Tout est question "d'envie de", au niveau du rire ou des larmes ? même pas, il serait plutôt question de submersion, de quelque chose qui d'un coup vous étreint. L'autre jour, à un enterrement, on diffusait une magnifique musique, d'une mélancolie aux accents espagnols ; les larmes sont venues spontanément et malgré moi à l'évocation d'un jeune homme bronzé aux yeux bleu marines qui avançait dans l'allée qui menait à notre maison, sourire timide aux lèvres. Je pense qu'il portait son uniforme. Il revenait de l'Algérie, à l'époque de la guerre pour l'Algérie française. Ce soldat était celui qu'on enterrait ce jour-là. Le jour de sa visite à ses nièces, lors de cette permission, il nous observait avec une certaine timidité mêlée de tendresse. Nous étions des petites filles, son sourire énigmatique m'était agréable. Il nous avait amené à chacune un sac en forme de boite ronde, comme faite en roseau souple, peinte en blanc, dont le couvercle rouge, plat, coulissait le long de la anse qu'il fallait mettre autour de l'épaule. Tous les dimanches je l'exhibais fièrement à l'église, l'église étant un lieu idéal à l'heure de la grand-messe pour ce genre d'exhibition : nouveau manteau, nouveau sac, souliers neufs, coiffure, fraîche mise en plis, broshing impeccable etc. L'allée centrale se transforme en défilé de gens qui se montrent aussi le jour d'un enterrement pour dire à la famille du défunt "je suis venu(e)". Quand je suis allée à cet enterrement, c'était pour sentir s'il y avait encore une connection avec cet oncle et j'ai été étonnée de la réponse, ces larmes m'ont étonnée, qui coulaient sans retenue, sans même m'agacer. J'étais loin de tout jugement, de toute critique envers moi-même ou les autres. Car la guerre d'Algérie a soulevé tant de passions. Cet oncle, soldat anonyme parmi d'autres, a pensé qu'il devait se dévouer pour la cause de l'Algérie française, j'ai pensé plus tard de mon côté qu'il fallait rendre l'Algérie à ceux qui y étaient depuis très longtemps, beaucoup plus longtemps que les français. Ensuite j'ai lu Camus, et découvert que le problème était complexe, il y avait des pieds noirs d'origine espagnole par exemple, pauvres, ou pas très riches, qui ne s'étaient enrichis sur le dos de quiconque, et qui avaient lié avec les Arabes des liens de fraternité. Durant cet enterrement, loin la politique, je voyais pourtant toujours le jeune homme bronzé, brun de cheveux, s'avouant content du fait que, lorsqu'il se mettait en civil là-bas, avec le hâle que l'Algérie lui offrait, on le prenait pour un Arabe, cela lui avait donné la possibilité de faire quelques promenades dans un centre ville, sans crainte d'être agressé par un Arabe intolérant à la présence française. Le soleil était chic avec lui. Mais le constat du jour sur les rires et les larmes est que ce sont des indices de ce qui se passe à notre insu, au plus profond de nous, en dehors du cadre de la comédie. D'un coup l'un ou l'autre, selon un déclic similaire, qui vient de l'intérieur ou vous est apporté en cadeau, vous assaille... à l'occasion d'un fait, d'un événement et vous dit quelque chose qui a trait à la connaissance de soi et la reconnaissance que des "choses" dépassent l'homme.
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