samedi 3 janvier 2015

Élyse et Margot

J'avais mis la télé au rancart un certain temps, puis l'ai remise dans la salle durant la période où le feuilleton Plus belle la vie en était à un ou deux épisodes après que le personnage d' Élyse a été assassinée. Ensuite je n'ai loupé qu'un feuilleton : celui du jour où nous sommes allés à Lillers pour la conférence  sur la Maffia à Marseille. Je suivais de cette série, principalement le duo Élyse/Margot : des ados parfois au cœur d'or et parfois odieuses, notamment avec l'ado en surpoids qui a été obligée de quitter la classe en raison de leurs sarcasmes. C'était intéressant de les voir évoluer. Élyse aimait sans retour un garçon de sa classe de terminale. D'un amour qui, s'il y avait eu réciprocité aurait pu la sauver de cette absence du père qui la torturait.  L'adolescente Élyse n'avait pas seulement besoin d'aimer mais de l'être également par le garçon qui lui avait inspiré cet amour.  Comment tel être peut-il inspirer l'amour alors qu'il n'est pas digne d'autant d'amour, ou plutôt, qu'il n'en demande pas autant qu'il en inspire, lequel amour, côté Élyse, sans la réponse espérée, va précipiter la jeune fille dans l'autodestruction. La capacité d'aimer est une chose formidable mais Elyse n'avait pas la force encore de donner sans espoir de retour vers sa propre personne. "all you need is love" dit la chanson, d'amour reçu, concernant les adolescents. Un rôle difficile à jouer que celui d'Élyse, je salue la performance de l'actrice. Car le rôle veut qu'Élyse, arrivée au bout de son auto destruction provoque à mort Margot pour en finir avec la vie en frappant dans la faille. La faillle c'est encore chez ces adolescents de l'amour, ici, celui que ressent Margot pour son frère qui a de l'autisme. Margot, en quelque sorte sans défense face à la violence verbale d'Élyse, donne la plus mauvaise réponse qui soit puisqu'elle répond à la violence verbale par la violence physique. Voilà Élyse qui grâce à son amie Margot qu'elle instrumentalise,  usant de l'odieux jusqu'au paroxysme, en finit avec la vie. Une vie à quémander de l'amour à un père et à un garçon précisément qui ne voulaient pas lui en donner. Cet amour immature d'Élyse tournait en impasse. La violence des réponses de l'homme qui ne se vivait pas comme son père n'était pas assumable pour Élyse, le fantasme, à cause du manque, ayant pris le pas sur la réalité qui, une fois découverte saute à la figure comme une bombe. Pour jouer un rôle aussi difficile il faut que l'actrice dans la vraie vie soit comblée.  Bravo l'actrice. Quant à Margot, elle n'est pas sortie de la série et je trouve qu'elle bosse bien pour la cause des enfants qui ont de l'autisme. Un rôle utile pour une cause difficile à défendre. Bravo à l'actrice qui joue Margot ! 
 
 
Par un 31 mars 2010, j'ai mis ce poème de Jean Luc Bérimont en ligne, redécouvert aujourd'hui.
BALLADE DES TRENTE ROSES

À Jenny


Dans l’herbe des prairies
Dans les prés du tonnerre
Le bel âge à trente ans pour manger de la terre.

Je vis droit devant moi, debout dans mon destin
Je vois clair, éclairé de mes feux méridiens
Je découpe la terre au couteau des machines
J’ai mon gâteau à terre, à moi, dans ma poitrine.

Hier était le jour du vingt et trois Septembre
Dimanche d’avant lui m’était anniversaire
Je vivais à Paris, coiffé d’un ciel en soie
Un buisson d’Allemagne, ici, mourait pour moi.

Une rose d’automne, ô ma rose en fumée
C’est la rose de Faust, la rose à Loreley
Le tramway qui serpente au flanc de Degerloch
La fait trembler souvent dans le verger des poires.

Paris, piège à vivants, roulé dans tes artères
Que ne me laissais-tu du moins peser mon pain ?
C’est le poids de ma vie qu’il me faut satisfaire
Je reste avec des fleurs sournoises dans la main.

Trente roses de sel viennent trouer mon âge,
— Ardennes, lâchez-moi les loups de mal enfance —
Leur gueule a le satin des roses d’aujourd’hui
Leurs ongles, aux guérets, font des roses de buis.

Adieu pour le bonheur, adieu pour l’infortune
Je m’en vais sur la mer dans un bateau qui fume
Je hante les brouillards de la campagne anglaise
Une lampe éclatée, roseraie de la neige,
Met dans la nuit d’hiver un rectangle de Juin.

Ardennes, lâchez-moi les loups de mal enfance :
Mon père, il est cinq heures, vous sortez de l’usine
Votre capuchon noir est lézardé de bruine
Vous mordez une pomme en caressant ma joue
On entend le silence et des roues dans la boue.

Morsure, je vous fuis. Tous les loups n’ont pas d’ongles
Elle n’en avait pas la femme que je sais
Je lui cueille une fleur, une rose à son ombre
Je donne ce que j’ai pour en être apaisé,

Roses des étés blancs, roses de Picardie
Je vous ai vu pourrir dans les jardins croulants,
Les canons qui roulaient les dés noirs de ma vie
Barbouillaient sur la nuit des roses de géant.

À présent c’est l’hiver, je marche dans Paris
Je fouille les quartiers où l’on se couche tard
Je vais à pas fiévreux vers les eaux du matin
Des hommes sont pendus au bras creux des putains

Il en est qui se commettent avec des anges
D’autres le font avec des oies, d’autres avec des vaches
Les anges et les oies ont des sexes de miel
Les reins des femmes ont le rythme de la mer.

Ensuite je ne sais, tôt je perds la mémoire
Trente roses au but, trente balles au cœur
Lacéré par ma vie, je m’épuise à vous boire
Fontaine des prénoms, morsurante douceur.

Le Rhin franchi, j’ouvre la main pour suivre le tracé des
signes
Non, je ne vous ai plus tenus, chemins de France, ô mes
coursiers
Je fonce sous de hauts donjons, au flanc des rochers et des
vignes
Je laisse ma vie dans le vent, comme une rose, s’effeuiller.

Je retrouve le monde avec ses gibiers roux
Il a le goût des feux, des feuilles, du silence
Je retrouve le ciel qui se pend à mon cou
La femme de minuit qui m’ouvre ses genoux.

Laisserai-je pousser la ronce dans ma bouche
Il ne m’est plus donné de taire mon amour,
Laisserai-je le fer et la flamme en ma couche
J’en serais moins perclus que du sang de ta bouche.

L’hiver monte à l’assaut des pentes du haut-vert
Les biches alanguies se couchent dans la bruine
Ce pas clouté qui va, serait-ce vous, mon père ?
J’entends rauquer, très loin, vos sirènes d’usine.

Ardennes, lâchez-moi les loups de mal enfance
Il reste une colombe endormie dans ma main
Il reste un anneau d’or, trente roses qui tremblent
Une femme de neige et la saveur du pain

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