jeudi 12 mai 2016

Le Désir ♣♣♣ Le désert de Diolé



There is no fire like passion. There are no chains like hate. Illusion is a net, Desire is a rushing river.

~ Gautama Buddha

Il n'y a pas de feu comme la passion, Il n'y a pas de chaînes comme la haine. L'illusion est un filet, le désir une rivière tumultueuse. 


À propos de désir, j'ai eu l'occasion de voir deux films où le désir sexuel était  quasiment constamment, à un moment donné, au centre des préoccupations des personnages principaux. Peut-être à l'insu des réalisateurs de ces deux films — l'un se déroulant dans un milieu homosexuel, l'autre chez des hétéros avait pour thème l'euthanasie — on peut facilement s'apercevoir que l'appétit de sexe est lié à une sorte de désir-phobie de la mort. Comme si le sexe servait aux protagonistes hantés par elle à la faire reculer mais aussi à s'en approcher, car le sexe y est source de destruction, produisant des victimes colatérales pour le second que j'ai visionné, où on y voit quelque chose comme "je suis repue de sexe, repue de vie, je peux partir". Dans le premier film vu, le sexe est associé à la vie d'une façon quelque peu pathologique car dès qu'il n'y a plus d'envie de la part de l'amant psychopathe pour son partenaire, si celui-ci s'accroche malgré tout, l'amant le tue. "Que vas-tu devenir quand il n'aura plus envie de toi ?" demande un personnage à la victime potentielle, sachant que l'amoureux s'est entiché de ce malade censé "jeter" en les tuant pour de bon les partenaires "usagés", qui ne sont plus désirables sur le plan sexuel à ses yeux. 
Le désir dit Buddah, est "une rivière tumultueuse" : il faut être bon nageur, la mort rôde aussi autour du désir. La rivière c'est la vie cependant, avant tout. Sans elle, le désert. 
À propos de désert, voyons un peu comment un homme que Bachelard a repéré vit le désert, l'apprivoise, y reste en vie.

 Suite de l'extrait posté hier : 

"Si la nuance est sincèrement vécue par le poète, le phénoménologue est sûr de saisir un départ d'images.

En toutes ces nuances, dans une enquête plus fouillée que la nôtre, on devrait montrer comment elles s'intègrent dans la grandeur de la plaine ou du plateau, dire par exemple pourquoi la rêverie du plateau n'est jamais une rêverie de la plaine. Cette étude est difficile parce que parfois l'écrivain veut décrire, parce que l'écrivain sait d'avance, en kilomètres, la grandeur de sa solitude. Alors, on rêve sur carte, on rêve en géographe. Tel Loti, à l'ombre d'un arbre à Dakar, son port d'attache : "Les yeux tournés vers l'intérieur du pays, nous interrogions l'immense horizon des sables." Cet immense horizon des sables, n'est-ce pas un désert d'écolier, le Sahara des atlas scolaires ? 

Combien plus précieuses pour un phénoménologue sont les images du Désert dans le beau livre de Philippe Diolé : Le plus beau désert du monde !  L'immensité dans le désert vécu retentit en une intensité de l'être intime. Comme dit Diolé, voyageur plein de songes, il faut vivre le désert "tel qu'il se reflète à l'intérieur de l'errant". Et Diolé nous appelle à une méditation où nous saurions — synthèse des contraires — vivre une concentration de l'errance. Pour Diolé, "ces montagnes en lambeaux, ces sables et ces fleuves morts, ces pierres et ce dur soleil", tout cet univers qui a le signe du désert est "annexé à l'espace du dedans". Par cette annexion, la diversité des images est unifiée dans la profondeur "de l'espace du dedans". Formule décisive pour la démonstration que nous voulons faire de la correspondance de l'immensité de l'espace du monde et de la profondeur de "l'espace du dedans".

D'ailleurs, cette intériorisation de Désert ne correspond pas chez Diolé à la conscience d'un vide intime. Au contraire, Diolé nous fait vivre un drame d'images, le drame fondamental des images matérielles de l'eau et de la sécheresse. En effet, "l'espace du dedans" est chez Diolé une adhésion à une substance intime. Il a longuement vécu, délicieusement vécu les expériences de la plongée en eau profonde. L'Océan est devenu pour lui un "espace". À 40 mètres sous la surface de l'eau, il a trouvé "l'absolu de la profondeur", une profondeur qui ne se mesure plus, une profondeur qui ne donnerait pas d'autre puissance de rêves et de pensées si on la doublait ou si on la triplait."

Gaston Bachelard, p. 185-186 

Pour savoir comment Diolé vit le désert, ou vous vous procurez le bouquin La Poétique de l'espace, ou vous venez lire ici la suite de l'extrait demain. 



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