Jean Schlumberger ♣♣♣ Suite de l'extrait sur le poème d'Henri Michaux commenté par Bachelard ♣♣♣ Les photos

Relisant mon commentaire d'hier sur Bachelard, j'ajoute qu'il a, outre le sens de la mesure, celui de la démesure, aimant à suivre dans l'immense ces poètes qu'il a si bien compris... c'est d'autant plus remarquable, que doté par ailleurs d'un esprit scientifique poussé, "normalement" il "devait" les louper. Or non seulement il ne les a pas loupés, dans le bon sens du terme et sans mauvais jeu de mot, mais encore il a partagé, par la lecture qu'il avait faite de tous ces poètes,  l'expérience métaphysique de la poésie. Lecture qui le fit lui-même poète à mon sens.    

À propos des poètes, sur Diérèse, j'ai trouvé ceci :

http://diereseetlesdeux-siciles.hautetfort.com/archive/2015/05/14/jean-schlumberger-5621679.html 

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Suite de l'extrait posté hier :

"Par quelle naïve intuition localisons-nous dans un enfer le mal qui n'a pas de limite ? Cette âme, cette ombre, ce bruit d'une ombre qui, nous dit le poète, veut son unité, on l'entend du dehors sans pouvoir être sûr qu'elle est dedans. Dans cet "horrible en dedans-en dehors" des paroles non formulées, des intentions d'être inachevées, l'être, à l'intérieur de soi, digère lentement son néant. Sa néantisation durera "des siècles". La rumeur de l'être des on-dit se prolonge dans l'espace et dans le temps. En vain l'âme bande ses forces, elle est devenue remous de l'être finissant. L'être est tour à tour condensation qui se disperse en éclatant et dispersion qui reflue vers le centre. L'en dehors et l'en dedans sont tous deux intimes ; ils sont toujours prêts à se renverser, à échanger leur hostilité. S'il y a une surface limite entre un tel dedans et un tel dehors, cette surface est douloureuse des deux côtés. En vivant la page de Henri Michaux, on absorbe une mixture d'être et de néant. Le point central de "l'être-là" vacille et tremble. L'espace intime perd toute clarté. L'espace extérieur perd son vide. Le vide, cette matière de la possibilité d'être ! Nous sommes bannis du règne de la possibilité.

Dans ce drame de la géométrie intime, où faut-il habiter ? Le conseil du philosophe de rentrer en soi-même pour se situer dans l'existence ne perd-il pas sa valeur, sa signification même, quand l'image la plus souple de "l'être-là" vient d'être vécue en suivant le cauchemar ontologique du poète ? Remarquons bien que ce cauchemar ne se développe pas à grands coups d'effroi. La peur ne vient pas de l'extérieur. Elle n'est pas faite non plus de vieux souvenirs. Elle n'a pas de passé. Elle n'a pas non plus de physiologie. Rien de commun avec la philosophie des souffles coupés. La peur est ici l'être même. Alors où fuir ? Où se réfugier ? Dans quel dehors pourrait-on fuir ? Dans quel asile pourrait-on se réfugier ? L'espace n'est qu'un "horrible en dehors-en dedans". 

Et le cauchemar est simple parce qu'il est radical. On intellectualiserait l'expérience en disant que le cauchemar est fait d'un doute subit sur la certitude de l'en dedans et sur la netteté de l'en dehors. C'est tout l'espace-temps de l'être équivoque que Michaux nous donne comme a priori d'être. Dans cet espace équivoque, l'esprit a perdu sa patrie géométrique et l'âme flotte.

On peut, certes, éviter d'entrer par la porte étroite d'un tel poème. Les philosophies de l'angoisse veulent des principes moins simplifiés."

Gaston Bachelard, page 196-197

Mon commentaire : Bachelard ici, avec ce poème de Henri Michaux,  aborde quelque peu le domaine de la psychanalyse... on n'est certes pas dans l'envol de l'albatros ou encore de la coccinelle : rien de réjouissant.  La suite de l'extrait du commentaire de Bachelard d'un poème de Henri Michaux, demain. 

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Hier j'ai pris en cours un reportage sur une civilisation éteinte, quelque part en Amérique de Sud. Civilisation des plus sophistiquées, et d'une cruauté elle aussi sophistiquée, où les prêtres s'emparaient des clés de l'au-delà, dès qu'était perçue par les hommes une intelligence supérieure, afin d'aliéner "les inférieurs" et faire "des supérieurs", eux-mêmes en phase d'aliénation, des forces vives de la classe dominante, "supérieurs" qui avaient passé diverses épreuves avant d'être décrétés tels, avaient été savamment drogués comme les autres et envoyés comme eux dans des sous-terrains non éclairés et labyrinthiques. C'est à l'occasion du visionnage de ce reportage que j'appris que les félins étaient considérés comme êtres des mondes inférieurs, et dans ces souterrains, un instrument reproduisait leurs rugissements et autres feulements, afin de terroriser les néophytes déjà sous hallucinogènes.  Reportage qui nous en dit long sur les hommes en général. 

Photos de ce matin :

Le cornouiller ensoleillant, vu de la fenêtre du haut.

Lilas dans la nuit. Photographié de la fenêtre du haut. Le jeune plant est dans sa troisième année, je ne pensais pas qu'il pousserait si bien. L'an passé il n'a pas donné de fleurs, mais la première année, encore tout petit, et transplanté de peu, il en avait donné. Panaches blancs qui se font lampes de nuit d'un coin de nature derrière la maison.

J'ai loupé le chat, mais pas moi. Zut ! Vous le verrez demain.