vendredi 17 juin 2016

Féminisme

J'ai pris le gros livre des mythes grecs, l'ai ouvert plusieurs fois, jusqu'à tomber sur quelque chose de pas trop long et  vite accessible car souvent on se trouve  dans ce livre face  à des généalogies qui n'en finissent plus. Le chapitre 55, sur les empuses, a le mérite d'être court et significatif. Voici ce qu'il dit :

Les empuses

Les démons immondes appelés Empuses, enfants d'Hécate, ont un arrière-train d'âne et portent des sandales de bronze — à moins, comme le prétendent certains — qu'ils n'aient une jambe d'âne et une jambe de bronze. Ils ont l'habitude de terrifier les voyageurs mais on peut les chasser en proférant des insultes ; dès qu'ils les entendent, ils prennent la fuite en poussant des cris. Les Empuses prennent la forme de chiennes, de vaches ou de belles jeunes femmes et, sous ce dernier aspect, s'unissent aux hommes, la nuit ou pendant la sieste, et sucent leurs forces vitales jusqu'à ce qu'ils meurent**. 

** Les Empuses ("celles qui violent") sont des démons femelles insatiables, concept probablement introduit en Grèce par la Palestine, où elles existaient sous le nom de Lilim ("enfants de Lilith") et on croyait qu'elles avaient des derrières d'âne — l'âne symbolisant la sensualité et la cruauté. Lilith "la chouette ululante" était une Hécate canaanite et les Juifs fabriquaient des amulettes pour se protéger de ses maléfices jusqu'au Moyen Age. Hécate régnait réellement au Tartare et portait une sandale de bronze — c'est Aphrodite qui portait une sandale d'or — et ses filles les Empuses, suivirent son exemple. Elles pouvaient se transformer en belles jeunes filles ou en vaches aussi bien qu'en chiennes, parce que la chienne Hécate qui faisait partie de la Triade-Lune était la même déesse qu'Aphrodite ou Héra-aux-Yeux-de-Vache.

Les Mythes Grecs, de Robert Graves, traduit de l'anglais par Mounir Hafez, page 157, chapitre 55.


Mon commentaire : Ce mythe est appelé  à un moment donné de ce court chapitre "un concept". Concept visant à quoi ? À créer de l'épouvante sur telle ou telle dont on avait une idée très négative. Soit en raison d'une attitude adoptée par la belle jeune femme, à qui on faisait porter un tel fardeau de "mauvaise opinion", soit en raison de fantasmes qui étaient projetés sur elle.

Encore une fois les animaux sont mis à rude contribution dans cette histoire de relations humaines des plus malsaines. 

Et l'on voit ici que les belles jeunes femmes ne sont pas dans une position confortable, à l'instar des animaux auxquels elles sont comparées. Elles devaient constituer un danger. S'il y a des "dévergondés" ("hors de leurs gonds" ? ou les "gonds ayant sauté" )  dans les deux sexes, les femmes en payaient plus cher le prix, parfois il devait s'agir d'une simple rivale qu'on voulait transformer en épouvantail. D'où ma conclusion que, si l'on voulait vivre tranquille, l'a-sexualité avait plutôt du bon, même si cet état, comme tout état, sans être subi forcément n'est pas choisi. À lire à quoi étaient exposées les belles, je pense que c'était juste un état peinard en certaines circonstances périlleuses, une vraie bénédiction !
Il y a en effet dans ce mythe de quoi dégoûter une femme du sexe... et son initial courtisan aussi... le mythe étant créé à mon humble avis pour le détourner de la femme incriminée, seulement, tel l'arroseur arrosé le dégoût risquait d'aller au-delà de la femme ou des femmes visées et de se retourner contre l'éventuelle aspirante qui l'avait utilisé contre ses rivales, ou encore de se retourner contre la mère par exemple, ayant utilisé ce mythe pour éloigner un fils d'une jeune femme qu'elle ne voulait pas comme belle-fille,   se retrouvant avec un fils moralement castré. Pas simple !

Je constate que dans les exemples que j'ai pris pour "démonter le mythe" sexiste, il s'agit de femmes contre d'autres femmes. En effet, je pense que des femmes, même celles qui se disent féministes,  peuvent hélas utiliser le sexisme machiste quand leurs intérêts sont en cause,  contre d'autres femmes. Même si cela reste  humain parfois, car avec ce mythe,  on peut aussi imaginer une femme vraiment très désagréable terrifiant une mère qui ne voit pas d'autre recours que ce pauvre subterfuge, à bout d'argument, pour sauver un fils "des griffes du démon" ....  

 

   

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