Pour Jean-Charles Sommerard, aromatologue dont j'ai acheté un livre édité à France Loisir, il y a de cela plus d'un an, le poète chante, la poésie passe par la rime ou le rythme autant que par l'image.
On le voit à travers les premières lignes de cet écrit consacré au cyprès :
Le Cyprès vert par J-C Sommerard
"de nombreux poètes ont chanté la pureté des lignes de cet arbre d'une grande élégance, qui appelle à des pensées essentielles sur la vie et la mort. Déjà, dans la Grèce antique, Platon affirmait que le bois du cyprès était plus durable que le bronze, ce qui en faisait une représentation parfaite de l'éternité. Pour les Perses, il était l'arbre primitif de l'Eden, l'image même d'Ormuzd le Prince bienveillant, la Lumière fondamentale qui ordonna le monde un jour béni, fit le soleil et l'armée des étoiles et des puissances bienfaisantes, celui qui répand la lumière et la chaleur, lutte contre l'esprit des ténèbres, couronne les rois et a inspiré Zoroastre le prophète.... À titre divers, le cyprès était présent devant tous les temples et tous les palais. En Iran, aujourd'hui encore, il est de tradition de tailler une canne de guérison avec la troisième branche d'un cyprès, à partir du sol, pour éloigner les maladies.
Au premier siècle avant notre ère, le poète romain Ovide lui rendit hommage dans ses Métamorphoses, faisant dire à Apollon, dieu de la Lumière, des Arts et de la Divination : "[...] Tu seras toujours l'objet de mes regrets. Tu seras chez les mortels le symbole du deuil et l'arbre des tombeaux". Et c'est ainsi que le cyprès toujours vert devint le symbole de la douleur et du souvenir et prit place dans les cimetières.
Lourd d'allégories, le cyprès vert était dans le monde antique associé à l'enfer, au culte des morts, symbole funèbre de deuil et de tristesse et arbre des trépassés ; il était déjà planté auprès des tombeaux d'alors. Cette habitude s'est perpétuée, et les Chrétiens y ont associé leur message biblique d'espérance en l'au-delà. En Extême-Orient, si la pureté de ses lignes évoque raffinement et art de vive, le cyprès est aujourd'hui encore réservé à des enclos sacrés : de tout temps, il a été associé à la notion d'immortalité en raison de son feuillage toujours vert, sempervirens en latin (d'où son nom botanique). Il est la représentation emblématique du pont, du lien cosmique entre le Ciel et la Terre. Symbole d'incorruptibilité et de pureté dans le shintoïsme japonais, son bois entre dans la construction des temples ou est brûlé lors de feux qui marquent des moments sacrés."
Plus loin, la rubrique "le mot du pharmacien" toujours au sujet du cyprès :
"Divers papyrus nous enseignent que le cyprès est déjà présent dans la matière médicale de l'Égypte ancienne. Son bois, quasiment imputrescible, y était très apprécié pour fabriquer des sarcophages, et son essence entrait dans la composition qui servait à embaumer les corps. Les Assyriens du début de notre ère connaissaient un de ses usages majeurs et l'utilisaient pour "remédier aux démangeaisons de l'anus", ce que notre médecine moderne a traduit par : traitement adjuvant contre les hémorroïdes. La médecine d'orientation anthroposophique, très répandue dans l'Europe du Nord, indique que le cyprès peut aider l'évolution psychologique des personnes qui se sentent dispersées, déstructurées, déconcentrées, car il ramène à l'essentiel, renforce les tempéraments trop sensibles en les accompagnant pour retrouver identité, repères, et force morale."
Est ajouté un dernier paragraphe intitulé :
Le cyprès, sentinelle millénaire
"Cet arbre ligneux vit plus longtemps que les civilisations qui l'ont maudit ou aimé : certaines sources mentionnent des individues âgés de presque deux mille ans. Ce sont certainement ses magnifiques qualités qui expliquent que le cyprès se soit largement répandu dans les campagnes des régions du Sud. En Provence, il fait partie du paysage ; et voilà bien longtemps que les "mas" sont bornés par deux cyprès. Ceux-ci sont destinés à la fois à marquer l'entrée du lieu, mais aussi à devenir les futures poutres maîtresses du toit de la bastide quand viendra le temps de rénover la toiture. Telle une sentinelle, le cyprès veille sur les maisons comme les dernières demeures d'ici et d'ailleurs, non pas de manière funèbre mais bien plutôt comme un rappel : la vie pourrait bien être éternelle..."
Mon commentaire :
l'aromatologue a une vision du poète comme être qui "sent bon", chante, élève, à l'instar de Bachelard. Pour autant, dans leur vie, certains poètes comme par exemple Rimbaud pouvaient se comporter de façon assez brutale (envers Verlaine concernant Rimbaud), mais ce qui compte pour l'aromatologue et Bachelard, c'est le moment sacré où le poète compose, ou "crée", le moment où il est capable de s'élever, donc, pour Bachelard, de dépasser la souffrance en élevant sa conscience à un autre niveau de perception, emportant son lecteur dans son sillage, d'où la reconnaissance de Bachelard qui par sa lecture enthousiaste "co-créait" le poème.
Le travail d'Artaud fut peut-être plus proche de la philosophie qu'il n'y paraît, et d'un combat politique. Artaud était un combattant qui luttait contre des pouvoirs établis, épris d'absolu ; je pense qu'il se laissait parfois aveugler par la passion. Une passion douloureuse. Mais je dois le relire car j'ai le souvenir que j'avais à l'époque trouvé sublime ses écrits. Le "cas" du poète douloureux est assez complexe, on ne peut pas se détourner de sa poésie par simple conviction que le poète ne peut que chanter... heureux comme un pinson. Il y aurait des envols "fracassants" comme des cris de guerre d'aigle qui va attaquer.
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L'anniversaire de John Muir, notre Rousseau Américain, c'est ici :
http://www.sierraclub.org/sierra/2016-2-march-april/green-life/coming-home-celebrates-john-muir-s-birthday?suppress=true&utm_source=greenlife&utm_medium=email&utm_campaign=newsletter
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