dimanche 8 mai 2016

Le poème de Béatrice Douvre, lu sur Diérèse ce jour ♣♣♣ Les rêves



Un enfant roi me dicta la feuille brisée.
Dans la coupe il tenait le sable sang.

      L'eau chantait.
Rayons de rivière, amoncellement de limons verts.
Vomissures d'argent au bruit des marées. L'eau
debout finissait en barques sur le ventre.

      Des charrettes de fruits crissaient sur le sol roux. Des enfants
costumés riaient, dont j'attendais le baiser blond, la candeur mûre.

      Contre mes pas obscurs se hissait l'épaule d'un dieu mort,
j'arrivai au dernier port, l'ange qui se hâtait me quitta, et j'ai
marché, légère, car marcher maintenant m'éclairait. 


Mon commentaire :

Je ne la connaissais pas. C'est vrai qu'on y retrouve cet onirisme qu'avait à valeur égale Rimbaud. Il explose les formes. J'apprends sur Diérèse que la poétesse vient de mourir à l'âge de 27 ans. Il ne s'agit pas d'un suicide. Du moins d'un suicide net et carré, car Béatrice Douvre était anorexique.

♣♣♣

Je comprends que Bachelard n'ait pas tenu compte des rêves de dormeurs quand j'en fais la nuit de moches ; ces rêves moches le sont assez pour me raconter le bannissement,  et ils me montrent des personnes poursuivies par des assassins. Ces rêves chapes de plomb, seule domine la fatalité. Sans intérêt en effet. Si Bachelard n'avait affaire en dormant qu'à des atterrements du même genre, il est compréhensible qu'il se soit exclusivement tourné vers la rêverie consciente, la rêverie l'auteur baigne dans la pleine lumière de sa conscience,  levier en main, rêverie qu'on trouve par exemple dans le poème de Béatrice Douvre. 

Hier sur la plage de Berck, j'étais allée m'asseoir parmi les familles ; aucun handicapé dans la foule des familles : puisqu'ils sont là pourtant,  les cacher me paraît suspect, et toutes ces familles du coup avaient à mes yeux un petit air orphelin. Deux jeunes femmes de Lens et une fillette sont venues s'asseoir si près de moi que j'entendais leur conversation (d'où que j'aie su d'où elles étaient exactement). Elles sont venues délibérément s'asseoir si près,  car il y avait de la place. Une des jeunes femmes a dit en entrée en matière à sa petite : "Viens, on se met à côté de la dame" (c'était moi), elle avait une prédilection pour les personnes d'un certain âge,  peu après en effet je l'ai entendue chanter les louanges de Super Nannie, à titre de référence pour conseiller son amie quant à l'attitude à adopter lorsqu'elle avait la garde de sa fille. Moi, avec mes cheveux blancs, je faisais donc figure à ses yeux de doublement super Nannie. Mais la chose ne m'a pas amusée sur le coup, car je lisais moins bien "mon" Bachelard, sachant qu'étant une bannie d'office de la mère Dolto, si la jeune femme en avait été informée, elle aurait mis les 20 mètres d'écart qu'elle aurait pu aisément laisser entre nous, malgré le monde sur cette vaste plage (clin d'œil à baudelaire). De l'autre côté, il y avait une famille de quatre : les parents et leur deux fils. Le jeune père apprenait le jeu du cerf-volant à son aîné récalcitrant qui lâchait le cerf-volant au mauvais moment, lequel aurait pu atterrir sur moi, qui bouquinait malgré tout ; je lui jetais quelques coups d'☺œil bienveillants (mais si), et lui des coups d'œil intrigués car il me voyait prendre des notes, ou, plus intriguant encore, recopier des phrases lues, des phrases qui parlaient de la corrélation de l'espace intime, immense, avec l'immense espace du monde, les deux pouvant se rencontrer lorsque le penseur se mettait en communion avec l'espace extérieur. Je n'en étais pas là mais le lire, lire la façon dont Bachelard l'exprime me faisait du bien. Le papa a fini par laisser sa femme, personne aux jolies rondeurs qui évoquaient selon moi celles d'un éléphanteau, s'occuper des enfants. Elle s'était levée alors que lui avait décidé de se prélasser sur le sable, et elle appela ses enfants eux aussi réticents à l'idée de devoir aller se baigner dans la mer qui se retirait, sans doute un peu froide encore. "Les poussins !" criait-elle, puis "Mohamed !" et un autre prénom arabe. Tiens ! cette femme blonde était arabe, c'était fort possible à sa façon d'être mère, de parler aux enfants,  qui pouvait bien être assez typique des femmes arabes, si le physique pas vraiment. Elle aussi regarda mon livre, un peu intriguée. Et je ne sais pas pourquoi, dans sa manière de dire, à voix très haute du fait qu'elle les appelait, "Les poussins!", j'ai cru déceler une pointe d'agacement à mon encontre qu'elle faisait semblant de reporter sur les enfants  alors qu'elle jetait ce regard furtif sur le livre et sa "propriétaire". Juste une impression, rien de certain mais zut, je m'en suis allée peu après. Et cette nuit je faisais un rêve moche, de ceux qui parlent de bannissement, qui font comprendre pourquoi Bachelard ne tenait pas compte des rêves de dormeurs.  
            


                                      



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