mercredi 4 février 2015

Ce que l'on apprend

D'où me vient la curiosité pour l'histoire méconnue,  je parle d'histoire méconnue concernant  la  Grande Histoire, quand elle s'insère dans la vie des gens jugés insignifiants,  dont témoignent  finalement assez peu d'écrivains à ma connaissance. Beaucoup l'éludèrent quelque peu dans leurs romans   de peur de faire trop de place à la politique, force est de se référer aux livres d'histoire académique seulement,  froids, où l'Histoire est racontée sous forme de constat après accident grave sans qu'on ait très bien compris l'état d'esprit des protagonistes quand la grande et folle machine  s'est mise en branle comme soudainement. Je reviens à Féval parce qu'il est le témoin de son temps. Le style chez lui n'est pas quelque chose de si primordial — d'où qu'il est assez inégal (et surprenant parfois par sa fantaisie soudaine) — qui le tienne autant à cœur que  Céline qui en parle beaucoup dans les entretiens qu'il a donnés,  parce qu'il se voulait innovateur d'une langue plus vivante. C'est vrai que chez Féval il y a de tout : des passages de poésie, laquelle  me touche, des passages qui se veulent lyriques mais c'est assez raté à mon goût souvent, et des lignes où transpirent les humeurs qui passent, inégales, avec parfois pas mal de cruauté, mais l'homme serait ainsi fait, ce serait une fatalité,  et la littérature n'est pas composée que de bons sentiments, on a souvent l'occasion de s'en apercevoir. Il n'empêche qu'avec Féval j'ai appris sur l'Histoire. Je ne savais pas par exemple que durant le dix-neuvième siècle  un mythe circulait parmi le peuple  à propos du fils de Louis XVI. Le peuple fantasmait  Louis,  qui aurait pu s'évader de la prison du temple et aurait eu un fils, lequel voudrait reprendre la couronne. Les visages masculins charnus à nez aquilin, faciès bourbonien en diable, faisaient rêver beaucoup de "petites gens" ... "se pourrait-il qu'il s'agisse du roi Louis, fils du Louis évadé, en errance parmi le peuple,  conspirant peut-être pour reprendre la couronne ?" Une partie du peuple Français aurait finalement difficilement assumé le départ des rois, un deuil difficile mais aussi pour d'autres,  une peur, c'est selon, car des gens s'étaient emparés de terres de l'ancien royaume dit Féval à ses lecteurs. Un extrait où l'on retrouve le mythe : 
 
"Vous voyez que le fils de saint Louis était bien près de remonter sur le trône de ses aïeux.
 
Il y avait des mois que ces choses comiques s'agitaient aux environs de la Ferté-Macé, (NP : un propriété acquise sur d'anciennes terres appartenant autrefois à des nobles) et, sous ces choses comiques, un gros drame bien noir rampait à pas de loup.
 
Le drame était mené par des gens qui savaient leur monde et qui ne prenaient point, pour jouer la comédie en grange, l'accent qui conviendrait au théâtre-Français.
 
Ils taillaient en plein dans le grotesque, bien sûrs qu'ils étaient de ne pouvoir aller trop loin sur cette route.
 
La conspiration, du reste, était le côté grossier de leur trame.
 
Une autre pièce se jouait auprès de celle-là, qui avait au moins le mérite de l'originalité.
 
La chapelle était achevée, elle avait son chapelain.
 
Une aile entière du grand vilain château Renaissance (NP : un château construit à la va-vite, en trois ans, sous la férule de la Goret, petite fille d'un valet qui subtilisa le coffre rempli de Louis d'or d'une famille de nobles en fuite,  que la mort talonnait lors de la révolution) avait été rendue habitable pendant qu'on installait dans le  corps de logis et dans l'autre aile de somptueux appartements.
 
Cette aile habitable avait un hôte, M. Nicolas.
 
Dès qu'on avait franchi le seuil de son antichambre, M. Nicolas changeait de nom : il s'appelait "le Roi".
 
Pas  davantage."
 
Paul Féval   
   

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