mardi 3 mai 2016

Pas de coquille



J'avais tapé hier  - a - au lieu de -e - pour le mot sentiment, mon doigt a fourché, peut-être parce qu'avait été longuement évoqué la voyelle a de l'adjectif vast, comme clé de la musicalité du mot, adjectif qui vient tout naturellement à la pensée de Baudelaire quand il s'agit de sublimer avait noté Bachelard.

À propos du mot sublimation j'ai lu ceci ce matin sur Wikipédia :

"Quels termes saurai-je trouver, suffisamment simples dans leur sublimité, — suffisamment sublimes dans leur simplicité, — pour la simple énonciation de mon thème ?"

Edgar Poe, Eureka, 1848, traduction de Charles Baudelaire


Quelques lignes de Bachelard ce matin. Retournant en arrière, j'ai relu ceci à propos des miniatures sonores :


" Les poètes nous font souvent entrer dans le monde des bruits impossibles, d'une impossibilité telle qu'on peut bien les taxer de fantaisie sans intérêt. On sourit et on passe. Et cependant, le plus souvent, le poète n'a pas pris son poème comme un jeu, car je ne sais quelle tendresse mène ces images.

René-Guy Cadou, vivant dans le Village de la maison heureuse pouvait écrire :

On entend gazouiller les fleurs du paravent

Hélène ou le règne végétal, éd. Sehers, p. 13 


Car toutes les  fleurs parlent, chantent, même celles qu'on dessine. On ne peut dessiner une fleur, un oiseau en restant taciturne.

Un autre poète dira (Noël Bureau, Les mains tendues, p.29) :

Son secret c'était

...........................

D'écouter la fleur
User sa couleur

Claude Vigée lui aussi, comme tant de poètes, entend l'herbe pousser. Il écrit :

J'écoute
Un jeune noisetier
Verdir.

De telles images doivent, pour le moins, être prises dans leur être de réalité d'expression. C'est de l'expression poétique qu'elles tirent tout leur être. On diminuerait leur être si l'on voulait les référer à une réalité, voire à une réalité psychologique. Elles ne correspondent à aucune pulsion psychologique, hors le pur besoin d'exprimer, dans un loisir d'être, quand on écoute dans la nature, tout ce qui ne peut pas parler.

Il est superflu que de telles images soient vraies. Elles sont. Elles ont l'absolu de l'image. Elles ont franchi la limite qui sépare la sublimation conditionnée de la sublimation absolue."

Gaston Bachelard La poétique de l'espace, pages 163,164

Mon commentaire :

Reste à comprendre complètement ce qu'est la pure expression pour Bachelard, qui n'est pas reliée à une impression psychologique.
La pure expression est je pense, selon lui, de dire la chose telle qu'on la vit en soi, c'est pourquoi cela exclut le jeu qui manque de tendresse. Ce jeu qui raille toujours un peu le Je et le moi dès lors qu'on craint d'approcher de trop près la poésie, ou tout simplement "de se rejoindre". Les poètes ont l'audace de franchir le seuil pour atteindre la poésie, cette élévation ou sublimation. Rimbaud dit, pour illustrer encore le phénomène de sublimation qu'engendre la poésie : 


Il écoutait grouiller les galeux escaliers.

(Les poètes de sept ans)


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