L'ARBRE
L'arbre que l'hiver creuse et qu'il délabre
De terre à ciel est un chemin battu,
Avril aux tendres mains quand viendras-tu,
Quand, rallumer tout le grand candélabre ?
Flamme debout qui ne brûle et ne bouge,
Ruisseau qui coule en remontant ;
Le feu sans doute a quitté son masque rouge,
L'eau sa robe couleur du temps,
Et s'embrassant dessous la terre dure
Ils se sont fécondés en se battant
Pour qu'un surgeon de la lumière obscure
Jaillisse ainsi dans le ciel de printemps.
Corps nuageux vertébré comme un mont,
Flancs que perce un oiseau, qu'ouvre la brise ;
L'été respire à son vaste poumon.
Le grand soleil en mille nuits se brise
Folles de lunes vertes, d'astres troubles
Dans ses bas-fonds, et sa face dédouble
Le bleu du ciel en un sommeil de lac,
Une source s'y joue et son murmure
En ces grottes de vie aux sourds ressacs
D'un rêve d'eau ranime la ramure.
Lui, couronné de paix et de verdure,
Lui, jubilant d'oiseaux, lui blanc de fleurs,
Lui, nourri de discorde et fort de heurts
En qui la lutte élémentaire dure ;
Le tronc farouche au sommet de sa tour
Ourdit ses nœuds, ses fourches, ses détours
Et se poussant de rupture en rupture
Maintient, victorieux, l'architecture,
Pour coucher son automne en la couleur
Du feu dont il est fait, comme en la leur,
L'homme qui saigne et le soleil qui meurt.
Del Vasto 1936 Le Chiffre des choses, éd. Denoël
Le dire à voix haute ce poème montre la compréhension qu'on a du texte, des phrases se continuent en effet, ne pas se fier à la majuscule du vers suivant, l'une s'arrête sans que ce soit signalé par une ponctuation :
Le grand soleil en mille nuits se brise (NP, là il faut imaginer le point)
Folles de lunes vertes, d'astres troubles
Dans ses bas-fonds, etc.
La phrase reprend avec "Folles de lunes vertes" "d'astres troubles dans ses bas-fonds" Del Vasto parle toujours des nuits mais ce n'est pas évident si on ne regarde que la ponctuation.
L'oral est primordial, dire ce poème à voix haute le fait vraiment chanter et fait chanter celui qui le lit si la lecture est correcte. À vous de chanter.
Et je quitte ce blog pour aujourd'hui avec cette pensée de Henry Miller : "If there is to be any peace it will come through being, not having.
Trouvée sur le Daily Ray
mardi 5 janvier 2016
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