romancier britannique, écrite en 1854, n’en résonne pas moins étrangement à nos oreilles modernes…"
Ces quelques lignes ci-dessus sont extraites du synopsis du site Livre Audio mis en ligne le post précédent, qui a donné à écouter les deux  premières pages  du roman. Un virtuose de l'écriture, notamment pour brocarder l'adversaire, et quel adversaire ! Deuxième extrait :



"L'enfant fit la révérence et s'assit. Elle était très jeune, et l'aspect positif sous lequel le monde venait de se présenter à elle parut l'effrayer.
"maintenant, si M. Mac Choakumchild, dit le monsieur, veut bien donner sa première leçon, je serais heureux, monsieur Gradgrind, d'accéder à votre désir et d'étudier sa méthode."

M. Gradgrind remercia. "Monsieur Mac Choakumchild, quand vous voudrez."

Sur ce, M. Mac Choakumchild commença dans son meilleur style. Lui et quelque cent quarante autres maîtres d'école avaient été récemment façonnés au même tour, dans le même atelier, d'après le même procédé, comme s'il se fût agi d'autant de pieds tournés de pianos-forte. On lui avait fait développer toutes ses allures, et il avait répondu à des volumes de questions dont chacune était un vrai casse-tête. L'orthographe, l'étymologie, la syntaxe et la prosodie, la biographie, l'astronomie, la géographie et la cosmographie générale, la science des proportions composites, l'algèbre, l'arpentage et le nivellement, la musique vocale et le dessin linéaire, il savait tout cela sur le bout de ses dix doigts glacés. Il était arrivé par une route rocailleuse jusqu'au très honorable conseil privé de Sa Majesté (section B), et avait effleuré les diverses branches des mathématiques supérieures et de la physique, ainsi que le français, l'allemand, le latin et le grec. Il savait tout ce qui a trait à toutes les forces hydrauliques du monde entier (pour ma part, je ne sais pas trop ce que c'est), et toutes les histoires de tous les peuples et les noms de toutes les rivières et de toutes les montagnes, et tous les produits, mœurs et coutumes de tous les pays avec toutes leurs frontières et leur position par rapport aux trente-deux points de la boussole. Ah! vraiment il en savait un peu trop, M. Mac Choakumchild. S'il en eût appris un peu moins, comme il en aurait infiniment mieux enseigné beaucoup plus !

Il se mit à l'œuvre, dans cette leçon préparative à la façon des Morgiana dans les Quarante voleurs, regardant dans chacun des récipients rangés devant lui, et les examinant l'un après l'autre, afin de voir le contenu. Dis-moi donc, bon Mac Chaoakumchild, lorsque tout à l'heure l'huile bouillante de ta science aura rempli jusqu'aux bords chacune de ces jarres, seras-tu bien sûr, chaque fois, d'avoir complètement tué le voleur Imagination ? Seras-tu bien sûr de ne l'avoir pas simplement mutilé et défiguré ?"

Charles Dickens      

Les temps difficiles de Charles Dickens


 
Analogie entre les peintures rupestres et les écrits de blogueurs " What it shows is that telling stories is as natural to us as breathing oxygen " :
 

Extrait d'un roman intitulé La Queue, paru aux éditions du BUG

 
 
"Louis s'était enfui, sans autre explication. Debout sur le porche du presbytère, Guillaume Foing contemplait cet enfant en pleurs qu'on venait de jeter dans son existence ce drôle de matin-ci, tandis que les pas du fils Mauguit s'évanouissaient par les rues basses de Decize jusque vers la départementale, jusqu'à se fondre au lointain dans la rumeur aussi tragique qu'ininterrompue du cheminement de l'exode.

Du bout d'un pied, il entrebâilla tout doucettement sa porte. Comme d'habitude, les gonds grincèrent un chouïa. Et lorsqu'il se trouva dans le vestibule, il fit de même du bout de l'autre, pour éviter qu'elle ne claquât trop violemment.


Dans cet enfant abandonné d'aucuns n'auraient vu qu'une victime de circonstances malheureuses. D'emblée, il y déchiffra, lui, le fruit d'une intervention plus concertée, celle de la Providence. Il poussa de son coude la porte vitrée de la cuisine, déposa le sac sur la toile cirée de la table afin d'extirper le nouveau-né, avec la même diligence et la même précaution qu'il eut mises à tirer Moïse hors de sa corbeille. Puis il l'enroba dans le tricot de laine bleue de Julienne, qu'elle laissait chaque soir accroché sur le porte-manteau du vestibule. Rasséréné  par le contact de la maille et cette senteur humaine inconnue qui en émanait, le bébé, à bout de voix, se calma.

De sa main miniature, il s'empara de l'un des doigts du prêtre. Silencieux, il en scruta attentivement l'ongle, la peau, les lignes. De ce regard bleu foncé, interrogateur et perçant, émergeait une volonté sauvage et impérative, singulière, l'âpre désir de survivre envers et contre tout. Guillaume demeura immobile et coi, saisi par la violence du sentiment à l'œuvre dans ce corps démuni qui venait de s'amarrer à lui, tandis que de son clocher commençait à pleuvoir sur le bourg le premier coup des six qui annonçaient une heure nouvelle.

Un tel regard donnait sens et incarnation à cette phrase de L'Épitre aux Hébreux, apprise et maintes fois récitée depuis, toujours plus bredouillée que comprise : "Tu m'as donné un corps." La pression insistante de ce doigt issu de nulle part sur le sien tenait bien de l'instinct le plus souverain, celui de la Vie au seuil duquel convergeaient depuis toujours ses prières.

L'ensevelissement dans la fosse des états les plus totalitaires avait beau menacer le monde, l'effroi y régner en maître, dans le geste de cet innocent, le prêtre recevait le signe par lequel, selon la Genèse, la glaise inanimée devient chair à chaque incarnation.  Formavit igitur Dominus Deus hominem de limo terrae, et inspira vit in, et inspiravit in faciem ejus spiraculum vitae, et factus est homo in animam viventem, murmura-t-il dans le silence.

Des larmes lui montèrent aux yeux, s'il est vrai, comme le prétendit un jour Saint Augustin, qu'il faille être jeté dans le plus total abandon pour se rendre à nouveau capable de la plus vive espérance." 

Roland Thevenet  

mardi 10 novembre 2015

Aurore

Voilà quelques lignes de bon matin  trouvées sur  Jubilate Deo :

"Nous pouvons, en vérité, devenir parfaitement semblables à des dieux en recevant librement de Dieu Sa Lumière, Son Amour, Sa Liberté dans le Christ, le Logos Incarné. Mais dans la mesure où nous sommes implicitement convaincus que nous devrions être tout-puissants par nous-mêmes, nous usurpons une ressemblance avec Dieu que nous n'avons pas.

Dans notre désir d'être comme des dieux, nous cherchons ce que nous pourrions appeler une toute-puissance relative: la faculté d'avoir tout ce que nous voulons, de jouir de tout ce que nous désirons, d'exiger la satisfaction de nos moindres souhaits et que personne ne s'oppose à notre volonté. C'est le besoin de voir tous les autres s'incliner devant notre jugement et de faire triompher nos opinions. C'est la soif insatiable de faire reconnaître l'excellence que nous avons tant besoin de trouver en nous pour éviter le désespoir. Cette prétention à la toute-puissance, notre secret le plus profond et notre honte la plus secrète, est en fait la source de tous nos chagrins, de nos malheurs, de nos mécontentements, de nos erreurs et de nos mensonges. C'est une fausseté essentielle, qui corrompt notre vie morale dans ses racines mêmes, en transformant plus ou moins en mensonge tout ce que nous faisons.

Seules, les pensées et les actions libres de la contamination de cette prétention secrète ont un peu de vérité, de noblesse ou de valeur." 

 

lundi 9 novembre 2015

champ de mire dans l'obscurité par Régine Vast

À bicyclette dans la pénombre tiède de l'aube en ce mois de novembre, je ne sentis pas le courant d'air qui souleva du bitume  les quelques feuilles d'érable étalées au milieu de la route. Elles frôlèrent la roue avant  du vélo, leur halètement de chien fou me fit raidir les mollets.  Aucun chien je le savais n'avait ébouriffé ces feuilles qui avaient fait corps un instant  mais je vérifiai pourtant,  fouillant  l'obscurité un peu plus loin sur la droite,  à faire dresser l'oreille. Les lieux pour l'aveugle sont  habités de reniflements étranges. Choses que le vent balade, vie désincarnée ou pas ... à voir, car à l'écoute tout ressort du vivant.


Tout autre chose avec la lecture de cet article :

vendredi 6 novembre 2015

Caractères de chat OU Si imparfait soit-il

Les cafés à chats dont j'ai entendu parler ont du succès. Les clients y vont pour une séance de relaxation qu'ils se procurent en caressant le chat venu se frotter à leurs mollets, ou en  regardant l'animal, aussi gracieux dans l'immobilité que dans le mouvement. La grâce du chat aurait des effets thérapeutiques. Je veux bien le croire. Hélas,  sur les quatre chats de la maison, je ne pourrais en  embaucher qu'un pour un éventuel travail thérapeutique dans un café à chats : Tigret, à qui tous les vétérinaires du cabinet que nous fréquentons s'accordent à donner le prix de beauté (alors que les voisins, moins attentifs à la race pure et dure des chats, l'accordent plus souvent à Yoko, ce dernier étant le plus mal coté côté vétos si j'interprète bien le peu de regard qu'ils lui accordent.) Amusante divergence d'appréciation de l'esthétique des chats selon la classe sociale si j'ose employer encore ces gros mots.

Revenons à nos moutons. Quand Orev de Provence arriva chez nous, seul Tigret fit preuve d'une certaine classe (expression vulgaire mais amusante), il s'installa sur le canapé miniature à dimension féline, face à celui, le maxi, où nous nous trouvions et nous montra ainsi son  profil aux lignes sublimes, la plastique de Tigret étant  parfaite il n'a pas de profil moins édifiant qu'un autre. Nous pouvions voir, dans son immobilité presque totale, n'étaient les oreilles qui frétillaient de temps à autre en signe d'assentiment,  son sourire de bonze se dessiner avec la grâce d'une madone de la miséricorde, sans jamais se figer. Alors que chez les humains, un sourire qui s'éternise vire au rictus la plupart du temps.


Quant au trois autres, le récapitulatif sera vite fait pour deux d'entre eux.

Nono alla se cacher,  manque de cachet ; Lulu, circonspect,  sortit puis rentra un peu plus tard, avant d'aller s'enfouir à son tour quelque part dans la maison.

Yoko, le cas du siècle, se fit bruyamment remarquer, inélégant au possible : pressé de sortir, il se tenait à la porte donnant sur le patio et son gosier  laissa  échapper des trémolos de panique ainsi que diverses intonations modulées sur la mélopée de la supplique tandis que sa queue doublait de volume.

Trois cas qui s'expliquent par le fait que nous recevons peu de visites et que les chats aiment leurs habitudes de tranquillité, raison pour laquelle je crois que beaucoup de chats sont gérontophiles. Ils détestent l'exubérance de la jeunesse s'ils ne s'y sont pas frottés tout jeunes, et encore ! ... De ce point de vue, "le cas" était plus Tigret que Yoko.

Voyant la panique démonstrative de Yoko, nous ne l'avons pas laissé sortir de peur que son émotivité excessive ne le fasse se jeter dans la Lawe, la rivière derrière le patio,  et oublier les bases de survie  élémentaires, comme de nager lorsqu'on se trouve en un élément liquide,  et froid comme la Lawe. Yoko finit par aller se cacher à son tour. Mais au petit matin, il se pointa à la porte, alors que notre invitée dormait encore et s'en alla tout courant à peine fut-elle entrouverte.  

Il s'absenta toute la  journée. Il pleuvait dans la soirée et il ne revenait toujours pas, si bien que nous avions du mal à nous concentrer sur le film que nous voulions absolument voir la veille, tiré d'un roman de Stephen King, sur la voiture diabolique qui s'empare de son passager (allégorie de la femme fatale et/ou passage raté  à l'âge adulte, celui où l'on prend pleinement possession de ses moyens, où on a le choix ce faisant, d'écraser, ou pas, son adversaire. Sentiment de puissance qui écrase aussi d'une certaine façon celui qui l'éprouve, en le dénaturant totalement)... Yoko allait nous faire louper de moitié le film, quand il se pointa enfin, à dix heures du soir. L'asocial mangea comme quatre et reprit  place dans la maison que notre invitée, étant appelée ailleurs, avait quittée.
 
À noter pour le cas Yoko : il perçoit l'ordinateur comme un adversaire, pour lui il fait office de voiture diabolique pour adolescente pouvant éventuellement se sentir investie d'un sentiment de toute puissance. Quand je m'installe à l'ordi le pantouflard Yoko s'amène immanquablement, me tapote le bras, la cuisse à petits coups de griffes bien sentis, tout miaulant sur le ton de l'outragé, enfin il vient sur mes genoux, se met en rond et veille sur sa protégée en ange gardien. Il manque de confiance aux autres ce faisant mais est très sûr de lui. Soupçonnant un éventuel snobisme chez lui, en tant que chat rejeté des vétos, je pense qu'il n'aimerait pas que je dise de lui qu'il est un "sacré chat", mais apprécierait "chat sacré".  Compte tenu qu'il veille sur moi tant qu'il ne se sent pas lui-même en danger  je relativise... en ce moment je le considère tout ronronnant sur mes genoux, sourire satisfait. Je dirais plutôt qu'il a beaucoup de présence ce chat, si imparfait soit-il.