Hier nous sommes allés à la Baie d'Authie à Berck-sur-Mer. Le "vieux berckois" qui m'accompagnait ne reconnaissait pas bien les lieux depuis le temps qu'il n'y était pas venu : la mer ayant beaucoup avancé durant ces dernières années, aurait grignoté pas mal de plage ; des rochers supplémentaires auraient été installés selon lui, en guise de digue. "Rochers" ou blocs de bâtiments divers, détruits à une certaine époque, durant la guerre, qu'il me semble avoir toujours vus. Par le chemin sablonneux qui bordait la mer, à la baie d'Authie, nous avons tenté de rejoindre la "petite mer", direction la Madelon, où notamment des chasseurs de gibier d'eau, dits huttiers, ont installé leurs huttes durant des siècles. La Madelon possède un petit port aujourd'hui désaffecté, mais on y voit encore des bateaux dont quelques-uns ont l'air ensablés, dans un décor de nature préservée. La mer était un peu agitée, nous croyions que la marée était montée à son maximum et ce n'était pas le cas. Au retour nous n'avons plus pensé à retrouver ce chemin, avait-il été recouvert ? Étant repassés par la route du phare, nous n'avons pas fait attention. Ce chemin direction la Madelon, à un moment donné, s'écarte de la mer et s'enfonce parmi une végétation de pins maritimes et arbustes, ce, durant deux bons kilomètres, voire plus, au bout desquels nous avons aperçu une camionnette blanche entourée d'hommes en tenue de cantonniers, vêtus du désormais incontournable boléro jaune fluo. Mon ami avait oublié ou ne savait plus que ce chemin existait, il a émis l'hypothèse qu'il avait été récemment créé par des protecteurs de la nature. Il est vrai que les arbres, assez élevés cependant, ont la vigueur de la jeunesse. Un semblant de barrière en bois, en fait des poteaux à hauteur d'homme entre lesquels se faufiler pour "sortir" et se retrouver près de la camionnette : nous nous sommes immobilisés là. À partir de l'endroit où se trouvent les ouvriers et leur camion, un nouveau sentier part vers la gauche. J'ai demandé aux hommes où il menait, à quoi ils m'ont répondu cette phrase étrange : "À Aldi." Il y a un village du nom de Aldi par ici ?, me demandai-je sans oser formuler tout haut la question, me contentant de répéter "Aldi ?" Puis, face au silence de mes protagonistes, d'ajouter "Non, sans blague, il mène où ce chemin ?" Tous comme un seul homme interloqué répondirent, incrédules et butés : "À Aldi." Je me retourne vers mon ami, ne sachant que dire tandis qu'ils précisent "Aldi, au rond-point Aldi." "Oui ou merde, il va ou pas vers Groffliers ce chemin ?" "me pensai-je". Groffliers étant le nom du village où j'intuitai qu'il pourrait éventuellement mener. Mon ami reste mutique et me fait signe qu'on va "faire la boucle" car, ce côté-ci de la barrière, le chemin où nous sommes en forme une, décrivant un parfait demi-tour dans la direction d'où nous venons, quoique pas tout à fait, puisqu'il s'enfonce plus ou moins vers les dunes. Je remercie les hommes au regard placide et suis mon guide en maugréant dans ce moment de grande solitude contre le consumérisme, ayant compris que Aldi était le nom d'un magasin dont ils faisaient la publicité involontairement, conditionnés comme nous le sommes. Soudain quelque chose me fit oublier l'incident : l'apparition de silhouettes totalement irréalistes dans ce décor de dunes. C'était énorme. Je crus voir se découper la silhouette d'un éléphant, bientôt suivie d'une autre, aussi colossale, au sommet de la plus haute dune. J'écarquillai les yeux, ne croyant pas d'emblée ce que je voyais. Il s'agissait de chevaux. Jamais je n'en avais vu d'aussi gros. Ou était-ce un effet de la brume assez épaisse où seules les vagues à l'écume blanche comme le plâtre se découpaient nettement ? Ils descendaient à pas prudents le haut monticule de sable, les cavaliers paraissant des enfants sur leur dos. Je me plantai parmi des broussailles afin de les regarder passer sans les gêner... quand ils furent presque arrivés à ma hauteur, ma curiosité l'emporta et je demandai à la première cavalière la race des chevaux. Pas très loquace à l'instar des gens du coin en général un jour de brume elle me dit qu'elle ne savait pas. "Parce qu'ils sont très gros, lui lançai-je, un brin insistante. Ce serait ça des boulonnais ?" La tête tournée vers moi, l'air aussi désapprobateur que les cantonniers que nous avions laissés depuis peu, elle me répondit que "Non pas des boulonnais ! Ce sont des chevaux de selle." Nous voilà partis vers la mer, pour cela il fallut monter et dévaler des dunes abruptes. Une fois les montées et descentes accomplies nous la longeons un bon moment et nous retrouvons soudain dans un cul de sac : des dunes se profilaient à nouveau devant nous, entourées de "rochers" où se profile un grand panneau, signalant l'endroit comme dangereux. Alors quoi ? S'en retourner ? Patrick esquisse quelques pas sur les rochers. Je crie (modérément) que "non, pas par là", qu'il nous faut "remonter par les dunes", d'autant que j'ai remarqué la mer qui avançait encore. Il m'écouta fort heureusement et nous voilà à grimper les dunes. Elles sont si raides que nous avons fini l'ascension à genoux, Patrick se tenant au oyats, moi plantant mes doigts comme des rivets dans le sable humide à point, et me hissant assez lestement vers le sommet, genoux dans le sable. Mon ami veut continuer par les dunes faiblement vallonnées. Me vient l'idée que si nous grimpons la haute dune en face de nous, (si haute!), nous retrouverons le chemin de sable que nous avions emprunté, pas loin derrière. C'était parti pour une autre ascension sur les rotules, les "doigts en rivets", me concernant. Au sommet de cette montagne de sable, nous avons en effet vu ce sentier sablonneux. Nous avons bifurqué vers le phare. La mer avait-elle recouvert le chemin de la baie d'Authie ? Je pense que non mais j'aurais dû vérifier.
Métamorphose de Tirésias, d'Ovide : http://quaidebruay.blogspot.fr/2011/01/la-metamorphose-de-tiresias.html
dimanche 24 janvier 2016
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