mercredi 20 avril 2016

Le philosophe Max Picard ♣♣♣ Là où je suis sans voix

Quelle chance j'ai de lire cet homme : Bachelard, qui a demandé qu'on écrive son nom avec un petit "b" alors qu'il est si riche, riche de la manière dont le mot "riche" est employé par Desnos dans un des poèmes que je préfère de lui ; "Elle est riche d'elle-même"  a-t-il en effet écrit, parlant d'une femme a l'aspect de presque pauvresse, qu'il a vue quelque part dans un café et qui lui a bien innocemment je pense inspiré cet hommage. Bachelard est riche lui aussi de cette façon et il branche ses lecteurs sur d'autres que lui, comme à la page 167 : Max Picard, qui semble lui aussi baigner dans l'opulence d'une vie intérieure riche et féconde d'après les extraits de textes de son cru, que j'ai lus sur la toile. Du coup, me concernant, je ne dis plus grand-chose, je plonge dans un bienheureux silence ravi, silence de lecture, et je partage :

"Le silence unifie en quelque façon le présent, le passé et l’avenir. Or dans l’amour il y a plus de silence que de paroles. Et on comprend dès lors que ceux qui s’aiment soient comme soulevés au-dessus du temps. Les dons de prémonition et même de clairvoyance qui leur sont parfois impartis sont justement liés à cette qualité supratemporelle du silence.

[...] 

Notons encore que le philosophe, pour autant qu’il est de moins en moins professeur, tend à se rapprocher du poète. Nous voyons affleurer devant nous comme une Atlantide qui ressurgirait des flots, où l’unité initiale de la pensée et de la poésie tend à se recréer ; c’est sur celte Atlantide que se situe à n’en pas douter, l’œuvre de Max Picard. Certaines confusions ruineuses doivent bien entendu être évitées. Max Picard est chrétien, il est catholique. Dès lors, la résonance d’un livre tel que celui-ci est entièrement différente de celle qu’on peut trouver chez Heidegger ou même chez le Rilke des Élégies sur lequel il formule, je crois, bien des réserves. On peut dire sans crainte de se tromper que toute la méditation de Max Picard est orientée vers la restauration d’une certaine intégrité de l’être qui est mise en péril, non pas seulement par le progrès des techniques mais par la volonté de puissance dont celles-ci ne sont que les instruments aveugles, des instruments qui d’ailleurs risquent de devenir les maîtres, aveugles certes eux aussi, de ceux-là mêmes qu’ils sont censés servir. Je doute qu’on puisse exagérer l’importance de semblables avertissements, mais nous n’avons point à faire, il faut le répéter, à un pessimiste nihiliste, mais à des assurances prophétiques au sens plein de ce mot (Bloy et Péguy eux aussi sont des Prophètes), à des assurances qui prennent leur source dans une conscience eschatologique. Mais, ce qui est remarquable, c’est que le ton du livre n’en reste pas moins merveilleusement paisible, le silence qui est exalté ici c’est « la paix qui passe tout entendement »."

Préface intégrale du Monde du silence :

 http://sophia.free-h.net/spip.php?article323 

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Là où je suis sans voix, c'est ici :

http://jubilatedeo.hautetfort.com/archive/2015/09/18/morceaux-choisis-469-yves-raguin-5686967.html

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